Après le voeux des Maires et du Conseiller général
Quel avenir pour notre pays de Fayence?

Après les différentes cérémonies des voeux qui se déroulées en ce début d'année 2007, je voudrais souligner ce que je crois être le point fort de ces rencontres. Pour la première fois en effet, nos élus ont évoqué les limites des ressources naturelles à savoir l'espace et l'eau; et ils ont exprimé la conviction et l'espoir que la communauté de communes, qui a vu le jour fin 2006, pourra résoudre ces problèmes. Voir à propos des voeux du Maire de Callian et Conseiller Général.

Où sera le pays de Fayence dans 20 ans - en 2027? Si l'on continue selon la tendance des 20 années qui précèdent - depuis 1987, il est probable que le pays "explosera"; la plaine ressemblera à Cannes la Bocca, nos villages seront vidés de leur tissu économique et social, les espaces verts seront mités par des grandes propriétés et résidences secondaires occupées par 2 personnes quelques mois dans l'année, et les communes s'efforceront de suivre ce développement en aménageant toujours plus de routes, de parkings, des réseaux d'adduction d'eau et d'assainissement toujours plus dispersés, plus onéreux à surveiller et à entretenir; et la population de migrants des villes et de toute l'Europe continuera d'affluer.

Il est clair que bien des éléments de cette "fuite en avant" ne dépendent pas de la volonté de nos élus mais de nous-mêmes et qu'il s'agit de phénomènes de société. Mais dans la perspective du réchauffement climatique qui s'annonce et de la nécessité d'assurer un développement durable, on doit s'interroger sur certains aspects de notre mode de vie individuel et collectif. Peut-on continuer de remplir l'espace naturel avec de plus en plus de maisons individuelles dispersées sur des terrains de +/- 2 000m2, occupées par 2 personnes au plus, quelques mois par an? Tout ceci requiert des moyens de transports individuels, des routes et des parkings, des lignes électriques, des adductions d'eau et de l'assainissement. Et en même temps, les villages, dont la vocation essentielle est de regrouper la population dans des ensembles cohérents et économiquement viables, se désertifient ou se peuplent différemment créant des divisions communautaires. Toute cette évolution est évidemment le résultat d'un enrichissement sans précédent de nos sociétés occidentales. Mais est-ce que c'est durable? et n'y aura-t-il pas un jour des remous difficiles à supporter?

Constater et déplorer l'évolution passée est facile; prévoir l'avenir et agir correctement pour le préparer est plus difficile. C'est là qu'il nous faut des élus "visionnaires"; des élus qui ne se contentent pas de suivre l'opinion dominante de l'instant présent; d'évidence, il faut des talents qui ne sont pas donnés à tout le monde. De plus, il ne peut pas y avoir de rupture brutale, mais les évolutions doivent être progressives et continues.

Pour ma part, et en toute modestie car je ne suis pas de ces visionnaires, je vais m'essayer à l'exercice de décrire l'avenir de notre pays de Fayence.

Développement économique

D'abord le développement économique. La tendance passé a été l'arrivée de migrants de la côte venus pour s'installer dans le pays mais travaillant dans les bassins d'emplois de la côte, et de migrants du Nord venus pour profiter du climat, de la proximité de la côte d'azur et des grands espaces du pays. Mais aussi, le pays connaît un afflux important de visiteurs pendant les week-ends et les périodes de l'été et des fêtes; ils viennent pour profiter des espaces verts, et ils souhaitent trouver les infrastructures pour les accueillir, les loger et les nourrir. Ils constituent pour les communes du canton un formidable potentiel d'activité. Je vois donc comme objectif de développement que nos élus devraient promouvoir, de permettre à la population active non employée en dehors du canton, de pouvoir travailler pour les services aux résidents, et plus encore pour les visiteurs touristes. Comme il s'agit là d'une activité saisonnière et liée aux périodes de fêtes, il faut développer l'offre touristique de qualité, et de niveaux de prix variés. Aujourd'hui cette offre est encore insuffisante; entre les campings et les résidences de haut standing comme "Four Seasons" au Golf de Terre Noire, il y a un vide à combler. Espérons que le Chateau de Camiole à Callian en sera un élément. Il faut aussi que les actifs qui travaillent pour le secteur touristique se logent facilement dans le canton. Les initiatives dans ce sens comme à Montauroux (Colle Noire) et à Tourrettes devront être multipliées.

