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Reportage sur les inondations du 15-16 juin 2010 à Draguignan, Trans en Provence et le bas Argens par la Nartuby
Pour compléter la connaissance de l'évènement (voir liens vers les billets publiés dans ce blog), j'ai voulu voir sur le terrain et y observer les signes de l'accumulation et du passage des eaux, interroger les habitants et les nombreux intervenants sur les lieux, pompiers, militaires, habitants, industriels et commerçants. Mon périple s'est déroulé depuis la source de la Nartuby en amont de Montferrat sur le plateau de Canjuers, jusqu'à l'embouchure de l'Argens et les étangs de Villepey à Saint-Aygulf. La galerie de photos qui s'ajoute à toutes celle déjà publiées sur le net est impressionnante. Cliquer sur l'image pour parcourir la galerie complète de photos. On verra en parcourant ces photos, en commençant à Montferrat à l'altitude 485m, qu'à mesure que l'on descend vers Draguignan ZA de Saint-Hermantaire à l'altitude 170m (soit une dénivellation de 415m sur une distance de 10km sur la carte; c'est énorme), les dégâts des eaux sont de plus en plus intenses. Au début des éboulements et coulées de boues le long de la route, puis le lit de la rivière encombrée, d'arbres et de rochers arrachés par les eaux (photo) jusqu'à la désolation qui commence à la Clappe, (photo) et s'accentue ensuite tout le long de la rivière jusqu'à la ZA de Saint-Hermantaire (photo) et au delà, jusqu'après Trans (photo).
Les pluies diluviennes concentrées sur la vallée de la Nartuby - bassin versant de 220km2 de la source à l'Argens au Muy - ont commencé mardi 15 juin dans l'après midi vers 15h m'ont dit des les habitants de Montferrat rencontrés au café du centre village; elles se sont poursuivies toute l'AM et durant la nuit jusqu'au petit matin du 16 juin. Il est tombé là plus de 400mm d'eau durant ce court laps de temps d'environ 16 heures. C'est énorme! Les précipitations ont touché la vallée et plus la rive droite du torrent que la rive gauche. En aval de Montferrat le ru du vallon de Bivosque a emporté le chemin et les enrochements (photo) qui menaient à la station d'épuration, laquelle a été entièrement submergée de boues. Il y en a pour 6 millions d'€ de dégâts selon un agent de la STEP rencontré sur place!
Les commerçants de la ZA n'acceptent pas l'idée que ces zones sont inondables! Une rumeur m'a été rapportée en visitant la ZA de Saint-Hermantaire de Draguignan; qu'une retenue d'eau se serait formée dans les gorges de Chateaudouble à cause de rochers et de troncs d'arbres, et que cette accumulation d'eau se serait déversée subitement formant une vague de 6m (on m'a même dit 12m) au débouché sur les bâtiments commerciaux situés sous le mur de Carrefour Salamandrier. Je ne sais; les hydrologues et l'enquête le diront. Mais tenant compte de mes observations rien ne me semble justifier une telle rumeur. Dès qu'une crue survient tout obstacle est emporté, contourné ou surmonté par les eaux.
Trois exemples. Premier exemple: à Ampus au pont qui enjambe la Nartuby d'Ampus (photo). Deuxième exemple: entre le Lentier et la Clappe sur la D49, un petit ru qui n'est même pas marqué sur la carte a emporté une partie de la route en faisant un gros trou (photo). Troisième exemple: au Pont d'Aups à l'entrée de Draguignan quartier la Garrigue; le pont constituait un obstacle; le niveau des eaux a été de l'ordre de 3.5m au dessus de la normale, les eaux ont passé au dessus des culées du pont et fait des dégâts considérables affectant le réseau d'eau potable(photo).
