Textes applicables en matière de liberté d’expression

Cher Monsieur, vous trouverez sous ce pli la liste des principaux textes applicables en matière de liberté d’expression quel qu’en soit le support.

Les textes applicables sont multiples, les plus importants étant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse visant exclusivement la presse écrite et la loi du 1er août 1982 sur la communication audiovisuelle. L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit très précisément la diffamation, l’injure, la diffusion de fausses nouvelles, la provocation aux crimes et délits et la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

La loi du 16 juillet 1949 concerne les publications destinées à la jeunesse et prohibe toute publication présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse etc.

La loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle impose dans toute publication la désignation d’un directeur de publication qui encourt les responsabilités visées par la loi du 29 juillet 1881.

La loi du 1er août 1986 étend la publication de presse à tous services utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général et de catégories de publics et paraissant à intervalle régulier.

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication énonce le principe de la liberté de la communication audiovisuelle, la télécommunication étant toute transmission, émission ou réception de signaux d’écrits et assimile tout naturellement le réseau Internet. La loi du 1er août 2000 est venue modifier cette loi, pour les communications en ligne autres que privées, mettant à la charge du prestataire de services internet (stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, écrits, images etc) certaines obligations afin de permettre l’identification des personnes ayant contribué à la création d’un contenu des services dont elle est prestataire. Un décret publié le 25 février 1993 a créé le Conseil Supérieur de la Télématique qui a pour mission d’élaborer des règlements propres pour régir ce secteur en réalisant notamment un Code de déontologie destiné à protéger les mineurs et les consommateurs.

En droit international, la Convention européenne des droits de l’Homme pose le principe que toute personne a droit à la liberté d’expression, qui comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.

L’exercice de ces libertés comporte des « devoirs et des responsabilités et peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation et des droits d’autrui pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

La Cour européenne a eu l’occasion de sanctionner à plusieurs reprises les juridictions françaises qui ont une interprétation très stricte des infractions en matière de presse et de communication. La Cour privilégie une plus grande liberté d’expression que les textes français. Les normes européennes prédominent sur les normes françaises et s’imposent progressivement aux juridictions françaises. La liberté d’expression semble actuellement prédominer, eu égard aux circonstances susceptibles de caractériser la diffamation ou l’injure.

La jurisprudence a permis de définir précisément chacune des infractions visées par la loi du 29 juillet 1881. Ce texte est le seul à pouvoir être invoqué en cas de diffamation, mais impose des conditions de saisine des tribunaux extrêmement strictes, avec des délais très brefs pour assigner l’auteur ou l’éditeur de ces diffamations (3mois). En cas d’assignation en diffamation, le défendeur dispose d’un délai d’ordre public de 10 jours pour rapporter la preuve de la vérité des faits, laquelle fait échec à la poursuite de la procédure.

Certains essaient de contourner ces règles en invoquant l’article 1382 du Code Civil, qui impose que tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui qui l’a causé à le réparer, par l’allocation de dommages et intérêts. Une insulte publique, comme des propos diffamatoires constituent naturellement un préjudice qu’il convient de réparer.

La qualification de l’infraction sera toutefois décisive car la diffamation ne peut être sanctionnée que par la mise en jeu des règles édictées par la loi de 1881.

Typologie des infractions de la loi de 1881 :

La diffamation

La diffamation : l’article 29 de la loi définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. »

La jurisprudence considère que pour être punissable, la diffamation doit réunir les cinq éléments constitutifs suivants :

1. L’allégation d’un fait précis
2. L’atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée
3. La mise en cause d’une personne déterminée
4. La mauvaise foi
5. La publicité

