Nouveau journal du pays de Fayence: N°6 printemps 2010

Le nouveau journal du pays de Fayence: N°6 printemps 2010 est paru. Vingt pages un gros travail d'entretiens avec des élus locaux, de collecte de titres et d'édition, sans compter la distribution. Merci aux organisateurs. Je retiens pour les thêmes de ce blog 3 éléments: un courrier de Gaby Chabaud sur "Sophia Antipolis aux champs" (page 4), un témoignage de deux écologues qui nous font la louange de la biodiversité (pages 6-7) (sans mentionner le massacre du vivant par nos techniques et notre croissance matérielle à tout va!), et le témoignage de Daniel Colombo "les raisons d'espérer (d'un écologiste!)" (pages 16-17).

Je ne commenterai pas les deux premiers éléments; je renvoie les lecteurs aux liens ci-dessous concernant "Sophia-Antipolis aux champs" et la biodiversité.

En revanche le témoignage de Daniel Colombo appelle des commentaires. Si je suis globalement d'accord, je voudrais apporter des nuances importantes. Surtout concernant Fonsante et le Pont de PréClaou.

Fonsante

Daniel Colombo écrit:

Nous constatons que les normes européennes , en matière de pollution, sont effectivement respectées. Il s'agit de traiter 220 000 tonnes de déchets par an. Nous connaissons la dangerosité de l'incinération en raison des particules nocives qu'elle diffuse dans l'atmosphère. Nous contactons Greenpeace pour avoir des informations complémentaires. En s'appuyant sur le dossier technique officiel du projet , nous calculons la quantité de produits nocifs qui sera rejetée dans l'atmosphère, à proximité d'un lac qui alimente les villes voisines en eau potable. Nous sommes sidérés, nous arrivons au chiffre impressionnant de près de 500 tonnes par an. M. Cavallier qui pilote ce projet d'usine d'incinération, appelée pompeusement « pole écologique », organise une réunion publique à Callian pour défendre son projet....

La présentation faite est totalement fallacieuse et trompeuse avec le but de démolir le projet. 500t/an ce ne sont pas des "particules nocives qu'elle diffuse dans l'atmosphère par les cheminées" mais des REFIOM c'est à dire des résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères - comme les cendres et machefers de nos chaudières à charbon ou des cheminées à bois. Il s'agit de matières solides qui sont acheminés vers des centres de stockage des déchets ultimes de classe I (déchets industriels banal), où ils sont traités, stabilisés et stockés. Et les machefers peuvent être valorisés comme produits routiers ou en haut-fourneaux. Le panache qui sort de la (ou des) cheminées, est constitué de gaz. Après traitement, (voir), les fumées rejetées dans l'atmosphère se composent: de molécules liées au processus de la combustion: l’azote de l’air de combustion pour environ 65%, l’oxygène présent en excès dans l’air de combustion 10%, le dioxyde de carbone produit par l’oxydation du carbone et des déchets carbonés.

et Daniel Colombo poursuit:

M. Cavallier qui pilote ce projet d'usine d'incinération, appelée pompeusement « pole écologique », organise une réunion publique à Callian pour défendre son projet. Nous nous y rendons pour faire connaître cette information et nous opposer à cette idée insensée. L' (Association Cantonale de Protection de l'Environnement (ACPE) et le Comité d'Initiative Citoyenne (CIC), distribuent un tract d'information et d'opposition à l'entrée de la salle avant la réunion. La tension, entre partisans et opposants est palpable. Le débat est très animé, chacun défend ses idées avec force et passion. Nous adressons également un courrier aux 160 conseillers municipaux du canton pour les informer de la nocivité de ce projet et des responsabilités qu'ils prendraient s'ils s'engageaient sur cette voie. Quelques mois plus tard le projet est abandonné. M. Cavallier, lors d'un entretien ultérieur, nous confiera qu'il ne se serait pas engagé dans affaire s'il avait connu la dangerosité de l'incinération.

