MANIFESTE POUR LES PAYSAGES

Novembre 2005

Inquiets des mutations profondes et non maîtrisées des paysages français, les signataires du présent manifeste appellent à une mobilisation de grande ampleur en faveur des paysages. Car ce patrimoine commun d'une richesse exceptionnelle est désormais menacé.

La richesse paysagère de la France : un enjeu majeur

La France est unanimement reconnue pour la richesse et la diversité de ses paysages. Fruits de la patiente action des hommes au cours de longues évolutions naturelles et historiques, les paysages qui nous ont été légués représentent un authentique patrimoine:

  • culturel, car ils sont la mémoire tangible des sociétés qui nous ont précédés et constituent une part essentielle de notre identité collective,
  • environnemental et écologique, car ils contribuent à la gestion de l'eau et des les sols, au maintien de la biodiversité et à la maîtrise des principaux risques naturels,
  • économique, car leurs qualités donnent une image positive aux produits des régions et des terroirs, renforcent l’attractivité locale pour l’habitat et l’implantation d’activités et sont au coeur du développement touristique de notre pays,
  • social, car les paysages constituent un bien public fondamental qui offre aux populations urbaines et rurales un cadre de vie équilibré et harmonieux pour favoriser les échanges, la sociabilité, la vie collective, l’accueil et l’intégration de nouvelles populations.

Des bouleversements brutaux et mal maîtrisés

Il est normal de voir les paysages vivre et se transformer au gré des sociétés qui les produisent. Mais aujourd'hui, après un siècle d'exode rural, les villes conquièrent les campagnes, modifiant profondément l’organisation spatiale et les rapports entre ces deux milieux. Une rupture s’opère sans que ses conséquences en soient maîtrisées du fait de l'absence de projets coordonnés concernant les paysages, d'une surenchère des propositions d'aménagement sans lien entre elles, de l'irruption d'infrastructures hors d'échelle ou mal positionnées.

Dans le même temps, les territoires qui subissent une déprise agricole et démographique, voient des pans entiers de leurs espaces abandonnés ; leurs paysages, déstructurés, perdent toute lisibilité.

Dans les territoires en fort développement économique, l'étalement urbain s'accompagne le plus souvent d'une consommation déraisonnable du capital foncier qui constitue pourtant une ressource non renouvelable : doublement des surfaces urbanisées depuis 1945, augmentation de 17% des surfaces artificialisées ces dix dernières années alors que la population s'est accrue de 4% seulement.

Ce mode de développement n'est pas durable, car il repose sur un renchérissement du coût des sols, une surconsommation d'énergie, une perte irréversible et un mitage des terres agricoles et des espaces naturels, une dégradation de l’environnement. Il entraîne un accroissement des charges d'aménagement pour la collectivité.

En termes paysagers, ces modèles d'aménagement s'imposent trop souvent sans respect des spécificités historiques et géographiques de chaque lieu. Ils conduisent à une banalisation des territoires, créant de nouveaux espaces sans repères, ni qualités propres. Faute de solutions adaptées découlant d’approches paysagères plus fines, ces aménagements sont d'ailleurs rapidement obsolètes ; à peine réalisés ils sont déjà à réhabiliter ou à détruire.

Pour des paysages choisis, non subis

Il est urgent de se donner les moyens d’accompagner les transformations des paysages urbains et ruraux. Seule une véritable mobilisation nationale sur le long terme, pour des paysages de qualité et pour une politique foncière préservant l'avenir, permettra de répondre à ce défi. Le paysage, la maîtrise foncière, la qualité des interventions sur l'espace, l'équilibre entre l'urbain et le rural doivent être placés au coeur des projets d'aménagement, à tous les niveaux territoriaux. Ces projets doivent répondre aux enjeux suivants :

  • protéger efficacement le patrimoine paysager dont nous avons hérité et en assurer une gestion active,
  • retrouver une créativité pour donner qualité, sens et humanité aux paysages que notre époque génère et qu'elle transmettra aux générations futures,
  • mieux coordonner les interventions spatiales et fonctionnelles des multiples acteurs qui agissent pour le paysage,
  • être plus économes dans notre consommation d'espace tout en répondant à la demande importante de logements, aux besoins de zones d'activités et de services, d'infrastructures.

La prise en compte du paysage est essentielle pour élaborer des projets de territoire s'inscrivant dans une démarche de développement durable. Dans ce cadre, les collectivités locales, mais aussi les organismes professionnels et les associations, ont un rôle important à jouer pour sensibiliser et former les nombreux acteurs qui font le paysage et pour rechercher les convergences entre les aspirations individuelles et les enjeux collectifs liés au paysage.

Pour sa part, l'Etat doit assumer résolument son rôle d'orientation en matière de préservation, de gestion et de création de ce capital commun, tout en dotant sa politique du paysage de moyens à la hauteur des enjeux.

Les signataires du présent Manifeste pour les Paysages :

  • appellent à une mobilisation nationale en faveur des paysages,
  • demandent la mise en place de réels projets, à chaque échelon territorial, permettant de renforcer la protection et la gestion du patrimoine paysager et de redonner une ambition à la création des paysages contemporains,
  • proposent à toutes les institutions et à toutes les personnes qui le souhaitent de rejoindre cette initiative et d'apporter, dans leur champ d'intervention, leur contribution à l’amélioration des paysages,
  • appellent les signataires à se retrouver en 2006, pour mettre en commun leurs propositions et saisir les décideurs à l’occasion de véritables "Etats généraux du paysage.

Signataires :

Les Organismes :

Les Personnalités :