La diffamation reste punissable si elle ne vise pas expressément une personne dans la mesure où cette personne ou le corps peut être facilement identifié. Par exemple, une phrase telle que « Je vous assure que Monsieur X a prélevé dans la caisse de la Société Y une somme de 15.000 € » diffusée sur un blog constituerait de la diffamation dans la mesure où les faits incriminés sont faux. Dans l’hypothèse où les faits seraient vrais, il faut encore veiller au respect de la présomption d’innocence, et s’assurer que les propos ne constituent pas une atteinte à l’intimité de la vie privée. Le droit à l’information l’emporte toutefois sur le principe de la présomption d’innocence et le fait de relater des propos objectifs relatifs à une procédure judiciaire, par exemple, pourraient ne pas être condamnables, s’ils ne révèlent aucune intention coupable de la part de leur auteur. Il reste parfaitement possible de critiquer des produits, des services ou les prestations d’une entreprise individuelle ou commerciale, si cette entreprise (qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale) n’est pas l’objet des propos diffamatoires.

Par exemple, les bloggeurs peuvent librement échanger leurs points de vue sur les produits et services, et les critiquer ouvertement, si leurs affirmations reposent sur des éléments précis et vérifiables et s’ils ne visent pas à critiquer l’entreprise qui les produits.
Lorsqu’elle est non-publique, la diffamation est assimilée à l’injure et entre dans le champ d’application de l’article R. 621-1 du Code pénal qui sanctionne par une contravention de première classe.

La diffamation est sanctionnée par une peine de prison de six mois et une amende de plus de 10.000 € ou l’une de ces peines seulement. Ces sanctions sont aggravées lorsque la diffamation est commise envers une personne ou un groupe à raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

L’injure

L’injure est définie comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Ce délit repose sur la réunion des quatre éléments suivants :

1. l’emploi d’une expression outrageante, d’un terme de mépris ou d’invective,
2. la désignation d’un corps ou d’une personne déterminée,
3. l’intention coupable,
4. la publicité.

L’injure par pseudo ne portera pas à conséquence, mais l’insulte d’une personne déterminée constituera une injure. L’exemple que vous m’avez fourni l’illustre bien. Les bloggeurs ne doivent pas injurier nominativement les personnes, qu’elles soient connues ou non, d’autant plus que l’injure sera nécessairement publique.

L’injure non publique est sanctionnée d’une contravention de première classe. Tout comme la diffamation publique, l’injure publique doit être réalisée par l’un des moyens visés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qui vise tout naturellement la diffusion off line ou on line.

La diffusion de fausses nouvelles

La diffusion de fausses nouvelles est visée par l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 et vise la diffusion et la reproduction, quel que soit le moyen de fausses nouvelles, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique ou aura été susceptible de la troubler.

Quatre éléments doivent être réunis pour caractériser la diffusion de fausses nouvelles :

1. La publicité par quelque moyen que ce soit
2. L’existence d’une fausse nouvelle
3. Un trouble effectif ou seulement possible à la paix publique
4. Une intention coupable

D’autres textes peuvent s’appliquer ponctuellement notamment dans l’hypothèse où la publication et la publicité a été faite en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisées comme moyens de se donner la mort, permettant la discrimination, portant atteinte à la dignité de la personne à raison de son sexe, origine, religion, race, opinion politique ou syndicale.

La provocation aux crimes et aux délits

La provocation aux crimes et aux délits : L’article 24 de la loi vise la provocation aux délits suivants :

- Atteinte volontaire à la vie, à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, les vols, extorsions, destructions, dégradations etc. ;
- Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, l’apologie des crimes de guerre ;
- Les actes de terrorismes, les discriminations à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur nonappartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

L’article 9 du Code civil prévoit en outre que chaque personne a droit au respect de sa vie privée. La jurisprudence considère de manière habituelle que font parties de la vie privée les éléments relatifs à l’état de santé, l’image d’une personne, fût-elle artiste de spectacle. L’intimité de la vie privée recouvre toutes les informations touchant à la personne, au mode de vie des personnes ou celui de leurs familles. Le dénigrement est naturellement également interdit.

Personnes responsables

L’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 désigne en cascade les personnes responsables des délits qui viennent d’être énoncées :
- En premier lieu, les directeurs de publication ou éditeurs, - ensuite, à leur défaut, les auteurs, - à défaut des auteurs, les imprimeurs, - à défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs.

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