BARRAGE DE MALPASSET

Cette monographie est due à Vito Valenti ingénieur hydraulicien décédé en 2010; je l'ai prélevée sur le site vitosweb et l'ai traitée pour éliminer la pub. Hommage à cet ingénieur d'exception à qui nous devons aussi des monographies sur les aqueducs romains dont celui de la Siagnole à Fréjus.

EICI L’ AIGO ES D’ OR

Ce dicton provençal (ici, l’eau vaut de l’or) pourrait aussi se traduire dans toutes les langues du pourtour méditerranéen.
Les courtes, mais violentes, périodes de précipitations atmosphériques,concentrées sur les équinoxes de printemps et, surtout, d’automne, encadrent une longue période estivale marquée par une sécheresse persistante.

Pour évoquer une période antérieure à la construction du barrage de Malpasset, il convient de citer un arrêt du Conseil d¹Etat qui a été amené à statuer sur la rupture, le 29 septembre 1932, d’une digue en béton, construite par le Syndicat des Digues du Reyran, rupture causée par «une crue d¹une violence exceptionnelle».


Or, le développement d’une agriculture de qualité à Fréjus, nécessitant un arrosage intensif en eau brute pour le maraîchage et la floriculture, d’une part, et les débuts d’un tourisme estival qui irait s’amplifiant,exigeant une desserte en eau potable pour les besoins de la population aussi bien locale que passagère, d’autre part, allaient conduire les responsables politiques, tant départementaux que locaux, à une réflexion pour résoudre ce problème récurrent.


A la fin de la guerre 1939/1945, la première priorité du Conseil Général du Var s’est portée sur l’équipement hydraulique de la Région.

Les besoins les plus importants se situaient au sud entre Saint – Raphaël, Fréjus, Sainte - Maxime et Saint-Tropez. La population de cette région littorale avait été estimée à 45 000 habitants. On estimait aussi que dans un proche avenir, elle en compterait, en pointe estivale, 150000. Cela nécessitait un volume annuel de 6500000 m3 d’eau potable. Les besoins agricoles d’un périmètre cultivé, dominé par 5260 hectares, dont 1677 irrigables, réclamaient une réserve annuelle de 13100000 m3. La réserve annuelle utile pour parvenir à ces besoin, se chiffrait à 22 millions de m3, pour tenir compte du complément nécessaire à l’évaporation. Il fallait donc agir vite pour reconstruire, lutter contre la sècheresse, relancer l’agriculture, le tourisme et la vie économique du département.

C’est en 1946, à la demande du Conseil général du Var, que l’administration préfectorale envisage la construction d’un barrage ou de barrages dans la vallée de l’Argens et de ses affluents. Le professeur de géologie Corroy, de la Faculté des sciences de Marseille, est alors chargé par le préfet du Var de faire des recherches sur des sites favorables. Six emplacements de barrages furent examinés et, dans une note du 25 mai 1946, le professeur Corroy s’est déclaré favorable à un projet de barrage dans la vallée du Reyran au lieu-dit Malpasset.

Au résultat de ces études, l’Ingénieur en Chef du Génie Rural et l’Ingénieur en Chef des Ponts et chaussées sont chargés d’établir des avant-projets. A la demande du Génie Rural, en accord avec le préfet, on fait appel aux compétences du cabinet d’études Coyne et Bellier,

Coyne , éminent constructeur de barrage mondialement connu, fait étudier ses projets par un bureau d’études sous la direction de son gendre Bellier.

Il faut convenir qu’à cette époque, l’alimentation en eau de la région Var-Est était devenue d’une singulière complexité. D’un coté, le Génie rural poussait à la réalisation d’un barrage sur le Reyran, approuvé par son ministère. D’un autre, les Ponts et Chaussées, dans le même temps, mettaient en avant le projet de barrage sur la Siagnole, puis la réfection du canal romain et faisaient étudier par le professeur Corroy , un second projet sur le Biançon. Le géologue remit un premier rapport le 16 février 1946, puis un second le 6 décembre 1949 où il examinait le site de Fondurane et donnait un avis favorable à l’élévation d’un barrage à voûtes multiples de 30 mètres de hauteur.

Le barrage sur la Siagnole ayant été rejeté par le ministre de l’Agriculture, les Ponts et Chaussées poussèrent leurs études sur le Biançon, à la suite de quoi, le 8 juillet 1950, le professeur Corroy confirmait l’avis favorable du 6 décembre 1949.

Au terme de nombreuses discussions, deux études furent ainsi présentées au Conseil général le 19 mai 1951.

Le Conseil Général était donc placé devant un nouveau dilemme: «Biançon, Reyran» ou «Reyran seul».

1. UN PROJET COMMUN

Voici le projet «commun» présenté à l’époque, par le Génie Rural et les Ponts et Chaussées. Au nord, le barrage de Fondurane (Siagnole et Biançon) devait permettre l’irrigation de la zone Fayence – Callian – Montauroux, et par une série de canalisations, alimenter en eau potable les communes de la Côte, de Puget-sur-Argens, à Saint-Raphaël et Sainte-Maxime. Un«petit barrage de Malpasset», relié à Fondurane par le canal des Vaux, était seulement chargé d’irriguer la plaine du Reyran et de l’Argens. Coût de l’opération estimé à 2500 millions

NB: Relisant ce texte en 2018 après une nouvelle étude, je pense que Vito Valenti fait erreur (les données sur Fo,durane sont très ancienes). Le schéma suggère non un barrage en amont de Fondurane mais le barrage de Saint-Cassien: hauteur 66m jusqu'à la cote 158. Un barrage pouvant créer une retenue pour irriguer la plaine de Fayence devait se situer à Fondurane, dont le pont sur le Riou Blanc est à la cote 154. Avec un barrage multi voutes de 30m, la retenue se situait alors à la cote 184. C'est la cote du Riou Blanc au pont sur la D56. Cette retenue inondait alors le lit de la rivière jusque là et à cette cote, ce qui permettait d'irriguer toute la plaine de Fayence. Le pays de Fayence serait alors complètement différent de ce qu'il est devenu.
Ce que montre Vito Valenti est le barrage et la retenue de Saint-Cassien alimentée par un canal de dérivation de la Siagne dans sa partie moyenne, et accessoirement le Riou Blanc; cette retenue devait suppléer les insuffisances en eau de la retenue de Malpasset, alimentée par le Reyran asséché en été, et garantir l'alimentation en eau des villes et villages du sud-est du Var et de l'extrême sud-ouest des Alpes-Maritimes.

2. LE GRAND MALPASSET DU GENIE RURAL

Voici le projet définitif adopté par le Conseil général du Var. Le «Grand Malpasset» d’où part la grosse conduite dite «branche mère» donnant naissance à une «branche agricole» ( en pointillé. Il s’agit du réseau d’irrigation de la plaine). Puis, au sortir d’une station de filtrage et de stérilisation, à une «branche mixte» qui devait desservir en eau potable les usagers de la Côte, du Trayas à Pampelone et Cogolin, Fréjus et Puget-sur-Argens. Coût de l’opération estimé à 1856 millions

L’assemblée jugea sur un critère: le volume des dépenses.

