L'usine de traitement valorisation d'ordures ménagères de Fos sur Mer (critique)

La critique de ce projet est donnée par Jean-Raymond Vinciguerra président départemental de FARE-Sud, (Fédération d'Actions Régionales pour l'Environnement, des associations qui se battent contre l'usine d'incinération d'ordures ménagères de Fos sur Mer depuis 8 ans). Je cite sa critique:

"Déjà 8 ans de lutte judiciaire contre un équipement qui est une négation de ce que l'on doit faire. Le climat est loin d'être apaisé et un récent arrêt du Conseil d'Etat a relancé le débat judiciaire (lien)., qui est loin d'être clos. Cet équipement représente pour la collectivité, un coût très important, aux dépens des bailleurs de fonds publics que nous sommes tous. On peut toujours être ébloui par une technologie élaborée, particulièrement lorsqu'elle est présentée sous ses dehors les plus avantageux par ses exploitants, sans la présence de quelque contradicteur que ce soit.
Il reste que l'obligation de recyclage est bafouée par une technique de destruction massive qui demande d'être alimentée en permanence, en respectant un tonnage qui n'autorise aucune progression ni dans le recyclage (il faut brûler le tonnage) ni dans la réduction de la collecte (il faut brûler le tonnage).
Cette démarche mène à détruire ce qui pourrait devenir une richesse par le ré-emploi de matériaux en fin de cycle de consommation ; elle vise en outre à pérenniser une rente pour ses exploitants en ne permettant pas l'avènement de procédés de traitement alternatifs, enfin (pour faire court) elle produit des mâchefers, produit instable, dont l'évolution physico chimique sur le moyen et long terme interdit toute autre utilisation que le stockage en décharge.
Je ne comprends pas que l'on dispose d'un sens critique aussi réduit et que l'on diffuse le message que vous diffusez par ce mail sans rechercher à tempérer, sans donner la parole à un quelconque contradicteur afin au moins d'équilibrer le débat au delà de la communication d'un prestataire qui vise en tout premier lieu son propre intérêt et qui avance en se parant des vertus de la préoccupation publique.
Il existe en France d'autres démarches, incomparablement plus écologistes et citoyennes dont vous devriez être plus curieux, ne serait-ce que pour exercer un esprit critique qui devrait faire la part entre la poudre aux yeux technologique et des démarches de gestion qui visent à épargner les fonds publics tout en sauvegardant les ressources de notre planète."

On constatera que la relance judiciaire mentionnée par Jean Raymond Vinciguerra s'inscrit dans une longue procédure impliquant FARE depuis 2003 (lien).; le conseil d'État remet en cause la délégation de service publique accordée à EveRé par la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole (MPM) le 20 décembre 2003, pour la conduite de l'usine.... Il est peu probable que la suite de l'affaire se traduise par l'arrêt de l'usine ou sa démolition (cf. l'article de Hervé Vaudoit dans "la Provence" du 3 décembre 2010).

Cela étant, du point de vue technique, cette usine est en effet conçue pour alimenter en matières premières deux incinérateurs de dernière génération, et deux méthaniseurs. Le projet de l'usine par EveRé est décrit comme devant recevoir 410kt/an d'OMr dont 110kt fermentiscibles sont méthanisées en deux lignes de 55kt/an; et 300kt/an sont incinérées en deux lignes de 150kt/an. Ces incinérateurs doivent fonctionner à feux continus soit 8760h/an ce qui correspond à des besoins matières de 15t/heure chacun soit 30t/h pour les deux fours.

Le bâtiment du tri a pour fonction essentielle de séparer le flux entrant en OMr déchargés des trains, en un flux de matières fermentiscibles pour la méthanisation et un flux qui doit subir des opérations de tri supplémentaires pour en extraire toutes les matières non combustibles et/ou recyclables par des filières appropriées. Vu les tonnages décrits au projet initial et les besoins en matières des fours (15t/h) ce tri supplémentaire consiste à enlever les ferrailles et autres matières incombustibles. Il y a donc peu de tri pour des matières recyclables. J'ai observé lors de ma visite que la partie la plus sophistiquée du bâtiment destinée à ces opérations de tri était à l'arrêt, alors que les convoyeurs alimentant les fours en matières fonctionnaient. J'ai vu au pied d'un détecteur optique, une pallette chargé de bouteilles en plastique destinées à une filière de recyclage.

Lors de ma prise de rendez-vous, j'avais indiqué au responsable des visites, que je voulais voir les opérations de tri à l'intérieur du bâtiment de tri. Cela ne m'a pas été accordé; au lieu de cela, le responsable m'a fait faire le tour de l'usine par la galerie des visiteurs. Je n'ai donc pas pu voir les flux et la nature des matières qui circulaient dans le bâtiment de tri - sauf à travers une vitre pour visiteurs.

Pour comprendre le problème, il faudrait connaître les bases de la conception du projet c'est à dire l'analyse des flux de matières, leur décomposition par procédés de traitement envisagés et les capacités des différents appareils. C'est un travail d'ingéniérie de base que MPM a dans ses cartons puisqu'ils sont le maître d'ouvrage.

Si, après la séparation des matières fermentiscibles destinées à la méthanisation, des opérations de tri supplémentaires permettent de séparer non seulement des ferrailles mais d'autres matières recyclables à envoyer vers des filières spécialisées, la quantité de matières à incinérer serait plus faible; donc la capacité des fours devrait être plus faible, voire un seul four devrait fonctionner. Je ne sais si on peut atteindre ce que Dietman préconise à savoir pas de four d'incinération du tout grâce à la maximisation du tri. Mais les opérations de tri et de recyclage doivent d'envisager tout au long de la chaîne partant des ménages - composteurs dans certaines résidences, tri sélectif par poubelles dédiées au pied des maisons, tri sélectif aux points d'apports volontaires avec multiples bacs ....

Dany Dietmann - Incinération, les solutions alternatives from écologie on Vimeo.

En conclusion, la conception de cette usine "intégrée" pêche justement parce qu'elle est "intégrée", sur la base d'un flow-sheet figé par ces quantités 410kt/an d'OMr au total, 300kt/an incinérées et 110kt/an méthanisées. Et les 300kt/an à incinérer correspondent à une quantité de matières imposée, sauf à ne faire fonctionner qu'un des fours. Dans la configuration réalisée, cela impliquerait 150kt/an de matières recyclées. Est-ce possible?

Mis en ligne le 08/12/2010