J'entends certaines associations fustiger le tourisme et proner un développement économique avec des entreprises de production de biens et de services marchands. Cela me paraît peu réaliste. Des entreprises de ce type ont besoin de personnel et la structure passée et actuelle de notre population ne correspond pas à ces besoins. Toute entreprise importante qui tenterait de s'implanter dans le pays serait confrontée à la difficulté de recruter cadres et personnels nécessaires et elle aurait un turn-over important de son personnel.

En revanche, les ressources naturelles de notre pays, lui donnent une vocation touristique indéniable. Cette vocation est reconnue dans le contrat de territoire. Nous devrions nous inspirer des pays qui ont fait du tourisme leur principale activité. Les références en la matière sont les villes côtières du Var, Chamonix, et plus encore les cantons suisses, avec Zermatt, St Moritz par exemple où les gens ne vivent que du tourisme.

Nos communes ont donc raison de multiplier les manifestations festives, les festivals, les expositions; car elles attirent ainsi les visiteurs et les résidents. Voir le site des offices de tourisme du canton de Fayuence. Voir les pub des commerçants qui oeuvrent dans ce sens. C'est encore incomplet mais ce sera enrichi au fur et à mesure.

Urbanisation

La tendance passé pour les communes, - Montauroux et Fayence en particulier - a été l'ouverture de plus en plus d'espace offert à l'habitat diffus; les aménagements des POS ont été faits pour satisfaire cette tendance. Cette politique conduit à l'occupation de plus en plus d'espace, au mitage du paysage mais aussi à la dispersion des moyens et des infrastructures collectives pour les servir. Cette évolution traduit une périurbanisation de notre pays. Les actifs travaillent essentiellement dans les pôles urbains mais habitent de plus en plus loin, dans une périphérie qui se densifie. De 1992 à 2005, alors que la population française s’est accrue d’environ 4%, les surfaces consacrées à l’habitat individuel se sont agrandies de 20%, celles des jardins et des pelouses d’agrément liées à l’habitat de 18%. Les routes et les parkings, dont la surface a augmenté de 11% dans le même temps, occupent désormais 3% du territoire. Cette évolution, liée à l'enrichissement de la population présente un aspect paradoxal: nos contemporains souhaitent vivre de plus en plus hors des villes, à la campagne, en profitant des agréments et des charmes de l’espace et de la nature. Mais en même temps, ils ne veulent pas renoncer aux avantages de la ville, à ses équipements, à ses infrastructures et à ses services.

Les communes s’efforcent de fournir ces éléments, de mettre en place les voiries et les réseaux, d’organiser les services et la vie sociale, d’offrir tout ce que la ville offre même dans les endroits reculés. D’autre part, il faut que ces résidents trouvent sur place ce dont ils ont besoin. Il faut donc attirer les entreprises en leur donnant les espaces nécessaires à leur implantation. Les grandes surfaces et les commerces arrivent d’eux-mêmes car les études de marché leur ont démontré l’intérêt de suivre l’implantation des consommateurs tout en leur offrant un cadre modernisé. C’est tout le cercle systémique de la périurbanisation qui s’enclenche, cercle vicieux, car non organisé et s’établissant dans des conditions de consommation d’espaces et de destruction de paysages inacceptables. Cercle coûteux car le défaut d’anticipation est payé chèrement par les collectivités, sans parler des coûts à plus long terme de réhabilitation, autant que faire se peut, de ce qui aura été saccagé. Et nous arrivons là au cas de la plaine.

