J'ai eu l'opportunité de visiter l'incinérateur de Fos sur Mer au cours d'une visite organisée par l'association Intermines-Paca. L'incinérateur de Fos sur mer mis en service le 10 Janvier 2010, doit principalement traiter 410 000 tonnes d'ordures ménagères résiduelles (OMR) de la communauté Marseille Provence Méditerranée (MPM) qui regroupe plus d'un million d'habitants. Le projet de cette usine date de la fin de la décennie 1990; il a fait couler beaucoup d'encre par l'opposition farouche qu'il a suscitée auprès des populations locales les plus proches du site, de leurs élus, des associations écologistes, de Greenpeace et de bien d'autres encores (voir les dossiers presse en liens). Le projet a été entravé par de multiples procédures de recours en justice administrative. Et finalement, il a été poursuivi jusqu'à la fin. Il est actuellement en phase de montée en production et d'essais industriels.
L'objet de ce dossier est d'informer mes lecteurs de la manière la plus objective possible, sur cet important projet qui s'inscrit dans l'ensemble des préoccupations des citoyens de la société civile.
Le domaine de connaissances relatif aux ordures ménagères et aux
déchets de toutes sortes en général, est très mal connu du grand public, y compris des élus qui sont leurs représentants et qui souvent agissent pour leurs habitants avec des arrières pensées politiques. Le problème des déchets de tous ordres est devenu d'une énorme difficulté, en raison de la croissance de la production matérielle. Nos sociétés industrielles de production et de consommation de masse nous inondent d'une multitude de produits consommables et durables. Ces produits assurent certes notre bien-être, mais de plus en plus ils permettent de maintenir l'activité des producteurs qui dépendent de l'écoulement de leurs produits et de leur consommation. On trouve là un des aspects de la croissance économique exponentielle nécessaire à laquelle nos sociétés industrielles semblent condamnées.
Les campagnes de publicité agressives imaginées avec talent par des gens qui ont été formés au marketing et à la psychologie des consommateurs, participent en permanence à ce processus d'innovation de produits, de production, de vente et de consommation. Les produits consommables sont conditionnés dans de multiples emballages qui sont jetés; les produits durables sont rapidement frappés d'obsolescence technique dans leur usage et dans le service rendu; ils sont remplacés par des produits mieux présentés, plus attrayants, rendant parfois un service amélioré ou nouveau. Du coup, les produits anciens sont jetés. Il en est ainsi des voitures, des équipements électro-ménagers à durée de vie de 5-10 ans, des meubles, et plus encore des produits électroniques à courte durée de vie comme les ordinateurs, téléviseurs, et téléphones portables. En général, les gens ne savent pas ce que deviennent tous les déchets de produits consommables et durables qu'ils jettent. Il suffit pour s'en rendre compte de voir ce que les gens déposent aux point de tri volontaires, aux déchetteries communales ou intercommunales, ou simplement dans le milieu naturel - monstres de tous ordres, déchets de démolition ou de rénovation de bâtiments: baignoires, éviers, matelas, canapés, etc. etc.
Nos sociétés sont devenues infiniment plus complexes depuis l'après 2è guerre mondiale, disons depuis 1950. Depuis, le siècle des lumières, la révolution industrielle et le formidable développement industriel et économique des 30 glorieuses 1945-1975, nous avons eu tendance à poursuivre les différents domaines des connaissances de manière séparée, ce qui correspond au mode de fonctionnement du cerveau d'homo.sapiens. Les différents domaines étaient certes reliés mais par des interactions positives, chaque domaine bénéficiant des progrès des connaissances et des techniques des autres. La maîtrise des différents domaines de connaissances relevait de spécialistes, scientifiques, ingénieurs, hauts fonctionnaires et politiques à tous niveaux de la société. Et la population en général, acceptait l'évolution car elle apportait du mieux pour le bien-être. Ce fut le cas des routes, du téléphone, de la modernisation de la sidérurgie et de tous les produits qui en sont résulté.
Mais avec la croissance de la production matérielle, de la croissance de la population et de la consommation de produits par chacun de nous, on ne peut plus considérer les différents domaines séparément car les interactions entre eux sont devenus souvent négatifs; il s'agit de retro-actions négatives. Tous les domaines sont intégrés dans un système complexe et c'est cette complexité qui est devenu le défi de nos sociétés au 21è siècle. Relations entre l'agriculture, les terres agricoles, l'eau douce, l'irrigation, l'utilisation des engrais, des pesticides, les OGM, la biodiversité, le changement climatique, l'énergie, le nucléaire et ses déchets radio-actifs, l'éolien, le photovoltaïque.... je n'en finirai pas d'énumérer tous les domaines de connaissances et de techniques en inter-action, où les décisions des acteurs - industriels et politiques - suscitent des difficultés dans notre "vivre ensemble". Les déchets sont donc un de ces multiples domaines.