Il s’agissait donc, à qualités techniques comparables, d’une économie de 644 millions. Le Conseil général pencha vers la solution la moins chère: le Reyran seul.

Mais le rapporteur général du budget n’appréciait pas cette solution et manifesta des réticences. Il voulait aller sur place «éclairer sa religion», avant de voir engager des sommes considérables. Lors du vote définitif, il s’abstint.

Et c’est enfin, par une décision du 3 novembre 1951, que la construction du barrage de Malpasset est alors agrée par le Ministère de l’Agriculture.

POURQUOI UN BARRAGE SUR LE REYRAN

Les Ponts et Chaussées écartés, les ingénieurs du Génie Rural, chargés de la coordination des études, portèrent leur attention sur le Reyran. C’est un torrent, sec en été, qui prend sa source au nord de Bagnols-en-Forêt, à 12 km de Fréjus. Les experts de la météorologie et les hydrologues disposant d’observations très précises des précipitations locales ont apporté les conclusions suivantes:

1: le total annuel des précipitations enregistrées dans les stationsmétéo de la région sont prometteuses:

2: les pluies ne tombent pas d’une façon régulière. Les mois les plus favorisés sont Octobre et surtout Novembre.

Une recherche plus poussée des irrégularités de ce climat méditerranéen a montré:

D’autres études plus poussées sur la rétention par la végétation , l’infiltration dans les roches gneissiques et l’évaporation, expliquent la faiblesse du débit du Reyran au cours des mois d’Octobre et Novembre, mais après une longue sècheresse.

Les jaugeages effectués dans le Reyran, sur le site du barrage de Malpasset, ont permis d’évaluer le volume moyen annuel à 22,70 millions de m3; et une fois tous les trente ans à 15,75 millions de m3 seulement . Ainsi en temps normal, pour un écoulement de 300 jours, le barrage pouvait assurer un débit moyen de 750 l/s, proche du débit moyen de la Siagnole. C’était donc, en principe, suffisant à la couverture des besoins, sauf en année sèche, ce qui avait conduit à compléter la retenue de Malpasset par l’apport éventuel des eaux du Biançon amenées par le canal de Vaux.

A la lumière de ces résultats, il appartenait aux Ingénieurs, de trouver les solutions pour apaiser la paresse et les brusques colères de notre Reyran et par la même occasion réaliser une source de prospérité.

LES AVIS DU GEOLOGUE

L’étude géologique du site du barrage a été confiée au Laboratoire de Géologie de la Faculté des Sciences de Marseille. Dans son rapport du 13 novembre 1946 le Professeur Corroy précise dans ses conclusions:

POUR LE BASSIN DE RETENUE

Malgré la multiplicité des accidents de détails, affectant le Houiller du Reyran, ainsi que son substratum de gneiss, le bassin de retenue projeté se présente d'en d'excellentes conditions géologiques au point de vue de son étanchéité.

En effet, l'imperméabilité totale de cette Retenue est assurée dans ce "fond de bateau" aux horizons détritiques compacts ( grès et poudingues ) inclus dans un massif cristallophylien qui l'enserre de toutes parts.

Des pertes ne peuvent donc se produire ni sur les flancs de la retenue, ni vers l'aval dans la vallée par continuité des couches.

Aucun travail géologique d'aménagement n'est à prévoir. Quant à la question de l'alluvionisionnement de la Retenue, aucun problème particulier ne se pose, car il s'agit ici d'un petit cours d'eau, aux alluvions de galets et de sables fins peu importants. Pour conserver la Retenue intègre à l'arrière du barrage, des "chasse" à périodes régulières et opportunément choisies, suffiront pour débarrasser la retenue des produits annuels de comblement.

POUR L’ EMPLACEMENT DU BARRAGE

Le rapport souligne d’entrée que le problème du barrage est plus délicat à résoudre. En effet, si la topographie de la gorge du Reyran se présente très favorable au sud de la Buème, avec aspect homogène du socle gneissique du Tanneron, une étude détaillée de ce secteur montre plus de complexité……Nous avons noté d’autre part l’existence d’une perte du Reyran au sein des sables alluvionnaires et au contact de cette faille, lorsqu’elle traverse le lit même de la rivière.

En conclusion, d'ores et déjà nous pouvons indiquer que le barrage du Reyran ancré dans les gneiss à pendage aval, traversés par des diaclases plus ou moins importantes avec filons de pegmatite, exigera des travaux d'étanchement qui devront être pratiqués avec grand soin.

Il sera nécessaire d'imperméabiliser le sol de fondation et des appuis par des injections de ciment selon un voile normal. ( Nous pouvons donner comme exemple d'un voile analogue, celui qui a été exécuté pour le barrage de Sarrans sur la Truyère ).

La stabilité des versants d'appui étant bien définie, il est néanmoins utile d'examiner dès que possible par déroctage et petites galeries leur constitution interne, principalement dans les parties superficiellement altérées ou recouvertes d'éboulis. La roche saine doit être ainsi repérée dans l'axe d'appui, notamment au dessus de la surface de la rivière et dans le lit, vers les milieux latéraux de la surface d'appui et sous la croûte d'altération des versants supérieurs. Car lors de la construction du barrage, n'oublions pas que les terrassements devront être poussés autant dans le haut que dans le bas, bien que en haut la pression statique est plus faible. Rappelons encore que la décomposition d'une roche est croissante du thalweg vers les hauteurs.

La roche saine sera donc repérée partout, jusque dans le lit de la rivière, pour éviter des surprises au moment de l'ancrage.

La perte d'eau signalée à l'amont de la gorge, sera également découverte pour se rendre compte du trajet, en apparence assez superficiel, parcouru par le fluide.

Nous préciserons sur le terrain la position de ces travaux de recherche de la roche saine, dès que ceux-ci auront été décidés.

Dans une seconde note le géologue confirmait son diagnostic sur le bassin de retenueet insistait sur les précautions nécessaires à prendre avant la construction proprement dite du barrage :

«Le bassin de retenue se présente écrivait-il, dans d’excellentes conditions géologiques du point de vue de son étanchéité. « Mais, poursuivait-il, le problème du barrage est plus délicat à résoudre. Des éboulis cachent le substratum qui semble très altéré quand on peut l’observer. Nous avons noté, d’autre part l’existence d’une perte du Reyran au sein des sables alluvionnaires et au contact d’une faille (subverticale perpendiculaire au lit à l’entrée de la gorge) lorsqu’elle traverse le lit de la rivière.

