À propos de l'eau dans le pays de Fayence, Fréjus et Saint-Raphaël
entre pléthore et pénurie
À propos de l'eau, certains de mes lecteurs disent, "il n'y a aucun risque de pénurie, l'Est Var et les Alpes Maritimes regorgent d'eau... plus de 90% va à la mer sans servir...., il suffit de la prendre où elle est...".
En ce qui concerne le pays de Fayence et jusqu'au front de mer à Fréjus et Saint-Raphaël via la vallée du Reyran, la région a toujours connu une pénurie d'eau pour la consommation humaine ; ses habitants, depuis le temps des Romains et pendant le premier millénaire, bien moins nombreux qu'aujourd'hui, devaient économiser l'eau; ils n'avaient pas de WC à chasse d'eau, pas de baignoires ni de douches et pas de piscines.
La région de Fréjus et de Saint-Raphaël connaissait la pénurie d'eau pour les usages courants des habitants. Les Romains avaient besoin d'une source d'alimentation d'eau potable de bonne qualité distribuable par pression, c'est à dire à cette époque par gravité. Certes, l'Argens était là mais dans un delta zone marécageuse et infestée de moustiques; l'eau était saumâtre, impropre à la consommation humaine et non distribuable par gravité. Il fallait donc trouver une source d'eau captable et transportable par voie hydraulique pour alimenter Fréjus. Les Romains avaient un très bon niveau technique comme en témoignent tous les sites connus; ils avaient construit de nombreux ouvrages hydrauliques dans la péninsule Italienne, en Afrique du Nord -(Carthage), en Gaule et en Espagne (aqueduc du Gard). Voir ce site. On peut imaginer comment les romains ont recherché et trouvé une source d'eau correspondant à ces besoins.
Le Reyran a d'abord dû être envisagé comme source possible (voir ce schéma du réseau hydrologique); les Romains ont dû le remonter jusqu'à sa source mais ils ont jugé que son débit était trop faible et son alimentation trop irrégulière. Il s'agit en effet d'une rivière de type méditerranéen à régime transitoire. Mais ce faisant ils sont remontés jusqu'au sud de la plaine de Fayence. Ils ont dû ensuite envisager la Siagne qu'ils ont remonté à la recherche d'affluents de rive droite. Ils ont d'abord trouvé le Biançon par lequel ils entrèrent dans le pays de Fayence et découvrirent les affluents importants alimentant le Biançon ou Riou Blanc - la Camiole sur Callian, le Chautard sur Tourrettes, la Camandre sur Fayence, et les divers rus descendant du Nord entre Montauroux et Fayence. C'est à ce moment qu'ils ont découvrir la source de la Foux à Montauroux, alimenté par la nappe du Riou Blanc. En remontant Camandre et la Camiole, ils sont arrivés sur le plateau au pied des grandes falaises du jurassique, notamment au Jas Neuf au dessus de la source de la Camiole. Mais ni le Riou Blanc ni aucun de ses affluents étaient jugés satisfaisants. Il fallait trouver autre chose. Voir cette carte hydrologique du pays de Fayence.
Continuant la remontée de la Siagne, ils arrivèrent au confluent de la Siagnole (rive droite de la Siagne) qu'ils remontèrent jusqu'à sa source. Siagne et Siagnole sont des rivières au régime transitoire de montagne mais qui ne s'assèchent jamais même en été. Ils découvrent alors la résurgence des sources de la Siagnole. Ils ont vite fait de mettre le site en relation géotopographique avec le JasNeuf, les lits de la Camiole, du Riou Blanc et une liaison facile avec Fréjus via le Reyran. Forts de leur technique de construction d'ouvrages hydrauliques - on a dû faire venir des "ingénieurs" qui connaissaient le sujet - ils ont alors conçu le projet de capter la Siagnole à la résurgence et de transporter l'eau par gravité jusqu'à Fréjus par un aqueduc. Ils disposaient alors à Fréjus d'eau potable de bonne qualité, distribuable par pression gravitaire dans la ville. Voir l'histoire de l'aqueduc romain de Mons (commune où se situe les sources de la Siagnole) à Fréjus. Et voir cet autre dossier sur l'aqueduc romain.
Des recherches archéologiques récentes suggèrent que les romains auraient d'abord capté la source de la Foux à Fondurane au Sud de l'actuelle commune de Montauroux et qu'ils auraient d'abord construit l'aqueduc depuis la Foux; les restes de l'aqueduc partant de Fondurane sont visibles et ont été partiellement restaurés par des associations dont l'ASERP. Voir ici cette thèse (Vito Valenti).
La source et l'aqueduc furent utilisés pendant 5 siècles, mais faute d'entretien l'exploitation cessa jusqu'au 19è siècle. Voir cette histoire ici. Au milieu du XIXè siècle la résurgence de la Siagnole fut remise en service et l'eau fut amenée à Fréjus (1867). Ce n'est que 20 ans plus tard que l'eau de la Siagnole et du canal romain remis en état après 15 siècles d'oubli, commença à desservir des villages du canton de Fayence. Voir ici.
Aujourd'hui 7 communes du canton (cad. hormis Tanneron) dépendent presqu'exclusivement de la source de la Siagnole pour leur eau - alimentation en eau potable et cultures. Il y a en effet des habitants (résidents et agriculteurs) qui prélèvent leur eau dans des sondages particuliers soit dans les terrains en aval de la résurgence, soit dans la plaine alluviale de Fayence. Et ces 7 communes doivent partager la source avec les Adrets, Fréjus (via le syndicat des eaux de l'est Var SEVE) et le camp militaire de Fréjus. Le débit dévié est fixé par la loi, et pratiquement tout ce débit est consommé comme l'indiquent les chiffres de production/distribution d'E2S pour les années 2003-2006. C'est le débit minimum à l'étiage - en juillet-août - qui peut limiter la consommation et être la cause de pénuries d'eau.
Pour mieux comprendre, il faut voir comment la Siagnole se situe dans le réseau hydrologique du Sud Est de la France - Est Var et Alpes Maritimes.
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