Ce dénouement démontre que l'intérêt général auquel Daniel se réfère n'est en réalité qu'un intérêt particulier, celui d'un groupe d'opposants résolus à faire capoter un projet utile pour la collectivité, mais sans connaissances approfondies ni objectives. Et malheureusement les élus et François Cavallier étaient si peu connaisseurs du projet qu'ils n'ont pas fait le poids face à ces opposants. La question des produits résidus du process, gazeux et solides, est assurément un sujet très important, pour lequel toutes les précautions doivent être prises, par l'emploi des techniques appropriées, le contrôle de la conformité, et les sanctions éventuelles. En l'absence de technique crédible et prouvée pour prendre ces précautions, on peut avoir le point de vue "pas de projet". Et là les opposants sont dans leur rôle. Mais si la technique existe alors pourquoi une opposition irréductible? Il faut que les opposants suivent la mise en oeuvre de ces précautions. Ce que dit Daniel suggère fortement l'absence totale de compréhension du problème, ici en pays de Fayence, même avec l'aide de Greenpeace et pourquoi Greenpeace? Il y a bien des scientifiques et des ingénieurs indépendants qui auraient pu être consultés. Résultat, aujourd'hui 10 ans après, nous avons une méga-décharge à Bagnols en forêt, un Centre de stockage de déchets ultimes CSDU pas conforme à la loi; cette décharge pour 120000t/an d'ordures ménagères (OMR) est saturée; Bagnols n'en veut plus, le préfet va prendre un arrêté d'intérêt général; une longue procédure de recours va probablement s'engager..... une situation sans issue avant longtemps. Alors qu'un incinérateur était la solution. Les 500t évoqués par Daniel allaient dans une décharge de classe I, et la décharge ultime de Bagnols, aurait reçu 10-15% de ce qu'elle reçoit aujourd'hui. Un incinérateur moderne en 2010 fonctionne en circuit totalement fermé. Il n'y a aucun effluent liquide (eau) rejeté dans le milieu naturel. Les fumées sont traitées et ce qui s'échappe se mesure en mg/Nm3 (milligramme par Normal mètre cube) ou ng/Nm3 (nanogramme par Normal mètre cube nanogramme = 1 milliardième de gramme par Normal mètre cube) avec un contrôle permanent des émissions directement supervisés par la DRIRE (aujourd'hui DREAL).

C'est la technique et la croissance économique qui produit tous nos déchets; seule la technique peut résoudre les rétro-actions négatives que ces déchets constituent. Le tri sélectif volontaire vers les filières de recyclage, le tri sur les centres de stockage ne parviendra jamais à éliminer les plastiques, bois et autres déchets. Sans incinération, tout cela va à l'enfouissement et affectera l'avenir des générations futures.

Je viens de visiter l'incinérateur de Fos sur Mer qui pendant 10 ans a eu les mêmes oppositions. Mais l'incinérateur (410000t/an d'OMR) a démarré le 10 janvier 2010. Voir le dossier encore partiel.

Pont de Pré Claou

Daniel Colombo écrit:

Ce pont construit dans les années 60/70 ne permettait plus un usage normal. Des défauts de construction obligent les administrations à limiter considérablement le trafic. C'est la principale voie de désenclavement du canton. Le Conseil Général lance une étude, le viaduc n'est pas réparable, il faut créer une route de contournement du lac dont l'étude et la réalisation dureront de nombreuses années. Le canton est asphyxié...

La relation des faits est erronnée. Le pont donnait des signes de fatigue; des fissures étaient observées sous le tablier du pont (elles le sont encore). Les services départementaux des Ponts et Chaussées étaient pour la construction d'un autre pont. Devant la difficulté que cela aurait provoqué pour les habitants, asphyxie, beaucoup de débats et de concertation eurent lieu. Les services départementaux ne voulaient pas consulter les ponts et chaussées nationaux. Finalement ceux-ci furent appelés à l'aide; ils proposèrent alors un renforcement de la structure béton armé par une armature métallique sous le tablier en béton. Les travaux durèrent plus de 6 mois durant lesquels une déviation fut mise en place par la D39 et D96 vers Tanneron et la chapelle St Cassien. La RD101 était envisagée - par nos décideurs locaux reprenant les idées des services de la DDE - comme route future assurant un meilleur désenclavement du canton; avec comme argument supplémentaire le risque d'accident majeur sur le pont - un camion chargé de produits toxiques par exemple tombant dans le lac. La route D101 avec un tracé repensé et mieux adapté est maintenant considérée comme indispensable pour désengorger la RD562. Tout ceci se trouve dans le dossier RD101.

