LA FIN DES PAYSAGES Livre Blanc: pour une gestion ménagère de nos espaces ruraux

Document rédigé par Antoine de BOISMENU, Directeur de la Fédération Nationale des SAFER
avec le concours des équipes de Terres d'Europe-SCAFR, de la FNSAFER et des SAFER
(mis au format html par P Ratcliffe)

le document original au format pdf est ici https://tinyurl.com/y7dbkycp

Table des matières

Introduction

  1. Qu'est-ce qu'un paysage rural?
  2. Brève histoire des paysages français
  3. Pays, Paysans, Paysages
  4. La campagne française plébiscitée
  5. Vivre à la campagne
  6. Croissance et étalement urbain : le néo rural rattrapé par la ville
  7. Une périurbanisation des campagnes subie
  8. La consommation foncière périurbaine
  9. Zones d?activité et grandes surfaces : de bien grandes surfaces
  10. L'envol du pavillon
  11. "Et si le luxe c'était l'espace ?"
  12. Les résidences secondaires
  13. Quelques éléments sur l'évolution du prix du foncier rural en France
  14. L'agriculture déstabilisée
  15. Un étalement périurbain subi et coûteux
  16. Les départements d'outre-mer confrontés à une périurbanisation accélérée : les exemples réunionnais et martiniquais
  17. Conséquence : le scénario du conflit généralisé ?
  18. Un équilibre ville campagne à réinventer
  19. Quelques propositions pour ouvrir le débat
    1. Protéger les paysages dans la législation
    2. Maîtriser l'urbanisation
    3. Organiser une cohérence globale
    4. Réactiver le fonds de gestion de l'espace rural
    5. Renforcer et rénover la réglementation
    6. Privilégier la régulation et l'arbitrage
    7. Affirmer la place des Collectivités
    8. Approfondir le rôle des SAFER
    9. Définir un projet pour chaque territoire
    10. Définir un projet pour tout le territoire
  20. Conclusion
  21. Bibliographie

INTRODUCTION

Il y a quelques années, Eugen Weber, dans une thèse passionnante, constatait "la fin des terroirs". Il situait cet événement entre les années 1870 et 1914. A ses yeux, cette disparition des cultures, usages, traditions, spécificités de ces petits territoires dont la mosaïque compose la France, avait trois causes principales. Les routes et le chemin de fer qui, multipliés au XIXème siècle, ont irrigué les campagnes en donnant à ses habitants le moyen de les quitter... L'instruction obligatoire ensuite : ce succès de la troisième République a généralisé l'usage du français des villes dans la campagne contribuant à uniformiser les cultures. La conscription enfin, depuis Napoléon et jusqu'à l'apocalypse de la Grande Guerre, a utilisé les campagnes comme réservoir et procédé à un brassage donnant lieu à un nivellement des connaissances et des expériences.

Globalement, on doit pouvoir constater à l'issue de cette période une plus grande homogénéisation de chacune des deux entités, ville et campagne, ce qui entraîne un renforcement de la dichotomie entre les deux.

A peu près au même moment, Henri Mendras pronostiquait "la fin des paysans". Cet ancien état, plus subi que choisi, fait de contemplation, d'observation et de soumission aux dures lois de la nature et aux usages, était en train de céder le pas à une activité économique de plus en plus banalisée car affranchie par la technique des déterminismes naturels et culturels. Ainsi, la frontière séparant les mondes urbains et ruraux tend à s?estomper et nombreux sont les agriculteurs qui habitent maintenant en ville tout en travaillant à la campagne.

Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur la fin des paysages de nos campagnes traditionnelles. En effet, dans de nombreuses zones de notre pays, principalement dans les espaces périurbains, la ville a définitivement envahi la campagne, détruisant ses espaces, ses terroirs, ses paysages. La nature doit s?effacer devant le béton, la tôle, le goudron et la publicité. C'est une évolution qui se généralise ; tout notre pays en souffre, dans les mêmes formes, selon les mêmes modalités, d'autant plus dangereuses qu'elles sont subreptices et rampantes, non voulues et non maîtrisées.