À cause de l'extrême complexité de nos sociétés, il n'est plus possible que les différents domaines ne relèvent que des spécialistes, scientifiques, ingénieurs, technocrates et politiques décideurs. Les gens ont besoin de comprendre eux-aussi les raisons des décisions prises pour résoudre les problèmes. C'est pour cela que toutes les décisions politiques sont l'objet de questions, de demandes d'explications, d'oppositions et de procédures judiciaires qui peuvent être longues, avec jugements en première instance, en 2è instance voire en cassation. Tout cela se déroule dans le cadre du "principe de précaution" inscrit depuis peu dans notre constitution. Il est clair que les questions doivent recevoir des réponses, les explications doivent être données; tout doit être mis en oeuvre par les industriels et les décideurs, pour prendre les précautions afin de prévenir des rétro-actions négatives que l'on peut craindre et définir de manière objective. Cela implique la mise en oeuvre de toutes les connaissances et techniques disponibles. Il est clair aussi qu'on ne peut pas prendre des précautions contre des risques non connus ou non prévisibles. C'est là que l'application du principe de précaution trouve ses limites. Une technologie nouvelle peut avoir des effets négatifs totalement imprévus. Utiliser cela comme argument pour ne pas l'appliquer est une négation du progrès que peut constituer la solution à un problème réel. C'est pour toutes ces raisons que je m'emploie, à mon niveau de simple citoyen non spécialiste, de contribuer à l'information des lecteurs de mes blogs.
Cela me paraît relever du bon-sens. Pour prendre l'exemple de l'énergie électrique: nous produisons en France 80% de notre énergie électrique par la voie du nucléaire avec comme retroaction négative les déchets radioactifs et la sécurité - et la production 2008 est de 570 teraWattheures ce qui correspond à 65.4Mtep (voir conversions ici). Croire qu'on peut produire alternativement cette quantité d'électricité par une combinaison d'éolien, de photovoltaïque et de biomasse est une erreur. Certes ces techniques peuvent contribuer à la production, mais la majeure partie devra être produite par des grandes centrales thermiques. La seule alternative au nucléaire pour cela ce sont les combustibles fossiles - charbon, pétrole ou gaz. Pour un avenir plus lointain on peut espérer produire l'électricité par la fusion nucléaire à partir de l'hydrogène de l'eau; mais on est encore très loin d'une application industrielle et on ne connaît pas encore ce que pourraient être les rétro-actions négatives. On ne peut donc pas envisager la fusion nucléaire et le projet ITER comme une solution dans un avenir prévisionnel à peu près certain, disons à 50 ans donc 2050-2060.
La situation est la même pour les déchets. En ne considérant que les déchets ménagers - les déchets industriels relèvent d'autres solutions, à l'initiative des industriels eux-mêmes au premier chef, dans la plupart des cas ceux-ci sont collectés par les communes et transportés vers des décharges. Il y avait au début les décharges communales; puis avec la loi Royal en 1995, celles-ci ont été interdites et remplacées par les décharges contrôlées dites "centres d'enfouissement technique CET", dénommées maintenant plus adéquatement "centres de stockage de déchets ultimes CSDU. Le changement de dénomination reflète l'évolution des objectifs et du problème des déchets. Les CSDU doivent être des espaces réservés aux déchets ultimes cad. (loi du 13 juillet 1992), des déchets qui ne peuvent pas être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, par extraction et recyclage d'une partie valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux. C'est à cause de la difficulté de respecter cette clause que les méga-décharges ont proliféré, notamment dans le Var et les Alpes Maritimes. Ces méga-décharges ont continué - et continuent encore - de recevoir non seulement des ordures ménagères - mais les monstres en tous genres et aussi les boues de stations d'épuration d'eaux usées sous forme humide (80% d'eau). Il est bien connu que ces décharges sont un véritable danger pour la santé publique, vu les risques liés à la fuite vers le milieu naturel de jus de fermentation des OMR et d'interactions avec les eaux pluviales. Ces décharges sont maintenant saturées et nécessitent soit des aggrandissements soit des remplacements par d'autres sites. Ce sont ces évolutions qui suscitent les oppositions souvent farouches des populations et des élus locaux.
Comme pour l'énergie, il paraît difficile - mais sans doute pas impossible - de résoudre le problème des méga-décharges CSDU sur les sites mêmes de celles-ci, en maximisant le tri et le traitement de tout ce qui est extractible, recyclable et valorisable, afin de produire des résidus ultimes à enfouir. Mais c'est sans doute la seule solution pour des petites collectivités locales. La solution de l'incinérateur - Usine d’Incinération d’Ordures Ménagères UIOM - est jusqu'ici employée pour les grands centres urbains avec des populations servies de 0.5 à 1 millions d'habitants voir plus. Chacun de nous produit 350-400kg/an d'OMR. L'incinérateur est alors un centre de traitement des OMR spécifique et ses résidus non recyclables et valorisables sont des déchets ultimes qui sont envoyés dans un CSDU. L'objectif de réduction au minimum, dans les conditions techniques et économiques du moment, est alors pleinement atteint.
L'opposition des populations et élus locaux aux incinérateurs UIOM est liée à la crainte des émissions de gaz dangereux, principalement les dioxines - car une grande partie de la charge des fours sont les plastiques, et aussi les résidus solides que sont les machefers et les composts. Les industriels et décideurs doivent prendre toutes les précautions pour y répondre par les techniques appropriées, démontrer l'efficacité de ces techniques tant par la crédibilité de celles-ci et par leur contrôle et par les mesures à prendre en cas de non conformité. Les accidents spectaculaires et dramatiques en pertes de vie humaine et en capital justifient pleinement ces craintes - AZF Total, accidents de raffineries de pétrole, et d'autres installations SEVESO.
À ce stade du dossier, je peux passer à la visite de l'incinérateur de Fos sur Mer.
Mis en ligne 26/03/2010 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com paysdeFayence: http://paysdefayence.blogspot.com mon blog: http://pierreratcliffe.blogspot.com