La série des gneiss du Reyran est loin d’être homogène et les assises d’un futur barrage doivent être préparées par de sérieux travaux de recherches. Notons surtout l’aval pendage des gneiss et la présence de filons de pegmatite aux phéno-cristaux facilement altérables, comme susceptibles de provoquer des pertes plus ou moins importantes sous l’ouvrage et dans les épaulements rocheux du barrage.

Deux emplacements nous paraissent intéressants:

Plus on s’éloigne de ces deux points vers le sud, plus il apparaît que la gorge s’élargit et que l’altération des roches s’amplifie.

Dans ces conclusions d’ensemble le Professeur Corroy recommande une certaine prudence:

Et le géologue achevait en indiquant qu’il préciserait sur le terrain la position de ces travaux de recherches de la roche saine, dès que ceux-ci auront été décidés.

Cette étude géologique a été reprise en Novembre 1949, mais nous n’avons trouvé aucune trace auprès des Archives communales et Départementales. Il faut néanmoins savoir que l’implantation du barrage a été décalée de 200 m peu avant sa construction, sans aucun complément d’étude géologique

LE PROJET DE CONSTRUCTION DU BARRAGE DE MALPASSET

Les travaux de construction du barrage de Malpasset, accumulant les eaux du Reyran et les eaux d'hiver du Biançon, ont été déclarés d’utilité publique par arrêté préfectoral du 8 janvier 1952.

Ils comprennent essentiellement la construction d’un barrage réservoir sur le Reyran, en vue de satisfaire les besoins en eau de la région Est du Département, notamment:

· l’irrigation des basses vallées du Reyran et de l’Argens,

· l’alimentation en eau potable des Communes de FREJUS, SAINT RAPHAËL, PUGET SUR ARGENS, ROQUEBRUNE SUR ARGENS, SAINTE MAXIME et SAINT TROPEZ ainsi que la partie littorale des Communes de GRIMAUD, COGOLIN, GASSIN et RAMATUELLE, étant entendu que des concessions à usage d’irrigation pourront être accordées là où les conditions locales le justifieront.

· le barrage servira également à résorber les crues du Reyran et à former cloisonnement de rupture des incendies de forêt dans l’Estérel.

DESCRIPTION DES LIEUX

L’emplacement du barrage se situe sur le cours du Reyran en aval du confluent avec la Bueme, au lieu dit «Malpasset» au point 16 km,625 du C.D. 37. Dans ce quartier, sur 500 m de longueur environ, le Reyran traverse un défilé entre deux collines du massif de l’Estérel. En amont du barrage la vallée s’élargit et se prête tout particulièrement à l’accumulation des eaux. Etant donnée la nature rocheuse de la fondation sur tout le développement du profil en travers du défilé, le choix du type de l’ouvrage s’est porté sur un barrage en forme de voûte d’axe vertical.

ETUDE DU PROJET

Le cabinet Coyne, avant de fixer l’emplacement du barrage, s’est mis en rapport avec le professeur Corroy en octobre 1950 pour une visite des lieux. Mais c’est la seule fois où un contact entre ces deux hommes a eu lieu. En effet, le professeur Corroy s’est rendu compte que le cabinet Coyne et Bellier acceptait les suggestions mais n’en tenait qu’un compte relatif.

En définitive, c’est Coyne qui a choisi l’emplacement du barrage; il le choisi à 200 mètre de celui préconisé par le professeur Corroy et il le choisit à la fin de novembre 1950. Consulté sur ce déplacement du barrage à la fin de novembre 1950, le professeur Corroy a donné un avis favorable à ce déplacement vers l’aval.

Voici donc le Cabinet d’études A.COYNE & J.BELLIER chargé du projet du barrage de Malpasset. Un contrat confiait à Coyne et à son bureau d’études la mission d’aider le département dans la construction d’un barrage en qualité d’Ingénieurs-conseils; ils sont qualifiés d’assistants techniques. Coyne est donc officiellement chargé de cette construction. Il faisait figure de spécialiste en cette matière pour la réalisations de nombreux barrage en France et à l’étranger.

Le 4 juillet 1952, par délibération de la Commission départementale, le préfet est autorisé à charger le service du Génie Rural du contrôle et de la surveillance, pour le compte du département, des travaux de construction du barrage de Malpasset.

Le barrage terminé, l’étude des déformation du barrage a fait l’objet d’un contrat conclu le 15 février 1956 entre le département et une Société de photo/topographie. La mission était l’exécution d’opérations topographiques complexes nécessaires à la détermination de la déformation du barrage.

Ainsi l’organisation d’étude et de contrôle de la construction du barrage était mise en place. Seul problème, la mission de contrôle du géologue n’a pas été définie.

CHOIX DES FORMES DE L’OUVRAGE

Alors que les études d’avant-projet ont été réalisée sur la solution du barrages-poids, le type de barrage voûte en mince paroi a été choisi. C’est Coyne qui, pour des raisons d’économie, a proposé cette solution dans le cadre du concours d’entreprises.

Les formes plus molles de la Rive Gauche ont conduit à prévoir une culée d’environ 10m. de haut qui permet de tracer une voûte de rayon relativement court (100m). On peut ainsi réduire sensiblement le cube de la voûte proprement dite.

Pour éviter de prolonger la culée jusqu’à sa rencontre avec le rocher sain à la cote +102,00 des plus hautes eaux, on a prévu un mur en aile sensiblement perpendiculaire aux lignes de niveau. De cette façon on évite que la culée soit soumise à une sous-pression qui exigerait de la dimensionner en barrage-poids. Sur la Rive Droite, la voûte vient buter à sa partie supérieure contre un piton rocheux massif. En ce qui concerne les formes de la voûte, on a choisi une voûte mince à rayons variables avec la profondeur, non seulement à l’aval mais aussi à l’amont, solution qui permet, au prix d’une légère complication des coffrages, une meilleure utilisation de la matière.

Il faut noter que, malgré de légers surplombs, chaque plot du barrage a sa stabilité propre assurée. On a ainsi tracé un ouvrage présentant un axe de symétrie qui vient s’inscrire rationnellement dans la vallée, tout en restant de construction simple.

Fondé à 6,50 m au-dessous du lit du Reyran, il devait avoir 60 m de hauteur, entre la cote 42,50 m et la cote du couronnement 102, 55 m.

En définitive, les dimensions principales de la voûte sont les suivantes:

L’appui rive gauche est complété par une culée d’environ 10 m de hauteur et par un mur en aile normal aux courbes de niveau.

La crête en dehors de la partie déversante est munie par mesure de sécurité de deux parapets. Elle est élargie, à 2,55 m par des éléments en béton préfabriqué, pour faciliter l’accès aux organes de manœuvre de la prise d’eau et de la vidange et améliorer l’aspect architectural de l’ouvrage. La partie non déversante ainsi que la culée et le mur en aile sont arasée à la cote +102,55 m.

