Les entreprises face à la concurrence déloyale

J'ai assisté hier à une réunion débat organisée par l'Union Économique du pays de Fayence (UEPF)1 sur le thème "les entreprises face à la concurrence déloyale"5. L'UEPF avait invité Mr Philippe Poinsignon président du tribunal de commerce de Draguignan2 et Mr Castillon délégué de la Fédération du BTP du Var, Délégation Dracénie Haut-Var3.

Pour introduire l'objet de ce débat Jean-Luc Antonini a présenté le Centre d'Information sur la Prévention (CIP) des difficultés des entreprises4. Jean-Luc Antonini est actuellement premier adjoint de l'équipe municipale de Callian. Il a été magistrat au tribunal de commerce de Draguignan2 et c'est en raison de cette expérience qu'il a été à l'origine de la création du CIP Dracénie Haut-Var. Les CIP sont des associations composées de professionnels bénévoles, sensibles aux problèmes économiques que peuvent rencontrer les entreprises. Les CIP proposent d'aider les chefs d’entreprise en leur faisant comprendre que l’anticipation des difficultés est le meilleur moyen de sauver leurs entreprises et en leur faisant connaître les outils de prévention offerts par la loi. Les CIP accueillent chaque jeudi les chefs d'entreprises qui connaissent des difficultés pour les écouter; il s'agit d'entretiens gratuits avec une équipe de spécialistes bénévoles, composée d'un expert comptable, d'un avocat et d'un ex magistrat du tribunal de commerce. Jean-Luc Antonini est ce dernier pour le CIP Dracénie Haut Var7. Par son action bénévole et hors juridictionnelle, le CIP a le souhait de réduire le nombre de dépôts de comptes au tribunal de commerce, lesquelles sont toujours stressantes pour les chefs d'entreprises et de dernier recours.

Philippe Poinsignon est intervenu ensuite pour le coeur du débat: "Les entreprises face à la concurrence déloyale"5. Philippe Poinsignon en sa qualité de président du tribunal de commerce de Draguignan, compétent pour 98 communes du Var (*), est au premier rang de ceux qui connaissent les difficultés des entreprises qui sont confrontées à la concurrence intra-européenne.
(*) Les autres tribunaux de commerce du Var sont Toulon et Fréjus [lien].

Philippe Poinsignon a parlé d'un "fléau". Un fléau qui affecte principalement les artisans et les très petites entreprises (TPE) dans les secteurs du bâtiment, de la restauration, des transports. Plus de 80% des procédures au tribunal de commerce de Draguignan concernent les chefs d'entreprises de ces secteurs d'activité.

Mais faut-il parler de "fléau". Car le problème est évidemment plus vaste et les dépôts de bilan aux tribunaux de commerce ne sont que la partie émergée de l'iceberg qu'est la libre circulation des biens et services, des capitaux de des personnes au sein de l'espace européen. Tout se réfère à la fameuse directive Bolkenstein en 2006 et au "plombier polonais" dans l'espace européen et dans la zone euro. Les travailleurs détachés doivent être payés selon les règlements du pays d'accueil (salaire minimum, temps de travail légal, congés payés...), mais les charges sociales sont celles du pays dont ils sont détachés. C'est là que l'on retrouve toute la problématique de l'Europe, de l'Euro, de la compétitivité, de l'espace euro imparfait, etc... Une Europe où les "États providence" des nouveaux États membres récemment intégrés sont très différents. À cet égard, en raison de charges sociales sur les salaires plus faibles, les pays ex-PECO12 ont un avantage de compétitivité par rapport à la France13.

Par conséquent quand Philippe Poinsignon parle d'un "fléau", il s'agit en réalité d'une préférence de consommateurs pour une offre de services moins chère, à qualité équivalente et qui correspond au pouvoir d'achat des gens en mesure de payer, compte tenu de la pression fiscale que l'État et les collectivités locales exercent sur eux. Ceci est évidemment "positif" dans une économie de liberté; je dis bien de liberté d'échanges entre des producteurs et des consommateurs. Le problème c'est qu'en France l'État doit prélever presque 60% de la richesse produite pour financer des dépenses d'infrastructure, de santé, d'éducation, de protection sociale, plus toutes les gabegies administratives qui font les délices des multiples rapports de la cour des comptes, d'année en année14.

Les artisans, les chefs d'entreprises TPE et PME sont accablés de règlements et de charges. Quand on emploie une femme de ménage en utilisant le CESU (chèque emploi service), les charges sociales sont de 50%. Je connais une personne qui a fait rénover entièrement son habitation par une "entrepreneur local" qui a utilisé des travailleurs polonais pendant plusieurs semaines. L'entrepreneur local était lui-même polonais. On touche là à la dissimulation. Des chômeurs en Pologne sont très heureux de venir en France et travailler à des coûts très attractifs pour des consommateurs par ailleurs écrasés d'impôts et de taxes.

Le seul moyen de lutter contre la dissimulation c'est de renforcer les contrôles et la répression juridictionnelle. Mais les moyens dont l'État dispose en cette période d'austérité imposée par l'euro, sont hors de proportion avec l'ampleur du problème. Philippe Poinsignon a indiqué les actions du procureur de la république de Draguignan, l'augmentation des amendes et des peines de prison pour infractions.

La réunion s'est continuée avec l'intervention de Mr Castillon qui a apporté des témoignages d'entreprises du BTP.

  1. Union Économique du pays de Fayence
  2. Tribunal de Commerce de Draguignan
  3. Fédération BTP du Var
  4. CIP les entretiens du jeudi
  5. Les entreprises face à la concurrence déloyale
  6. Union économique du pays de Fayence Assemblée générale 6 février 2015
  7. Qui sont les CIP?
  8. Travailleurs détachés
  9. Travailleurs détachés et dissimulés
  10. Tribunaux de Commerce Var (Draguignan, Toulon et Fréjus)
  11. Directive Bolkenstein
  12. Pays ex PECO
  13. Charges sociales comparatif européen
  14. Finances publiques: Cour des comptes
  15. Mes billets sur l'Euro

Mis en ligne le 28/02/2015 pratclif.com