Voulons-nous demain vivre dans une vaste zone urbaine où l'habitat pavillonnaire alterne avec des étendues de chalandise où la vie "pas chère" aura été acquise au prix de nos champs et de notre nature ?

C'est la question que souhaitent lancer les SAFER afin d'ouvrir un débat : assistons nous à la fin de nos paysages ? L'acceptons-nous ? Est-ce le prix à payer de nos modes de vie moderne et du progrès ?

Poser la question, c?est déjà y répondre. Alors le but de ce débat, c?est avant tout de trouver, tous ensemble, des solutions pour une gestion durable de nos espaces.

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Qu'est-ce qu'un paysage rural ?

C'est aux paysages ruraux que nous voulons nous intéresser, à ces espaces qui constituent nos campagnes et nos terroirs. Ce tropisme est justifié par trois éléments:

Il est difficile de définir ce qu'est un paysage rural car la notion de paysage elle-même est teintée de subjectivité. Chacun apprécie un paysage en fonction de critères qui lui sont propres et de sa sensibilité.

Cependant, géographes, aménageurs, historiens, nombreux sont les spécialistes qui se sont penchés sur le paysage et qui ont défini le paysage pour les besoins de leurs recherches et de leurs analyses.

Ainsi, en France, où les espaces agricoles ou forestiers occupent plus de 80% du territoire, un paysage est toujours le fruit d'une interaction entre un espace naturel et une activité humaine de préférence agricole ou forestière. C'est l'action de l'homme sur un milieu naturel qui produit un paysage, c?est sa volonté de gérer la nature, d'utiliser ses richesses et ses contraintes à son profit qui façonne l'espace et lui donne une physionomie, un aspect caractéristique.

Les exemples sont multiples : il suffit de penser aux cultures de vignes en terrasse dans la vallée du Rhône ou d'oliviers en Corse ; aux hortillonnages des marais d'Amiens ; aux étangs piscicoles des Dombes ; aux estives d'Auvergne et aux alpages des montagnes ; aux bocages des élevages normands ou vendéens ; aux plaines céréalières des régions limoneuses ; aux landes giboyeuses des chasses de Sologne ; aux cultures de cannes s?harmonisant avec la mer des Caraïbes ou l'Océan indien ; aux forêts de haute futaie ; aux landes du Cotentin ; aux marais salants des Côtes atlantiques ou méditerranéennes, etc.

Chacun d'entre nous a le souvenir ou la nostalgie d'un coin de colline, de garrigue, de rivière, de côte maritime, de montagne, de lac... Même le plus urbain des français a un morceau de campagne qui est partie intégrante de son identité.

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Brève histoire des paysages français

Selon Gaston Roupnel, c?est la sédentarisation des populations à la sortie du Paléolithique qui contribue à organiser les campagnes françaises. Ainsi, le début du Néolithique est marqué par l'apparition de pratiques agricoles : cultures et domestications d'animaux, qui supplantent la cueillette et mettront près de trois millénaires à se répandre sur tout l'espace qui constitue aujourd'hui la France. Devenu agriculteur, l'homme préhistorique organise sa subsistance dans un espace où il s?établit, qu'il aménage, qu'il organise et qu'il protège. C'est de cette époque que datent les systèmes des fossés talus bretons.

Ce sont les Celtes qui sont à l'origine de la répartition agraire au sein de nos territoires et les paysages qui en résultent bénéficieront d'une étonnante permanence depuis les tribus gauloises en passant par les cités romaines, les diocèses, les comtés médiévaux, jusqu'aux baillages de l'ancien régime.

Pendant des siècles, nos paysages n?évolueront que faiblement, au rythme des rares mutations de l'agriculture. Ainsi, le développement de la charrue conduira les régions du Nord de la Loire à un accroissement de la superficie des pièces de labour. Dans le même temps, le maintien de l'araire au sud préservera une étroitesse des parcelles renforcée par les partages successoraux. Ce laniérage parcellaire conduit ainsi à des champs qui, vus du ciel, se présentent à la manière de véritables lames de parquet.