L’ épaisseur au sommet de l’édifice de 1,50 m en faisait à l’époque le barrage le plus mince d’Europe.

LES OUVRAGES REGULATEURS

Ils comprennentl’évacuateur de crues et la vidange

· 1 - L’ EVACUATEUR DE CRUES

Le barrage est muni d’un déversoir formant évacuateur de crues dont le seuil déversant construit à la cote +100,40 m a une longueur de 40m,97. Il est profilé afin d’améliorer l’écoulement et de rejeter la lame déversante le plus loin possible du pied du barrage. Sa forme est très sensiblement celle d’un profil de Greager tracé pour une charge de 1m,60. Ce déversoir est capable d’un débit de 165m3/seconde aux P.H.E. et de 250 m3/seconde sous une charge de 2m,10 (cote de la crête du barrage +102,50 m).

Un tapis de protection en béton armé, de 0,50 m d’épaisseur minima protège les abords immédiats de la voûte contre les affouillements.

· 2 - LA VIDANGE

La Vidange est montée dans le plot IJ à 4 m. du joint I.

Elle est constituée par une conduite métallique de 1m,50 de diamètre, traversant le pied de la voûte à la cote + 45,50 m. L’entrée de la conduite est protégée par une grosse grille en béton armé dont les barreaux de 0,13 m sont espacés de 0,25 m. La conduite est fermée à l’aval par une vanne du type «Papillon», de même diamètre, permettant le réglage du débit. Cette vanne-wagon peut-être relevée à l’aide de brimballes grâce à un treuil à crémaillères situé à la cote +102,50 m. Un plancher de visite à la cote + 99,50 m permet les réparations éventuelles de la vanne.

La vanne roule sur un chemin de roulement réalisé à l’aide d’éléments préfabriqués en béton armé, sans aucun guidage métallique en dehors de la zone normale de fonctionnement de la vanne. Le fruit de ce chemin de roulement est de 0,15 m/m. Il n’a pas été prévu de reniflard afin de simplifier le génie civil de la vidange. Le poids et la résistance mécanique de la vanne ont été prévus de telle sorte que les risques de cavitation et de dépression à l’aval de la vanne ne soient pas préjudiciables à la tenue de cet organe de sécurité.

Cette vanne s’ouvre automatiquement dès que le niveau de la retenue dépasse la cote + 99,50m afin d’écrêter les crues éventuelles dès qu’elles se présentent, sans pour cela dépasser le débit maximum autorisé à l’aval ( 50 m3/sec.) La chambre de manœuvre de la vidange se trouve au pied aval de l’ouvrage en dehors de la zone d’impact de la lame déversante. Une courte galerie couverte permet d’accéder à cette chambre à l’abri des embruns du déversement.

A l’amont une vanne de garde de 1,30 x 1,90m peut obturer la conduite pour les visites et l’entretien.

Sous la retenue normale du plan d’eau à l’altitude + 98,50 m, la vidange est capable d’un débit de 35m3 par seconde. Le débit écoulé sous la retenue maximum reste inférieur à 40m3 par seconde

LA PRISE D’ EAU

La prise d’eau est implantée à 4 m. du joint M. Elle est constituée par une conduite métallique de 0m,90 de diamètre traversant radicalement le plot NM à la cote + 79,50 m. L’entrée de la conduite est protégée par une grille fine métallique de 1,30 x 1,70 m dont les barreaux sont espacés de 0,025 m. Cette grille est relevable jusqu’à la crête du barrage pour les besoins du nettoyage et de l’entretien , le long d’un chemin de roulement incliné avec un fruit de 0,05. La conduite peut être fermée à l’amont par une vanne de garde de 0,75x1,20 m, qui peut également être relevée jusqu’à la crête du barrage.

Cette conduite est fermée à l’aval par deux vannes montées en parallèle qui permettent un réglage convenable du débit sous toutes les charges. Une ventouse de 0,50 m. de diamètre, piquée sur la conduite immédiatement à l’aval de la vanne, évite les dépressions dans la conduite aval. Cette conduite dès sa sortie de la cabine de manœuvre est enterrée pour assurer au mieux sa protection. Son diamètre passe de 0,80 m. à 1,25 m par l’intermédiaire d’un raccordement tronconique afin de réduire au maximum les pertes de charge.

Ce débit sera de 1600 litres par secondes aux plus basses eaux. Ces vannes sont suivies de deux conduites parallèles débouchant dans deux compartiments étanches situés à l’amont du canal de dérivation des eaux. Les deux compartiments sont séparés du canal par deux vannes Stoney ce qui permet de continuer l’alimentation avec une seule vanne de réglage, l’autre pouvant être démontée. La tête amont du canal de dérivation des eaux comporte de plus un déversoir de superficie permettant l’évacuation totale du débit excédentaire fourni par l’ouverture en grand, sous les plus hautes eaux, des deux vannes de prise.

La vanne de vidange et les vannes de réglage de la prise d’eau sont mues par des servo-moteurs et possèderont en secours, des organes de commandes à main. De plus, l’ouverture de la vanne de vidange s’effectuera automatiquement dès que les eaux de la retenue atteindront le niveau des plus hautes eaux.

LE MODE DE CONSTRUCTION DU BARRAGE

Le barrage formera une voûte à rayon variable, divisée en 17 claveaux indépendants, A B C D E F G H I J K L M N O P Q, allant de la rive droite à la rive gauche,. Les claveaux auront une longueur de13,50 m séparés par des joints de contraction, à l’exception du premier et du dernier qui auront respectivement 13,88 m. et 11,38 m. de long.

La masse de l’ouvrage sera faite en béton de gros agrégats dosé en principe à 300 kg de ciment par m3 de béton en œuvre, ce dosage pouvant d’ailleurs être réduit ou augmenté selon les résultats des essais de résistance des éprouvettes de béton.

La culée Rive Gauche sera construite en 2 claveaux de 14 m. de longueur, dosés en principe à 250 kg / m3.

Les joints de contraction de la voûte, munis d’un système d’injection approprié, seront clavés en fin de chantier, avant la mise en eau, et lorsque le barrage aura atteint sa température d’équilibre. Les joints seront fermés à l’amont par des lames de cuivre assurant l’étanchéité.

Des forages au super marteau seront exécutés dans le rocher en vue d’injecter la liaison béton - rocher et le sol sous-jacent. Ces forages seront disposés suivant le tracé de parement amont de façon à constituer un rideau d’étanchéité dans la fondation.

Ces injections seront complétées, si nécessaire, par l’exécution d’un voile au large réalisé par des forages profonds exécutés à la sondeuses rotative et injectés à haute pression.

Le joint H est élargi à sa base en un pertuis de dérivation provisoire permettant le passage des eaux du Reyran pendant la construction.

Ce pertuis peut écouler un débit supérieur à 75 m3/seconde sans être en charge.

