Réponse à Daniel Colombo
sur les causes de la crise
Daniel Colombo: l'essentiel de la crise provient de la non répartition des richesses créées (lien).
Dans un domaine aussi complexe, on doit citer ses sources en se référant à un corps de réflexions et d'études de spécialistes. Notamment des auteurs, qui par des études approfondies et documentées, fournissent des données de base pour formuler des diagnostics et préconisations objectifs et équilibrés. C'est pour cela que je fournis toujours une liste de sources et d'auteurs qui m'inspirent. Je commenterai donc les propos de Daniel Colombo de cette manière.
Le système financier
La finance est l'ensemble des institutions et des mécanismes et qui apportent à l'économie les capitaux - monnaie et crédits - dont elle a besoin pour fonctionner. Son rôle est d'affecter les ressources d'épargne disponibles aux besoins et usages les plus productifs et les plus utiles à la société. Comme ces ressources sont limitées au niveau d'un seul pays, ce rôle est essentiel pour le fonctionnement de la société et de son économie, notamment sa compétitivité vis à vis de l'extérieur (le reste du monde selon la définition de l'INSEE) (lien).
L'économie s'entend comme l'ensemble des activités de la société: la production et la consommation de tous les biens et services marchands, l'emploi et les revenus de tous les acteurs qui produisent ces biens et services. L'État joue un rôle crucial pour fournir et financer les services publics dont la société a besoin, notamment l'éducation et les services de santé. Particulièrement, l'éducation et la formation financées par le gouvernement, via la fiscalité, sont cruciales pour maintenir la compétitivité vis à vis de l'extérieur dont dépendent, en partie la production et l'emploi, la balance commerciale et l'équilibre des comptes courants.
C'est la dérégulation qui est responsable de la survenance de la crise commencée en 2007; une dérégulation commencée bien avant, en fait depuis la fin des années 1980. C'est l'analyse de tous les économistes et cela est bien résumé par Sandra Moatti dès le mois d'octobre 2007 (lien).
Dérégulation: elle provient de la mise en place d'un système mondialisé de protection contre les risques et aléas de l'activité économique, permis par le développement des techniques de l'information et de la communication TIC. Les acteurs de l'économie réelle - les entreprises et les intermédiaires financiers, qui leur donnent les moyens financiers de paiement et de règlement de leurs transactions commerciales à travers le monde entier, ont mis en place des systèmes d'assurance contre les risques - variations de prix, variations de taux de change, couverture de pertes, etc. Mais ces assurances nécessitent en face, d'autres acteurs de l'économie prêts à prendre des risques sur des évènements aléatoires et à gagner ou perdre en le faisant. La couverture de risques est utile pour les uns, mais c'est une opportunité de gains (ou de pertes) pour les autres. Il y a donc dans ce système une part de spéculation. C'est la croissance de cette part de spéculation, exacerbée par les moyens informatiques, qui est devenue le maillon faible du système. Appliquée à l'immobilier et provoquant une bulle dans ce secteur, c'est ce qui a provoqué au début, la crise actuelle; une crise dont on avait pensé qu'elle était conjoncturelle facile à juguler, mais qui se révèle structurelle, mondiale et très difficile à juguler.
Cet article de Joseph Stiglitz prix Nobel d'économie, que l'on ne peut pas qualifier de "liberal", explique les ressorts de la crise et des préconisations pour en sortir (lien).
"Non répartition des richesses produites"
Il s'agit du partage de la valeur ajoutée.
Le sentiment général des salariés est que la valeur ajoutée VA est mal partagée entre capital et travail. En même temps l'INSEE nous explique que ce partage est stable et que le pouvoir d'achat mesuré par les indicateurs macro-économiques se maintient voire augmente. L'explication de ce paradoxe se trouve chez plusieurs auteurs: chez Camille Landais, Louis Chauvel et Gilbert Cette et al. C'est la montée des hauts revenus et des inégalités: les fruits de la croissance ont plus profité aux 10% les plus riches (le dernier décile) tandis que les 80% les "plus pauvres" y compris donc les classes moyennes ont vu leurs revenus stagner voire baisser. Mais ceci est un phénomène bien antérieur à la crise qui ne fait qu'exacerber le sentiment de mauvais partage de la VA. Ceci est expliqué dans ce rapport de Gilbert Cette et al. (lien).