La Renaissance est l'occasion d'un retour aux sources virgiliennes et d'une glorification des cultures champêtres. Du coup, le charme des paysages est découvert et l'aspect visuel des campagnes est mis en avant. Les châteaux de l'aristocratie s?installent au milieu des champs, dans des endroits où les perspectives sont majestueuses et dans d'autres où le caractère pittoresque de la nature prédomine. La vallée de la Loire offre éminemment ces avantages. La Renaissance entraîne donc une évolution importante car jusque là le paysage était le fruit de l'organisation de la nature en fonction des besoins humains de base. Ainsi, les prairies et les champs répondaient aux besoins alimentaires des populations. Les forêts permettaient de nourrir les troupeaux, de fournir du combustible et des matériaux de construction pour l'habitat, les ustensiles ou la marine royale... les espaces moins faciles à mettre en valeur étaient mis à profit pour leur aspect défensif. Désormais, les hommes se sentent capables de réinventer la nature, d'inventer de nouvelles natures et de nouvelles beautés car leur aspect réjouissant pour l'oeil et apaisant pour l'esprit prend une importance qui ne cessera de se développer.

L'Etat monarchique du XVIIIème siècle, à l'apogée de sa puissance, se lance dans une politique de grands ouvrages et d'aménagement du territoire sur une vaste échelle. C'est de cette époque que datent les programmes de plantations d'arbres pour ombrager le réseau routier qui se développe. Le canal du midi de Riquier est un autre

exemple des grands travaux qui favoriseront les échanges commerciaux et le

développement économique du pays. La fin de l'ancien régime voit se raréfier les formes collectives de mise en valeur des terres et par la même occasion les espaces d'open field. Globalement, l'individualisation du droit de propriété généralisé par la Révolution aboutit à la multiplication des haies. Il est nécessaire, en effet, de clore sa propriété, d'en indiquer les limites, de la protéger contre les intrusions des voisins et la divagation du bétail. Les haies sont donc souvent une conséquence récente de l'appropriation individuelle des domaines féodaux. La propriété collective devient l'exception et subsiste principalement dans les zones de montagnes.

A l'industrialisation de la France, correspond la croissance des villes. Petit à petit, notre pays s?urbanise et les campagnes se vident. Le mouvement s?accélère après la première guerre mondiale et la proportion de répartition de la population s?inverse. Désormais, 75% des français sont des urbains et 25% restent ruraux. Mais la ville moderne est bien différente de celle du Moyen Age. Cette dernière avait un caractère vertical particulièrement symbolisé par l'envolée aérienne de la cathédrale autour de laquelle s?agglutinent les habitations. La ville moderne est horizontale : sa construction est plane et linéaire, s?organisant le long des axes de communication. Puis, elle va en s?étalant de plus en plus largement.

Dans le même temps, la forêt croit et la déprise agricole gagne les zones les plus difficiles à exploiter, les plus pauvres, qui connaissent la désertification. Ce mouvement est cruellement résumé dans le titre de l'ouvrage de Jean-François Gravier "Paris et le désert français". Cette mise en garde précoce (1947) semble ne pas avoir profité aux aménageurs car la réalité est désormais pire que les noires prémonitions de J.F. Gravier : il n?y a plus de désert en France, la ville les envahit petit à petit et gangrène progressivement tout le territoire.

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"Pays, Paysans, Paysages"

Il n?existe donc pas, en France, de vaste paysage naturel d'origine comme on peut encore en trouver dans les grands parcs nationaux des Etats Unis. Chez nous, nos paysages ruraux, nos campagnes, sont le fruit d'un travail d'organisation de la nature par l'homme. Cet homme est le plus souvent un agriculteur et l'activité agricole, ses besoins et ses spécificités, marque nos terroirs et donne son particularisme à chacune de nos petites régions agricoles.

Nous avons, en France, plus de 360 sortes de fromages tous très différents et chacun présente des caractéristiques adaptées à la zone de production laitière dont il est issu.

Nous avons environ 467 appellations viticoles contrôlées (sans compter les vins de pays ou les vins de qualité supérieure), chacune est le fruit d'une interaction entre un cépage de vigne, les spécificités pédologiques d'un terroir, un climat et un savoir-faire. Un minimum d'apprentissage et d'habitude permet au palais le moins doué de saisir les différences et aux plus entraînés de reconnaître l'origine exacte, voire l'année de production.