Le joint élargi sera bouché, à l’abri d’un batardeau installé dans les rainures prévues à cet effet, 3 semaines au moins avant la mise en eau, la vidange étant utilisée pour évacuer le débit de la rivière pendant cette opération. Un système d’injection approprié assurera l’étanchéité du bouchon.

A l’aval du barrage sera construit un radier destiné à garantir le sol contre la formation d’un entonnoir susceptible de nuire à la stabilité du barrage. Ce radier qui aura une longueur de 25 m. comportera à son extrémité une retenue de 0,50 m de hauteur destinée à maintenir sur le radier une couche d’eau d’égale épaisseur.

Le problème des mines à l’amont du barrage.

En Amont du barrage, le plan d’eau à la cote maximum +102,00 m, atteindra le P.K.21 k,900 du C.D. n° 37. Le chemin sera donc immergé sur 5,275 km environ. Une déviation du chemin a été réalisée, tout au moins provisoirement, en prenant au Col des Vaux, le C.V.O. 4 des ADRETS, le C.D 237 et la R.N. 7. Les mines de spath - fluor de Garrot seront noyées puisque la cote maximum +102,00 m se trouve à l’ouverture d’un puits. La salle des machines, la laverie et la passerelle sur le Reyran de ces mines, ainsi que diverses maisons d’habitation pour les ouvriers, seront également noyées.

La mine de la Madeleine non exploitée se trouvera aussi dans la zone inondée. Le chemin qui relie la mine de Garrot et le C.D. 37 sera également sous l’eau et l’exploitation des mines ne pourra plus se faire que si une déviation de ce chemin est effectuée au dessus de la cote +102,00.

Les ouvrages d’art qui se trouvent à l’aval du barrage sont:

1° / Sur le C.D. 37, le Pont sur le Reyran à 2 travées;

2° / le passage à gué maçonné desservant la propriété SENEQUIER;

3° / 2 ponts établis sur le Reyran: l’un propriété de MM. MAGAL François et SARTORELLI,

l’autre propriété de MAGALI Marius;

4° / la prise d’eau des Camps Militaires Bouteillière;

5° / le passage à gué de St-Joseph;

6° / le Passage à gué du Chemin Vicinal dit de BAGNOLS;

7° / le siphon du Canal du Béal;

8° / le pont sur la R.N. 7 d’une seule arche;

9° / le pont sur le chemin de fer S.N.C.F. de MARSEILLE à NICE

10° / les digues de protection des rives du Reyran administrées par le Syndicat des Digues du Reyran;

Tous ces ouvrages ne paraissent pas avoir à redouter les conséquences de ce barrage puisque les crues du Reyran seront supprimées ou amorties.

Le lâchage des eaux à l’aval du Barrage ne sera pas non plus à redouter, d’abord parce que le débit maximum n’excèdera pas 50 m3/seconde et en période d’étiage ne pourra s’effectuer, sauf cas de force majeure, 24 heures après avis donné par voie d’affiches à la Mairie de FREJUS et publication dans la presse.

OBSERVATIONS DES DIFFERENTS INTERVENANTS LE 1er AVRIL 1953

MM. les Maires de CAILLAN et des ADRETS ont déclaré ne pas avoir d’observations à formuler.

M. le Maire de BAGNOLS a fait observer que les mines de Garrot et de la Madeleine appartenant à la Commune de BAGNOLS ayant leur voie d’accès sous l’eau devraient, pour pouvoir continuer leur exploitation, disposer d’un chemin de desserte établi au dessus de la cote +102,00 et les reliant, ou au C.D. 37 dévié, ou au C.D.4. Il a demandé en conséquence la création d’un chemin qui relierait

a) les mines de Garrot et le C.D. 37 dévié en amont de la zone d’immersion

b) les mines de la Madeleine et le C.D. 4 au quartier de la Gardiette.

M. ETIENNE, Inspecteur des Eaux et Forêts, représentant le Conservateur des Eaux et Forêts, a estimé que ces 2 chemins, s’ils étaient reliés entre les mines de Garrot et les mines de la Madeleine par un chemin au-dessus de la cote +102,00 seraient suffisants pour la vidange des forêts domaniales situées sur la rive droite du Reyran

La Société qui exploite le Mines de Garrot a remis les observations motivées par l’exécution du barrage. De même que la Société des Mines de l’Estérel ( Mines de Bozon à l’aval du barrage ).

Le Directeur du Syndicat des Digues du Reyran et le Président de la C.G.A. ont admis que pour le maintien à l’aval du barrage du niveau de la nappe phréatique on devrait laisser, entre le 1° Avril et le 1° Octobre, un débit permanent de 15 litres par seconde, non compris les eaux de fonctionnement de l’usine de relèvement de filtration et de stérilisation. Ce débit a été accepté par M. l’Ingénieur en Chef du Génie Rural.

Enfin, les représentants de la Direction des Travaux Maritimes à TOULON ont fait observer que le barrage se trouve dans la zone frontière et doit de ce fait être soumis à une conférence mixte.

Sources:

· Extrait du Procès Verbal de visite des lieux du 1er Avril 1953. Dossier technique des Archives Communales de Fréjus

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LA LISTE DES ENTREPRISES

Liste des Entreprises admises à participer au concours pour la construction du barrage-réservoir du Reyran.

33 – Société Générale d’Entreprises, 56, Rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris ( 8°)

27 – Entreprise OSSUDE § BLANC, 11 bis, rue d’Agnesseau Paris (8°)

22 – Entreprise Léon CHAGNAUD et fils, 180 à 184, Bd de Paris, MARSELLE

23 – Etablissements FOURRE § RHODES, 20, Rue de Chazelles, PARIS (17°)

6 – Société «Les Travaux Souterrains» 36 bis, Avenue de l’Opéra Paris (1er)

26 –Société Marseillaise d’Entreprises et de Constructions, 46, Cours Pierre Puget, MARSEILLE

25 – Société des Grands Travaux de Marseille, Succursale de Marseille, 18 Bd. Notre Dame, MARSEILLLE

24 – Société Auxiliaire d’Entreprise Electriques et de Travaux publics. Direction de la Région, 4 Place Sadi Carnot, MARSEILLE

18 – Société Anonyme des Entreprises A. MONOD, 64, Rue de Miromesnil, PARIS (7°)

17 – Entreprises Léon BALLOT, 155 Haussman, PARIS 8° ( titulaire du marché )

16 – Entreprises des Grands Travaux Hydrauliques - Centre de Marseille, 107, La

Canebière, MARSEILLE

14 – Société de Constructions des Batignoles, 11, rue d’Argenson, PARIS (8°)

12 – Entreprises de Travaux Publics André BORIE – 42 Rue de Chateauneuf, NICE (A.M.)