Saccagée notre plaine depuis 20 ans... Et aujourd'hui il faut réparer les dégâts. Les rond points sont devenus indispensables; la route de contournement du lac St Cassien (RD101) est devenue nécessaire, mais qu'elle n'entraîne pas à son tour une fuite en avant dans la périurbanisation.

Nos élus devront donc réhabiliter la plaine; c'est à dire la rendre agréable à vivre. Cela va nécessiter de préserver le paysage en évitant son uniformisation commerciale, conserver les espaces agricoles, aménager des voies secondaires en retrait de la RD562, intégrer les villas qui font partie du paysage, et lutter contre les espaces transitoires qui prolifèrent: commerces installés et démolis au bout d’un an, campings qui se dispersent à la fin des vacances, jardins méditerranéens et pelouses vertes que l’on arrose toutes les nuits.

Notre plaine illustre chaos et désordre. On traverse un espace, essentiellement de part et d'autre de la RD562, constitué de commerces implantés sans conception urbanistique, une multiplicité de panneaux publicitaires, des surfaces couvertes de hangars, des parkings, des friches en attente d’affectation, bref un patchwork d’espaces de toutes natures, mal imbriqués. Ni espace urbain, ni espace naturel, la frontière est de plus en plus floue entre les différents usages. Et ces nouveaux espaces continuent de se multiplier notamment à Montauroux. Ils ne sont pas beaux car pas organisés. Ces nouveaux espaces génèrent un sentiment d’inconfort, de déstabilisation, voire d’insécurité. Alors que le paysage devrait être facteur d’identité, de racines, d’appartenance à une communauté, personne ne s’identifie à cet espace non maîtrisé qu'on appelle "la plaine". On y va pour le strict nécessaire et le moins souvent possible, car c'est devenu "un enfer".

L'eau

Paradoxalement c'est le manque d'eau qui devient le facteur déterminant pour limiter la fuite en avant du passé. Localement notre approvisonnement d'eau dépend du réseau karstique de la Siagnole exploitée par la société E2S. Les prélèvements effectués dans ce réseau soit environ 10 millions de m3 par an constituent la ressource en eau des 4 communes noyau du canton. Ces prélèvements limitent ce qui se trouve en dessous. Et dans la plaine, les nombreux forages des agriculteurs, des maraichers et des villas, font baisser le niveau de la nappe phréatique car les prélèvements sont supérieurs à l'alimentation. Dans la plaine sous Fayence les forages sont à plus de 80m et débitent peu en été; à Fondurane sous Montauroux ils sont à plus de 100m.

Les tentatives des communes de Montauroux et de Fayence pour trouver de l'eau dans le réseau karstique bien en aval des sources de la Siagnole - Tuve à Montauroux, Joncquier à Fayence - se révèlent peu prometteuses sinon très aléatoires comme à Montauroux depuis la forêt du Défens.

La gestion de l'eau va donc constituer un défi dans les années futures. Faudra-t-il, comme certains le pronent, aller chercher des ressources plus loin, comme dans le lac de Ste Croix avec une conduite reliant cette réserve à St Cassien, et grâce à cela continuer la fuite en avant? On sait maintenant que les prélèvements du lac de St Cassien sont en limite du supportable, entre ceux d'EDF, des Alpes Maritimes (Usine de l'Apié de Sicasil), et ceux du canal de Provence pour le SEVE, il ne reste que peu de possibilités pour le canton de Fayence, d'autant qu'il faudra pomper et potabiliser.

Voir dossier eau.
Tels sont nos défis et ceux de nos élus pour les 20 années futures. Urbanisation et maîtrise de nos paysages, conservation et développement de nos atouts touristiques, aménagement de la plaine, gestion de l'eau. Tout cela dans la perspective d'atteindre un état proche de l'équilibre.

Mis en ligne le 21/01/2007 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)