Pour le fromage, comme pour le vin, chaque sorte, chaque appellation, évoque un paysage particulier, depuis la montagne champenoise, en passant par la vallée du Rhône, les galets de Châteauneuf-du-Pape, le micro parcellaire alsacien, jusqu'aux bocages de Normandie, aux monts du Cantal, aux plateaux du Jura.

Au total, la France compte plus de 700 petites régions agricoles où les types de culture, les modes de mise en valeur, le choix de la race des animaux élevés sont directement liés aux particularités pédologiques et climatiques. Cela conduit à cette diversité paysagère qui permet à un randonneur d'admirer de nombreux changements au fur et à mesure de sa marche alors que dans d'autres pays, c?est la voiture ou le train qui sont en mesure de garantir quelques évolutions des espaces traversés.

Encore à ce jour, l'agriculture occupe une partie essentielle de notre territoire puisque les agriculteurs cultivent, mettent en valeur 29 millions d'hectares sur les 55 millions que compte notre pays. A ces 53% d'occupation agricole, il faut ajouter la quinzaine de millions d'hectares consacrés à la forêt. Ces espaces exploités par l'agriculture et la sylviculture représentent la quasi-totalité de nos espaces de nature. Il ne reste que quelques milliers de kilomètres carrés dédiés à la haute montagne ou aux lacs naturels.

Ce sont les paysages agricoles et sylvicole, majoritaires dans notre pays, qui font nos campagnes et qui sont habituellement contemplés, admirés et considérés comme le véritable paysage par nos concitoyens.

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La campagne française plébiscitée

Nos espaces ruraux ont un pouvoir d'attraction énorme, tant pour nos concitoyens que pour les étrangers. Notre pays est un des plus visités de la planète et les Français aussi mettent à profit leurs week-ends et leurs vacances pour découvrir ou redécouvrir les campagnes, s?y ressourcer et profiter de leur art de vivre.

Ainsi, près de 60 millions de touristes étrangers se pressent dans notre pays chaque année. La France est le pays le plus visité en Europe, devant l'Espagne et l'Italie, et le plus visité au monde. Cette immense popularité est, certes, liée à notre patrimoine bâti et la Tour Eiffel, Notre-Dame, le château de Versailles ou le musée du Louvre battent des records d'affluence. Cependant, le pouvoir d'attraction de la France est avant tout basé sur sa gastronomie, ses traditions rurales et la richesse de ses paysages.

Nombreux sont les Japonais qui se rendent de Paris à Lyon en TGV pour une journée afin d'apprécier les paysages pendant le trajet et les spécialités culinaires sur place. La découverte des peintres de Barbizon ou de la côte normande est une façon d'approcher le paysage rural, ses formes, ses couleurs et ses lumières. Les visites de caveaux sont aussi l'occasion d'apprécier les paysages de vignoble si différents de la Bourgogne, du Bordelais et d'ailleurs.

Nombreux sont les étrangers qui apprécient notre culture dans un ensemble qui comprend la musique, la gastronomie, l'architecture, les traditions et où chacun de ces éléments sert à mettre en valeur une facette du paysage auquel il se rattache. D?ailleurs, les étrangers qui souhaitent s?enraciner en France le font dans la plupart des cas à la campagne, allant jusqu'à coloniser certains hameaux ou certains villages particulièrement typiques.

L'espace rural est aussi largement visité par les Français. En 2001, ceux-ci y ont effectué 53 millions de séjours de courte durée car, en moyenne, le nombre de nuitées par séjour est plus faible qu'à la mer ou à la montagne (4,8 nuitées par séjour en moyenne à la campagne contre 7,6 à la mer et 7 à la montagne).

Bien sûr, les visiteurs de l'espace rural sont majoritairement issus des grandes communes de la région parisienne (62%) ; les séjours sont souvent effectués en Ile de France (36% des séjours) et dans 5 autres régions qui cumulent à elles-seules 40% des nuitées (Rhône-Alpes, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Centre). Il faut dire que l'espace rural présente une très grande diversité d'hébergement, depuis les hôtels jusqu'aux villages de vacances en passant par les gîtes, les chambres d'hôtes, les meublés, les campings... ainsi qu'une multiplicité de sites de restauration : restaurants classiques, fermes auberges, tables d'hôtes, etc.