10 – Compagnie d’Entreprises électriques, Mécaniques et de Travaux Publics, 37, rue du

Rocher, PARIS (8°)

7 -- Entreprise Générale de Travaux Publics Jean-Charles STRIBICK, 5, rue Charles de

Gaule, SAINT- ETIENNE (Loire)

5 -- L’ Entreprise Industrielle, 29, Rue de Rome, PARIS ( 8°)

4 – L’ Entreprise Française de Constructions et de Travaux Publics, Direction Régionale

du Sud-Est, 114, Rue de Rome, MARSEILLE

3 – Société Anonyme des Entreprises TRUCHETET et TANSINI, 9, rue Denis Poisson,

Paris (17°)

2 – Entreprises Industrielles et de Travaux Publics, 39 rue de Washington, Paris (17°)

1 – Entreprises CAMPENON-BERNARD, 5 rue Beaujon, PARIS (8°)

20 –Entreprise GIANOTTI Frères, 33 Bd de la Liberté, Marseille (B.D.R.) (co- titulaire du marché )

LE CHANTIER DE CONSTRUCTION

Une commission administrative de concours fut désignée, présidée par le Préfet, composée de tous les techniciens, d’une délégation du Conseil Général et des représentants de l’administration financière. Elle se réunit à trois reprises pour choisir l’entreprise qui donnera le maximum de garanties aussi bien sur le plan de la compétence, de l’expérience que de la technicité.

Le groupe d’entreprises Léon Ballot et Gianotti frères est agrée et un marché est passé avec cette entreprise le 25 février 1952. La solution proposée par l’entreprise est celle d’un barrage voûte à mince paroi.

Les travaux commencèrent le 1er avril 1952. En même temps avaient lieu l’ouverture de la carrière, l’installation de deux usines: l’une pour le concassage, l’autre pour la fabrication des agrégats à béton.

Préalablement à la construction du barrage, le professeur Corroy avait prévu des travaux de recherches géologiques en galeries. Seul un sondage carotté a été exécuté à l’emplacement du barrage. Il apparaît dès le début que le rôle du professeur Corroy s’estompe. Coyne juge inutile de procéder au creusement de galeries de prospection. Il fait exécuter seulement deux galeries en 1951 et 1952.

Sur la possibilité d’un crédit de 27 millions prévu par le département pour exécuter ces travaux de recherche, il a été estimé que pour ce genre de barrage, seul 8 millions de francs suffiraient.

Le 17 juin 1952, premier constat géologique: «Lorsque les quartz et feldspaths prédominent, le gneiss est compact et dur. Lorsque les micas blancs ou noirs sont abondants, le gneiss devient schisteux et dès lors altérable».

19 août 1952, deuxième constat géologique: «Le déroctage a mis en évidence un nombre extrêmement élevé de cassures d’amplitudes diverses bien que jamais très importantes. Ces petites failles se présentent souvent comme des zones d’altération dans lesquelles prennent naissance des produits argileux d’épaisseur variable».

Le 9 décembre 1952, le génie rural faisait savoir au professeur Corroy que l’exécution des fouilles donnait lieu à quelques mécomptes, la roche n’étant pas aussi compacte qu’il avait été prévu et lui demandait s’il voulait assister à la visite de Coyne qui devait avoir lieu le 17 décembre 1952. Le professeur Corroy n’a pas assisté à cette réunion et, dès le début de 1953, il a considéré que son rôle était terminé.

C’est dans ce cadre étonnant que vont se poursuivre, pendant deux ans, les travaux de construction du barrage. L’entreprise en quelque sorte, nantie de son expérience, fait ce qu’elle veut et juge inutile la collaboration du géologue. L’importance capitale de la qualité des appuis du barrage avait ainsi été négligée.

186 ouvriers participèrent aux immenses travaux. Aucun incident grave ne ralenti leur marche. Toutefois on fut surpris du nombre relativement élevé des jours de gelées…..

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Au cours de l’été 1953, le barrage commençait à s’élever. Il était achevé 14 mois plus tard en octobre 1954.

Par rapport aux quantités initialement prévues au marché, les dépassements avaient été justifiés par le Génie Rural. Ainsi il avait fallu approfondir les fouilles du socle du barrage de 4 m, y couler des bétons supplémentaires, tendre les arcs de la voûte pour augmenter leur poussée sous l’action de l’eau et y inclure des aciers pour éviter les risques de «flambements des arcs supérieurs. Les fouilles de la rive gauche avaient été approfondies de 8 à 10 m pour y installer une culée tenant sous le seul effet de son poids et épinglée par 2 tonnes d’acier. Toutes ces mesures se sont soldées par 10000 m3 de béton armé supplémentaires.

La réception provisoire des travaux de construction du barrage a eu lieu le 9 février 1955 et le 1er août 1956.

Il n’y aura pas de véritable réception définitive . En effet le remplissage du barrage était très lent et au début de l’année 1957, 3 ans après l’achèvement des travaux , le plan d’eau se trouvait bloqué à + 85 m. Cette situation est de nature à créer quelques hésitations. Pouvait-on prononcer la réception définitive avant le remplissage complet du bassin. Dans sa séance du 13 Février 1957, le Conseil Général eut un long débat à ce sujet; malgré les assurances de Coyne, le principe de la réception définitive ne pouvait pas être arrêté. Il convenait de noter par surcroît, que les retards apportés par cette formalité entraînèrent pour le Département l’obligation de verser à l’entreprise une vingtaine de millions d’intérêts moratoires. Le procès-verbal de réception définitive de l’ensemble des travaux fut enfin signé par le Secrétaire Général de la Préfecture, le Préfet étant absent…. Il prenait en référence la visite du barrage du 1er Février 1957 par la Commission de l’hydraulique du Conseil Général dont l’ordre du jour était: «Visite du Conseil Général avant la réception définitive».

LE MONTANT DES TRAVAUX ET LE FINANCEMENT

Extrait de la Lettre-Préface de Monsieur SOLDANI, Président du Conseil Général, adressée en 1956 à Monsieur le Professeur J.-B. GAIGNEBET:

Monsieur le Professeur,

«J’ai, comme beaucoup, l’horreur des citations de chiffres, mais je ne pourrai pas, tout de même passer sous silence que ce projet qui doit permettre d’alimenter en eau potable tout le littoral varois depuis la limite des Alpes-Maritimes jusqu’au Cap Camarat, devra également permettre ( et la chose est d’importance ) l’irrigation de près de 2000 hectares de terrains dans les basses vallées du Reyran et de l’Argens et une superficie à peu près égale de terres arables dans le Canton de Fayence.

Veut-on une indication sur le montant de la dépense? Elle est de l’ordre de 4.871.000.000 Frs. Elle se décompose comme suit:

Pour la réalisation de la partie agricole de ce projet ( barrage, canal principal, réseau d’irrigation ) le département qui bénéficie d’une subvention du Ministère de l’Agriculture de 60 % de la dépense, doit assurer le financement du complément au moyen de prêts du Crédit Agricole au taux d’intérêt et d’amortissement de 4 %.