En conclusion Daniel Colombo dit:

S'il y avait une conclusion à tirer de toutes ces campagnes que nous avons gagnées, il me semble que c'est bien la raison d'espérer qu'il faut conserver. Toutes ces actions ont été marquées par l'antagonisme qui existe trop souvent entre des intérêts privés détenteurs de pouvoir et l'intérêt général qui n'est pas toujours défendu par nos élus. Les crises que nos sociétés traversent actuellement sont également marquées par ce même antagonisme. Le pouvoir colossal des « dominants » est devenu trop dangereux pour nos sociétés. Il est temps d'espérer à nouveau et de reprendre l'initiative.

Je suis d'accord avec une nuance. Nos sociétés sont devenues infiniment plus complexes depuis l'après 2è guerre mondiale, disons depuis 1950. Depuis, le siècle des lumières, la révolution industrielle et le formidable développement industriel et économique des 30 glorieuses 1945-1975, nous avons eu tendance à poursuivre les différents domaines des connaissances de manière séparée, ce qui correspond au mode de fonctionnement du cerveau d'homo.sapiens. Les différents domaines étaient certes reliés mais par des interactions positives, chaque domaine bénéficiant des progrès des connaissances et des techniques des autres. La maîtrise des différents domaines de connaissances relevait de spécialistes, scientifiques, ingénieurs, hauts fonctionnaires et politiques à tous niveaux de la société. Et la population en général, acceptait l'évolution car elle apportait du mieux pour le bien-être. Ce fut le cas des routes, du téléphone, de la modernisation de la sidérurgie et de tous les produits qui en ont résulté.

Mais avec la croissance de la production matérielle, de la croissance de la population et de la consommation de produits par chacun de nous, on ne peut plus considérer les différents domaines séparément car les interactions entre eux sont devenus souvent négatifs; il s'agit de retro-actions négatives. Tous les domaines sont intégrés dans un système complexe et c'est cette complexité qui est devenu le défi de nos sociétés au 21è siècle. Relations entre l'agriculture, les terres agricoles, l'eau douce, l'irrigation, l'utilisation des engrais, des pesticides, les OGM, la biodiversité, le changement climatique, l'énergie, le nucléaire et ses déchets radio-actifs, l'éolien, le photovoltaïque.... je n'en finirai pas d'énumérer tous les domaines de connaissances et de techniques en inter-action, où les décisions des acteurs - industriels et politiques - suscitent des difficultés dans notre "vivre ensemble".

À cause de l'extrême complexité de nos sociétés, il n'est plus possible que les différents domaines ne relèvent que des spécialistes, scientifiques, ingénieurs, technocrates et politiques décideurs. Les gens ont besoin de comprendre eux-aussi les raisons des décisions prises pour résoudre les problèmes. C'est pour cela que toutes les décisions politiques sont l'objet de questions, de demandes d'explications, d'oppositions et de procédures judiciaires qui peuvent être longues, avec jugements en première instance, en 2è instance voire en cassation. Tout cela se déroule dans le cadre du "principe de précaution" inscrit depuis peu dans notre constitution. Il est clair que les questions doivent recevoir des réponses, les explications doivent être données; tout doit être mis en oeuvre par les industriels et les décideurs, pour prendre les précautions afin de prévenir des rétro-actions négatives que l'on peut craindre et définir de manière objective. Cela implique la mise en oeuvre de toutes les connaissances et techniques disponibles. Il est clair aussi qu'on ne peut pas prendre des précautions contre des risques non connus ou non prévisibles. C'est là que l'application du principe de précaution trouve ses limites. Une technologie nouvelle peut avoir des effets négatifs totalement imprévus. Utiliser cela comme argument pour ne pas l'appliquer est une négation du progrès que peut constituer la solution à un problème réel. C'est pour toutes ces raisons que je m'emploie, à mon niveau de simple citoyen non spécialiste, de contribuer à l'information des lecteurs de mes blogs.

Ce que notre intelligence et notre technique ont produit comme problèmes et difficultés, qui sont à l'origine des désordres, notre intelligence et notre technique sont seules en mesure de trouver des solutions. Le refus systématique de solutions proposées pour résoudre nos problèmes est tout aussi dangereux que la fuite en avant du toujours plus, partout et pour tous, mené non seulement par des intérêts privés mais par les politiques publiques à tous les niveaux. Ne tombons pas dans l'éco-idéologie.


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Mis en ligne 27/03/2010 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com  paysdeFayence: http://paysdefayence.blogspot.com   mon blog: http://pierreratcliffe.blogspot.com