Les Français mettent à profit les nombreuses possibilités de loisirs qu'offrent les territoires ruraux. Jacques Lacarrière estimait que les paysages français se prêtaient particulièrement à la marche et on compte en France 15 millions de randonneurs pour lui emboîter le pas. Ce chiffre s?élève même à 35 millions si l'on compte les simples promeneurs. En tant que terrain de randonnée, l'espace rural arrive en deuxième position derrière la montagne (respectivement 24% et 48% des pratiquants). Il faut dire que la France compte 800 000 Km de chemins et de sentiers dont 180 000 sont balisés, soit 60000 en GR, chemins de grande randonnée, et le reste en sentiers régionaux ou en petites randonnées inscrits dans les plans départementaux des itinéraires de promenades et de randonnées.

Le cyclotourisme et le VTT représentent eux aussi un nombre important de pratiquants puisque 20 millions de Français de toutes les classes d'âges et de tous les milieux pratiquent ces activités. A ce sujet, il serait injuste de ne pas citer le Tour de France cycliste : cette course au-delà de son intérêt sportif, est un des événements les plus agréables à regarder tant le décor naturel dans lequel elle se déroule est universellement apprécié et salué. Elle motive de nombreux amateurs des sports cyclistes.

Le tourisme équestre représente 500 000 licenciés et les loisirs nautiques et de sports d'eau vive ne sont pas en reste. Enfin, il faut ajouter les pêcheurs et les chasseurs, participants à deux activités en constante progression : on compte 5 à 6 millions de pêcheurs en France et environ 1,5 million de chasseurs.

Face à cet intérêt, qui représente des enjeux économiques importants voire déterminants pour certaines communes, l'offre se structure et s?organise pour faire connaître les potentiels locaux (comités régionaux et départementaux de tourisme, offices de tourisme, syndicats d'initiative, fédération d'accueil touristique, associations sportives, etc.) mais aussi pour protéger et valoriser le patrimoine (associations de protection des sites, des plus beaux villages, des villages fleuris, fédérations de sauvegarde des monuments ou des espaces...).

L'intérêt de nos concitoyens pour le patrimoine rural se constate encore dans le succès des fêtes de village, des manifestations locales, mettant en valeur le folklore et les traditions régionales.

Vivre à la campagne

Dans ce contexte, comment s?étonner que de nombreux Français souhaitent vivre à la campagne ? Les recensements de 1990 et de 1999 montrent que les Français s?installent de plus en plus en milieu rural.

Bertrand Hervieu et Jean Viard ont exposé, dans leur ouvrage "Au bonheur des campagnes" (édition de l'aube 1996), combien les Français sont attachés à leurs territoires ruraux, à la campagne, qu'ils considèrent avant tout comme un paysage, un cadre où il fait bon vivre. La campagne apparaît souvent comme un espace offrant plus de liberté et de charme que la ville. Elle est d'ailleurs considérée largement comme un bien collectif, symbolisant le bonheur et la beauté. Bonheur de vivre dans un cadre offrant de l'espace ; beauté née de l'harmonie des paysages où la nature est prédominante sur le bâti.

Au-delà de ces considérations objectives, la campagne est appréciée pour sa capacité à préserver des valeurs de respect des traditions, de maintien des équilibres et de préservation de la beauté, valeurs considérées par les français comme essentielles pour la société dans laquelle ils souhaitent vivre.

Cette appréciation positive de la campagne se traduit donc par un lent mouvement de repeuplement des territoires ruraux. Ainsi, entre 1975 et 1982, pour la première fois depuis un siècle, la croissance des communes rurales a été plus forte que celle des communes urbaines, à périmètre constant. Cette évolution s?est confirmée entre 1982 et 1990 puis entre 1990 et 1999. On constate cette évolution dans l'allongement du trajet domicile-travail. Par exemple sur Biarritz, le trajet moyen représentait 6 à 7 Km

il y a 10 ans alors qu'il en représente 13 à 14 aujourd'hui. La dispersion de l'habitat francilien est aussi un élément instructif. Ainsi, en 1968, le francilien moyen habitait à 13,8 Km de Notre-Dame. Cette distance est de 17,4 Km en 1999.