Un financement comparable avec l’aide du Ministère de l’Agriculture, de l’Intérieur et de la Reconstruction est prévu pour le réseau d’eau potable.

Les emprunts contactés par le département représentent, en attendant que la vente de l’eau et la rentabilisation des investissements un effort considérable du Conseil Général puisqu’il se traduira par des annuités de 136.200.000 Frs dont:

C’est une lourde charge pour nos finances départementales. Mais quand on songe aux besoins immenses de nos populations varoises, aux nécessités cruciales des périodes de pointes accusées l’été par l’afflux massif des touristes sur notre côte, peut-on valablement opposer les charges fiscales de chacun aux besoins de tous?.......

L’ampleur, la hauteur de la voûte de l’ouvrage de Malpasset placent ce travail au premier rang des barrages similaires tant par la hardiesse de son tracé que par l’économie de son prix de revient, nonobstant cependant toutes les garanties de sécurité que la technique moderne a exigées de lui…

Le barrage de Malpasset est autre chose qu’un monument élevé à la gloire de l’eau vivifiante et génératrice de nos sols provençaux desséchés par le soleil…..

LA MISE EN EAU DU BARRAGE

La mise en eau commença avec les pluies de l’automne 1954. Le confluent de la Buème à l’altitude + 48 m fut rapidement atteint et le bassin lacustre parut se développer vers l’ouest, vers le pic de la Gardiette; puis au nord vers Cabris et la route Napoléon, il atteint et submerge les mines de la Madeleine ( + 60 m ) , le confluent du Cogordier, celui de Font-Freye ( + 70 m). Au bout d’un an le lac atteint le confluent du Maraval à la cote + 80 m.

Vers la mi-novembre 1959, le niveau de l’eau n’est encore qu’à 7 m au-dessous du niveau de la crête alors que les premiers suintements apparaissent sur la rive droite de l’ouvrage. Des pluies torrentielles s’abattent sur le canton. Le premier remplissage, phase critique de la vie d’un barrage, s’effectue sans aucun contrôle possible. En atteignant le niveau normal de + 98,50 m, le lac accumule un volume de 47 millions de m3. Le désastre se produit alors le 2 décembre 1959 alors que l’eau du barrage atteignait pour la première fois le haut de l’édifice à l’altitude + 102,00 m. Le remplissage rapide des quatre derniers mètres en moins de 24 heures venait de provoquer un véritable effet de choc sur la structure du barrage. Le barrage céda à 21 h 11.

Sources:

LES ESSAIS DE DEFORMATION DU BARRAGE

En décembre 1954, alors que les travaux du barrage étaient terminés, le Génie Rural demandait au Préfet de faire étudier les déformations de la voûte pendant la mise en eau. Le 7 Janvier 1955, la Commission Départementale autorisait la signature d’une convention avec la Société de Phototopographie. Cette Convention fut signée le 15 Février 1956, 15 mois plus tard.

Fort heureusement, la Société n’avait pas attendu pour commencer ses études.

En Septembre 1956, le plan d’eau étant à la cote + 79,75 m, en Juillet 1956 à la cote + 83,35, en Juillet 1958 à la cote + 87,30 m et en Juillet 1959 à la cote + 94,10, la Société procéda à des vérifications au demeurant fort complexes.

Le barrage avait «bougé» mais dans des proportions très faibles:

- en altitude, dans le sens vertical, les déplacements variaient de 0 à 1,2 mm,

- sur le plan horizontal, tangentiellement à la voûte, ils atteignaient un maximum de 2 mm, en direction des appuis, donc normalement,

- radialement, c’est-à-dire en suivant horizontalement le rayon de la courbe représentées par la voûte, les valeurs admissibles étaient les suivantes:

§ . 55 à 90 mm à la cote + 100,00 m,

§ . 45 à 80 mm à la cote + 90,35 m,

§ . 65 mm à la cote + 80,00 m,

§ . 25 à 50 mm à la cote 70,00 m,

§ . 10 à 30 mm à la cote 60,00 m,

§ . 5 à 10 mm à la cote 50,00 m.

Les déformations décelées dans cette dernière direction n’ont pas dépassé le 1/10ème de ces valeurs théoriques.

On pouvait déduire que Malpasset résistait correctement à la poussée des eaux.

Cependant au cours de juillet 1959, les relevés topographiques font apparaître un déplacement de 17 millimètres du pied de barrage. Le rapport ne sera transmis à la préfecture que quatre mois plus tard, en considérant que cette déformation n’était pas anormale et ne compromettait pas la solidité de l’ouvrage.

Et pourtant, il s’agissait là d’un comportement anormal du terrain de fondation qui présageait d’une rupture imminente du barrage.

Et l’on arrive ainsi aux derniers jours de l’histoire de Malpasset.

LES LIMITES DU LAC DE MALPASSET

Les limites du lac de Malpasset, conditionnées par l’altitude des plus hautes eaux du barrage à + 102,50 m, ont fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique sur les communes de FREJUS, BAGNOLS EN FORET, CALLIAN, LES ADRETS DE FREJUS et MONTAUROUX.

Le tableau et le plan ci-dessous, résume les dispositions de l’Arrété Préfectoral de cessibilité:

EXPROPRIATION POUR CAUSE D' UTILITE PUBLIQUE

POUR L' ACCUMULATION DES EAUX A L 'AMONT DU BARRAGE

Extrait de l' Arrêté Préfectoral de Cessibilité du 17 Novembre 1956

SURFACES

COMMUNES

LIEU - DIT

PRISES

PROPRIETES

hectares

FREJUS

Ambons

0,2980

PRIVEE

Malpasset

22,5500

COMMUNE

Ambons

4,9530

PRIVEE

Ambons

0,3250

PRIVEE

SOUS -TOTAL

28,1260

BAGNOLS

Brième

1,5500

PRIVEE

EN

Magail

1,4300

PRIVEE

FORET

La Madeleine

1,3270

PRIVEE

Les Escholles

0,7000

Sté MINES

Les Escholles. Bonaude

153,4900

COMMUNE

SOUS -TOTAL

158,4970

CALLIAN

Garrot

0,3845

PRIVEE

Garrot

3,6700

PRIVEE

Garrot

0,0090

PRIVEE

Garrot

0,1052

Sté MINES

Garrot

0,9660

PRIVEE

SOUS -TOTAL

5,1347

LES ADRETS

Les Adréchois. Les Oures

1,6970

COMMUNE

SOUS -TOTAL

1,6970

MONTAUROUX

Les Oures

5,3200

COMMUNE

L'Abey

4,0050

COMMUNE

SOUS -TOTAL

9,3250

TOTAL

202,7797

PLAN PARCELLAIRE DES TERRAINS SUBMERGES

LA CAPACITE DE LA RETENUE

Volume de la retenue

49.300.000 m3

Volume utilisable

24.560.000 m3

Volume d’eau morte

22.000.000 m3

Volume d’écrêtement des crues

4.000.000. m3

LES TRANCHES D ’EAU DU LAC

Des jaugeages effectués au Reyran et de l’examen du régime des pluies des 70 dernières années, le Génie Rural avait conclu que le bassin du Reyran fournissait en année moyenne 22700000 m3 d’eau et tous les 30 ans 15750000 m3 seulement. C’était donc, en principe, suffisant à la couverture des besoins, sauf en année sèche, ce qui avait conduit à compléter la retenue du Malpasset par l’apport éventuel des eaux du Biançon par le canal des Vaux.

