Avec le retour de la pluie et l'enneigement exceptionnel que nous connaissons cette année dans les Alpes du Sud après plusieurs années de sécheresse, le moment est propice pour revenir sur la question de l'eau dans le canton. Mais il ne faudrait pas que certains mettent en cause la réalité du changement climatique pour autant; il s'agit là de phénomènes météorologiques, pas du climat à l'échelle de la planète.
Le retour de la pluie, le remplissage des karsts qui alimentent les résurgences de la Siagnole (E2S) et de la Siagne ainsi que la remontée du niveau de l'eau dans les forages (Ste Brigitte à Seillans), ne doit pas faire oublier les problèmes d'eau du canton, car en l'absence de mesures, ils ne cesseront pas de s'aggraver.
La pénurie d'eau dans le canton en période de pointe et son aggravation dans les années futures est une réalité. Sept de nos 8 communes du canton sont alimentés en eau potable par les sources de la Siagnole, exploitées par E2S société à économie mixte composée d'une filiale du groupe Véolia et du Conseil Général du Var. Son président est le Conseiller Général du Canton, Maire de Callian, François Cavallier. Les 7 communes sont:
Depuis que la source de la Siagnole a été équipée avec la technologie moderne (voir ici l'historique de la Siagnole racontée par Elie Stalencq de Fayence), cette précieuse ressource en eau est partagée entre plusieurs consommateurs. D'abord nos 7 communes hors Tanneron (1), ensuite avec Bagnols en Forêt (3), les Adrets de l'Esterel, Fréjus via le Syndicat des eaux de l'Est Var (SEVE) et le camp militaire de Fréjus (une petite quantité). Les 8 communes servies par E2S (hors Tanneron et Mons) ne reçoivent que 40% du prélèvement d'E2S des sources de la Siagnole. Le reste est distribué aux Adrets de l'Esterel, au syndicat de l'Est Var (SEVE), au camp militaire de Fréjus,(2) et aux agriculteurs du canton. Voir données E2S.
(1) Tanneron est alimentée par un pompage dans le lit de la Siagne, cad. sa nappe alluviale.
(2) le SEVE est alimenté en renfort par le forage de la Barrière depuis 2006. Voir ce dossier. et cet extrait d'article (association leClos Montauroux 2004).
(3) Bagnols en Forêt est alimentée après Saint Paul.
Schématiquement le réseau de dérivation des sources de la Siagnole vers les différentes communes est représenté ici. NB: ce schéma peut être perfectionné, car je n'ai pas les données officielles E2S.
Le problème n'est pas nouveau. Depuis plusieurs années des associations locales - CEI, leClos, ACPE - attirent l'attention des habitants et des élus sur l'évolution du canton; tiré par son attractivité pour les migrants actifs et retraités, le canton connaît depuis 20 ans une croissance de sa population, du nombre de ses logements, tandis que les services et les infrastructures peinent à suivre. Le type d'habitat est dominé par la résidence de grande superficie, souvent avec piscine; le nombre de résidences secondaires est élevé. En 1962, la population du canton était de 6 500 habitants; en 1982 10 451; elle était de 18 000 en 1999 et 25 000 en 2008; pendant les 3 mois d'été - de mi juin à mi septembre - la population double avec l'arrivée des résidents secondaires, des vacanciers et des touristes. Voir les recensements INSEE effectués à St Paul, Montauroux, Callian. Les recensements de Seillans, Fayence, Tanneron et Mons seront publiés cette année par l'INSEE.
La population du canton commence à réaliser que l'eau va commencer à manquer, pendant la période de pointe, c'est à dire quand nous sommes nombreux (50000), que notre consommation est plus élevée (400l/j et personne), mais que le débit de la Siagnole est le plus faible (100litres/seconde). Voir ce sondage. A mesure que le nombre de consommateurs continue de croître, que leur consommation moyenne par jour augmente aussi, il arrivera forcément un moment ou la consommation journalière totale sera supérieure au débit journalier de la Siagnole à un certain moment de l'année. Le débit capté à la source est un débit continu qui se mesure en litres d'eau par seconde; l'importance de ce débit varie au cours de l'année avec la pluviomètrie, le réseau karstique étant un réservoir. Voir ci-dessous deux diagrammes donnant les débits moyens journaliers mesurés par jaugeages; le premier en une année de pluviomètrie "normale" (1984) le deuxième en une année de sécheresse (1989): On voit combien la pluviomètrie affecte le débit d'étiage qui survient du 15 juillet au 15 septembre.
La consommation d'eau par la population est un débit discontinu, chacun ne consommant de l'eau qu'à certains moments de la journée. L'ajustement entre le débit continu de la source et le débit discontinu de la consommation se fait par les réservoirs des communes; ces réservoirs fonctionnent à niveau plein comme des chasses d'eau ce qui assure débit et pression d'eau aux consommateurs. Il est possible, qu'avec la poursuite du développement du canton, il arrivera un jour où l'on ne pourra pas tenir ces réservoirs pleins et que des restrictions d'eau devront être mises en place c'est à dire des coupures.
De la source de la Siagnole, résurgence du réseau karstique sous un bassin versant de l'ordre de 95km2, E2S dérive et distribue, bon an mal an, environ 10 millions de m3, fixé par les besoins et le débit d'étiage en été - le débit de la source peut descend alors à 100l/sec. En savoir plus ici. Cette précieuse ressource doit donc être de plus en plus partagée, entre les communes et entre leurs habitants. Le volume de la source n'a aucune raison d'augmenter; elle pourrait même baisser, si le réchauffement climatique s'installe. Nous venons de connaître plusieurs années successives de sécheresse et de déficit pluviomètrique et d'enneigement en montagne. La préfecture du Var a imposé des restrictions par des arrêtés préfectoraux qui nous ont tous concernés. Voir ces restrictions. On a pu observer quelques propriétaires qui n'ont pas respecté les restrictions. Mais dans l'ensemble les restrictions d'usage de l'eau ont été respectées. Les communes ont coupé l'eau des fontaines et ont cessé de laver rues et trottoirs à grandes eaux. Toutes les communes du canton oui, sauf une, Montauroux, où la loi s'appliquant à tous n'a pas été respectée. Interrogé sur cette anomalie, le Maire a déclaré "Montauroux n'a pas de problèmes d'eau". On pourrait penser qu'en régime gravitaire, les eaux non utilisées vont au lac de St Cassien. Mais non, en lavant ses trottoirs et ses rues à grandes eaux, la commune de Montauroux prenait de l'eau aux habitants des autres communes, notamment Seillans, la commune la plus défavorisée de toutes car elle en bout de ligne latérale. En effet, techniquement, les restrictions d'eau ont pour but de maintenir l'alimentation et le niveau des réservoirs de stockage des communes, afin de satisfaire les besoins essentiels des habitants.
Le réseau de production d'eau d'E2S, d'alimentation des réservoirs de stockage des communes, et de distribution de l'eau aux habitants par les communes, est un système très complexe qu'on ne peut pas décrire simplement pour que tout le monde, élus et habitants, comprennent les enjeux et se comprennent entre eux. Il est indispensable d'avoir un modèle simplificateur au niveau des communes et de l'ensemble. Mais pour établir un tel modèle, il faut des données. Malheureusement ces données ne nous sont pas accessibles pour le moment. Cela dépend de la bonne volonté de coopération d'E2S et des communes.
Mis à jour le 25/01/2017 pratclif.com