Barrer un torrent de montagne à débit important est impossible; sans parler de la situation s'il est en crue? RIEN, absolument rien, ne résiste à l'eau. Pour construire un barrage, il faut dévier la rivière, et apporter une quantité énorme de matériaux, ou construire un ouvrage de génie civil. Non, il ne faut pas chercher une rupture de barrage type petit Malpasset pour expliquer l'évènement. L'énorme venue d'eau de la Nartuby à la sortie des gorges de Chateaudouble à Rebouillon, à l'entrée de Draguignan au pont d'Aups (quartier la Garrigue), à la ZA de Saint-Hermantaire, à Trans en Provence, s'explique par le concept de l'hydrographe: Un épisode orageux très concentré, très intense sur une courte durée - il est tombé entre 400 et 600mm d'eau entre le 15 juin début d'AM et le 16 juin matin - sur un bassin versant très penté, très étroit, une montée très rapide du niveau des eaux dans la rivière principale et ses affluents dont la section est devenue rapidement insuffisante pour contenir le débit dans le lit vif de la rivière. En débordant de son lit les eaux en furie ont emporté tout obstacle ou les ont contournés ou passé au dessus: maisons, voitures, caravanes, bâtiments etc.
C'est bien ce qui s'est passé. L'urbanisation ici, vu la nature de la Nartuby, un torrent de montagne, n'est pas la cause de la catastrophe. L'urbanisation - en zone inondable naturelle - c'est ce qui fait que cet épisode et le comportement de la rivière ont eu des conséquences dramatiques en pertes de vies humaines, de dégâts aux infrastructures, aux résidences, aux bâtiments commerciaux et industriels et à tous les biens qu'ils contenaient. Depuis l'entrée de Draguignan jusqu'à la sortie de Trans en Provence les abords de la Nartuby sont jonchés de déchets de tous ordres et d'amoncèlements de tous les biens perdus qui iront grossir les méga décharges de Balançan et de Bagnols (photo).
Pour éviter de tels désastres provoqués par un torrent dangereux, il ne faut pas construire en ses zones inondables; et si on le fait il faut endiguer la rivière, c'est à dire augmenter la section du lit vif par des digues hautes et les entretenir. C'est le bon sens. Le lit de la Nartuby en amont de Draguignan comme à Saint-Hermantaire et à Trans est forcément insuffisant pour des pluies exceptionnelles. Il ne faut pas se leurrer, de tels évènements pluvieux se reproduiront un jour.
Quant au bas Argens; le fleuve est sorti de son lit dans la nuit du 15 au 16 juin; les eaux ont monté de 2.5m à 03h00 m'a dit un habitant de la plaine dont le cabanon a été inondé jusqu'à la toiture (photo); les serres ont été emportées (photo); toute la plaine était devenue un lac. Ces habitants sont sortis de leur cabanon l'eau à la ceinture et se sont réfugiés sur un arbre (photo). Les eaux descendaient vers la mer mais bloquées par la route, les étangs de Villepey se sont remplis; les eaux passaient au pont de St Aygulf. Avant que les eaux reprennent leur lit, elles avaient emporté sur leur passage tout ce qui faisait obstacle: serres, caravanes, voitures(photo). L'écoulement naturel, la percolation dans les sols et l'alimentation de la nappe phréatique ont pris le temps et la plaine du bas Argens est redevenue sèche; on a peine à comprendre 8 jours plus tard que tout était recouvert d'eau (photo).
Je n'ai pas d'éléments autres que ceux de la presse locale sur ce qui s'est passé aux Arcs (le Réal autre affluent de l'Argens) et à Figanières (ru de St Pons bassin de l'Endre autre affluent de l'Argens), hors du bassin de la Nartuby, mais dont les hydrographes des précipitations ont augmenté le débit et la crue de l'Argens jusqu'à la plaine de Fréjus. Voir le hors série numéro spécial de Nice Matin "Spécial inondations" en 40 pages dont les bénéfices iront à la XRouge pour les sinistrés. Que toutes ces informations incitent nos communes et concitoyens à se mobiliser et à venir en aide aux sinistrés.
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