La cote la plus favorable à la desserte de la région par gravité étant la cote +25m, et l’idée d’élever le barrage à la cote +100m n’ayant pas rencontré d’opposition sur le plan géologique, on avait conçu d’établir derrière le barrage,:

- une retenue immuable, dite «tranche morte», de 22 millions de m3, du pied de l’ouvrage jusqu’à la cote +85m. C’était la «flaque» qui resterait éternellement dans le fond du barrage. Inutile? pas tout à fait! elle représentait la réserve d’eau en cas d’incendie. Elle avait un rôle esthétique, hygiénique et de protection contre les incendies. Le conservateur des Eaux et Forêts soulignait que la retenue serait établie à l’endroit même où les grands incendies ravagent périodiquement l’Esterel. Les associations syndicales se réjouissaient fort, pour leur part, de ce que cette retenue, protègerait tout le massif de l’Esterel, soit 20 à 25000 Hectares de forêt.

- De la cote +85m à la cote +98,5m, se situait«la tranche utile» de 24,56 millions de m3.

- De la cote +98,5m à la cote +100,4m, une tranche dite «d’amortissement des crues», de 4 millions de m3, permettant d’éviter à la plaine de l’Argens, les inondations qu’elle subissait régulièrement auparavant.

Source: «Le Provençal» de Février 1960 dans un dossier «l’Affaire Malpasset»

LA POLEMIQUE AUTOUR DU BARRAGE

Article paru sur le Méridional «La France» du 5 Février 1957. Alors que le barrage est en cours de construction, la polémique n’épargne pas les élus. Voici la réponse du Maire de Fréjus à un opposant quelque peu anonyme.

Sous le titre: « L'énigme du barrage de Reyran» et sous le pseudonyme Jean de la Vanne, « Nice- Matin» du 5 janvier dernier rappelle aux lecteurs de ce Journal comment est né le barrage de Malpasset, les services que le département attend de la distribution des eaux qui sont emmagasinées; les satisfactions qu'éprouveront les populations desservies, et la revalorisation des terres arrosées, ainsi que la mise en valeur de nouveaux hectares.

Jean de la Vanne est un conteur charmant, qui s'inquiète de l'avenir. Il veut être renseigné sur le résultat des travaux qui doivent profiter à toutes les villes, approvisionnées largement en eau potable, Il sollicite de larges explications.

Comme tout citoyen français, il a certainement le droit de savoir qui a conçu. à ce lieu dit «Le Malpasset», un barrage d'une forme originale et qui en est l'auteur. Il devrait être curieux et demander combien a coûté la construction du mur de retenue, quel est le prix de Ia branche-mère , combien coûtera la branche d'irrigation des basses vallées du Reyran et de l'Argens mis au concours vendredi 1er février dernier, le prix de la station de décantation et de stérilisation, qui sera implantée au quartier du Gargalon, dans la forêt communale, et dont la mise au concours aura lieu le 15 février prochain.

Ensuite, lorsque ces ouvrages auront été réalisés, la distribution s'étalera vers l'Est, jusqu'au Trayas, limite du département du Var, et à l'Ouest, jusqu 'à Ramatuelle, dispensant très largement les communes de Fréjus, Saint-Raphaël, Les Issambres, Sainte-Maxime, Saint-Tropez et toute la côte.

Voilà, Jean de la Vanne, j’allais dire «Jean de la Lune» en partie satisfait, puisqu’il veut nous faire croire qu’il s’inquiète de tourisme, qui va trouver ainsi l’occasion de s’épanouir dans l’abondance du précieux liquide qui sera si largement distribué à tous les hôtels, les villes de la Côte, les colonies de vacances et les campings.

Les ménagères de nos villes seront ainsi facilitées comme le seront très largement: maraîchers, agriculteurs, industriels et lotisseurs.

Je ne veux pas passer sous silence l’effort de ceux qui ont exhumé des vieux cartons poussiéreux ce vieux projet d'alimentation en eau de notre région, ceux de mes collègues, anciens et nouveaux qui ont soutenu le travail des techniciens de l'administration, qui a mené d'accord avec les élus, l'action nécessaire à la réussite de cette entreprise, à mes collègues qui, depuis 1952, acceptent d’inscrire dans les budgets du département des sommes très importantes pour l'exécution des tranches successives.

Jean de la Vanne, je crois bien deviner qui vous êtes; pas un philanthrope, bien sûr, et vous ne devriez pas inspirer de pareils articles, et ils ne devraient pas les rédiger, ceux qui ont la mission de renseigner les lecteurs.

Or,vous mentez, écrivant que la mise en eau, à la cote normale du. barrage de Malpasset n'a pas été ordonnée parce que la pression de l'eau risquerait d'avoir sur l'ouvrage de graves conséquences.

Ce que vous ne pouvez ignorer, Jean de la Lune, c'est que l'auteur du projet est M, Coyne, Inspecteur général et Président généra de la Société d'étude des barrages de France.

M. Coyne a construit à ce jour plus de quatre vingt retenues sur des oueds. sur des rivières, sur des fleuves et des torrents.

M, Coyne vient de se voir confier par le gouvernement d'Afrique australe l'étude d'un barrage sur le Zambèze.

Cet ouvrage retiendra un milliard 600000 m3, soit trente cinq fois plus que celui du Malpasset; qui, à son plan d'eau maxima, emmagasinera à peine 45 millions de m3.

Je trouve malhonnête,et le dis, celui qui pour satisfaire des intérêts personnels, déblatère sur le compte de tiers, ou celui qui déforme la vérité pour affoler l'opinion publique.

Jean de la Lune. vous savez, j'en suis convaincu, pourquoi cet été la vanne de décharge a été ouverte, laissant couler vers la mer de précieux et nombreux mètres cubes d'eau, péniblement stockés.

Alors quel intérêt avez-vous de tromper le lecteur ? Beaucoup ont voulu connaître celui qui se cachait sous le pseudonyme de «Jean de la Vanne ». Ils n'ont pas été longs dans leurs recherches.

HENRI GIRAUD Maire de Fréjus Conseiller général


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Mis à jour le 18/09/2018 pratclif.com