Création monétaire au lieu de recourir à l'emprunt et payer des intérêts de la dette
Il s'agit de l'exercice de la souveraineté monétaire
Sur la question de la création monétaire , "la planche à billets" comme pratiquée avant 1973, (lien), l'État cad. le Trésor Public, présentait les effets de paiement des dépenses qui n'étaient plus couvertes par les recettes des impôts - à la banque de France. La Banque de France émettait de la monnaie par la "planche à billets", ce qui a toujours été le droit souverain de tout État pour assurer l'équilibre de ses dépenses et recettes fiscales. Cette monnaie créée était immédiatement injectée dans l'économie puisque c'était pour payer les engagements de l'État acteur primordial de la société. En 1973, une loi a interdit à l’État de présenter ses effets à la Banque de France (lien). La justification du principal promoteur de cette loi (Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances de Georges Pompidou président de la République, ex Directeur Général de la Banque Rothschild) était d'empêcher l’État d’utiliser la "planche à billets" pour limiter l’inflation. En fait, à la fin des "trente glorieuses" période de reconstruction et de développement économique exceptionnel après la 2è guerre mondiale qui avait dévasté l'Europe et l'Asie, il commençait à apparaître des déséquilibres commerciaux avec d'importants excédants dans les pays producteurs de pétrole. Ces excédants ne trouvaient pas d'emplois suffisants. On a donc pensé à les utiliser et d'émettre des bons d'États permettant de financer les déficits publics. C'est à partir de ce moment que la dette a commencé à apparaître et à croître. C'est que les déficits sont devenus récurrents et la dette n'a cessé de croître. Depuis, les déséquilibres commerciaux n'ont pas cessé d'augmenter avec notamment l'émergence de la Chine (lien) et d'autres pays émergents d'Asie. Le problème est dans l'utilisation de ces excédants; car les pays à balance commerciales excédentaires constituent des réserves qu'ils n'utilisent pas suffisamment pour acheter des biens de consommation et d'investissements ainsi que des services mais constituent des réserves investies en bons d'États; ces reserves sont aujourd'hui de l'ordre de 7200 milliards de dollars.
Il faut souligner que personne ne préconise de revenir à "la planche à billets" pour financer les déficits publics. C'est André Jacques Holbecq en France qui a avancé cette idée dans son livre "Argent, dettes et banques" dont le contenu est en ligne dans ce site (lien). Pour le comprendre, il faut savoir comment un pays souverain gère sa monnaie - ce qui n'est plus le cas de la France et des autres pays de la zone € puisque c'est désormais la BCE banque centrale européenne qui est maître du jeu (lien).
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- Point de vue de Daniel Colombo sur la crise
Dans la mesure où une infime minorité s'approprie une part colossale de richesses produites (1) il ne reste pour la collectivité (les habitants et l'État) pas assez de solvabilité pour couvrir "les besoins de notre époque". Il ne reste donc comme solution, dans le cadre de cette non répartition des richesses, que l'endettement. Pour résumer, on pourrait dire que le discours des dominants est le suivant : "On n'augmente pas vos revenus (les habitants et l'État) mais on vous accorde des crédits".
- Finance : la crise et ses conséquences: Alternatives économiques septembre 2007
Absence de régulation, opacité du système bancaire… ont déclenché un tsunami sur les marchés financiers. Il pourrait dégénérer en crise économique.
- À quoi sert la finance: Alternatives économiques septembre 2011
La finance joue un rôle clé dans la compétitivité et la richesse d'un pays. Grâce à des outils de plus en plus sophistiqués, elle gère les risques et l'allocation de l'épargne. Mais la multiplication des crises financières incite à remettre en question l'utilité sociale d'une partie de son développement.
- Joseph Stiglitz: Soigner l’économie
Alors que le marasme économique qui a débuté en 2007 persiste, la question que tout le monde se pose est évidemment : pourquoi ? Sans une meilleure compréhension des causes de la crise, nous ne pouvons pas mettre en ouvre une stratégie de redressement efficace. Et jusqu'ici, nous n'en avons aucune.
- Kenneth Rogoff; contre la taxation des transactions financières
L’Europe est déjà dans de beaux draps, pourquoi ne pas en rajouter une couche ? Il semble que se soit le raisonnement de la Commission Européenne avec sa proposition de taxer les transactions financières – l’ultime réponse de la Commission à la croissance et aux problèmes financiers purulents de l’Europe.
- Grèce: Y qu'à annuler leur dette!
La Grèce ne pourra pas rembourser sa dette entièrement, explique Guillaume Duval dans sa chronique sur Radio Nova. Il faut donc en supprimer une partie, sans pour autant généraliser ce type de pratiques, sous peine de créer un "aléa moral" : sachant qu'on viendra les tirer d'affaire, les débiteurs auraient tendance à prendre des risques inconsidérés.
- Partage de la valeur ajoutée
Gilbert Cette,
Jacques Delpla
- Partage de la valeur ajoutée, Arnaud Sylvain à France Culture
- Crise financière, crise économique, crise sociale
On trouvera dans cet essai un lien vers l'étude de Camille Landais "les hauts revenus en France (1998-2006) et l'explosion des inégalités
- La crise qui n'en finit pas menace le capitalisme
- Émergence de la Chine
- Joseph Stiglitz: le fétichisme du PIB
- Rappport Stiglitz, Sen et Fitoussi "Une nouvelle mesure du bien-être"
- Obligations et bons d'États: principes et caractéristiques
- Dexia ou l'effondrement d'un système - Le blog de Raphaël DIDIER
- Gestion souveraine de la monnaie
- Gestion souveraine de la monnaie
Michel Aglietta et André Orléan
- Fonds souverains
ils désignent tous les fonds d'investissement détenus par un État
- Argent, dettes et banques
- Money
un site complet sur la monnaie (anglais)
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