En réalité, les Français ne vont pas habiter en masse le rural profond. Ce sont les périphéries des villes qui se peuplent pendant que les centres villes perdent leur population. De 1990 à 1999, la population a, en moyenne, augmenté de 2,5% dans les villes, de 8% dans le périurbain et de 0,6% dans les espaces ruraux.

C'est, en définitive, la croissance des espaces périurbains qui caractérise l'évolution du territoire entre les deux derniers recensements. Ainsi, les communes considérées comme périurbaines sont désormais au nombre de 10 800 (elles étaient moins de 8000 en 1990) et l'espace périurbain s?est accru de 50% en 10 ans. Le pôle urbain de Toulouse, par exemple, contient maintenant la quasi totalité de l'espace périurbain de 1968. Le nouvel espace périurbain est presque totalement situé sur l'espace rural des années 70.

Désormais, 21% de la population totale des aires urbaines réside dans les couronnes périurbaines alors que ce chiffre n?était que de 17% en 1990. Les 30% des communes périurbaines rassemblent plus de 9 millions d'habitants à ce jour contre 7 millions en 1990. Le taux de croissance de la population peut être suivi et évalué selon des critères précis et l'on constate que ce taux est de plus en plus élevé à mesure que l'on s?éloigne du centre des villes. Sur les 361 aires urbaines, la population a cru de 0,12% par an dans les centres villes, de 0,42% dans les banlieues et de 1,03% dans les couronnes périurbaines. Cela ne correspond-il pas au schéma classique de l'étalement urbain ? C'est une question qu'il faudra bien se poser.

En attendant, lorsque l'on interroge les français sur leur souhait d'habiter dans les espaces périurbains, à 32%, ils indiquent vouloir profiter d'un environnement meilleur, d'un jardin, d'espaces verts et de nature. Pour près de 20%, ce choix est assimilé à un désir d'habiter la campagne et 24% aspirent à quitter le contexte urbain et les grands ensembles. Ces quelques éléments d'enquête statistique (Agence Nationale pour l'Information sur le Logement, 1996) mettent en évidence la volonté qui sous-tend ces mouvements de population : quitter la ville et aller vivre dans des espaces plus influencés par la nature, voire vivre à la campagne. Ce mouvement ne semble pas près de cesser, il s?agit d'une évolution profonde de la société. Le BIPE (Société de prospective économique) prévoit d'ailleurs des mouvements de plus grande ampleur puisqu'il estime qu'un million de franciliens pourraient quitter l'Ile-de-France dans les 10 ans pour une autre région française : essentiellement celles de la Méditerranée et de l'arc atlantique.

Cette fuite de la ville n?est-elle pas vouée à l'échec ? Ce desserrement de la population ne contribue-t-il pas à nourrir l'étalement urbain et la croissance des villes ? Cette hypothèse est bien celle de la réalité, malheureusement.

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Croissance et étalement urbain : le néo-rural rattrapé par la ville

En 1999, la France métropolitaine compte près de 6000 communes urbaines qui concentrent 75,5% de la population sur 18,4% du territoire. Le territoire urbain occupe ainsi 10 millions d'hectares, en augmentation d'un million d'hectares par rapport à 1990. La population urbaine a augmenté de 5,5% mais plus de la moitié de cette hausse est due au changement de catégories de communes qui n?étaient pas urbaines en 1990. De 1936 à 1999, la population des villes a doublé, passant de 22 à 44 millions alors que dans le même temps, la population française augmentait de 40%.

Cette évolution traduit une périurbanisation de notre pays. Les actifs travaillent essentiellement dans les pôles urbains mais habitent de plus en plus loin, dans une périphérie qui se densifie.

De 1992 à 2001, alors que la population française s?accroît d'environ 3%, les surfaces consacrées à l'habitat individuel s?agrandissent de 20%, celles des jardins et des pelouses d'agrément liées à l'habitat de 18%. Les routes et les parkings, dont la surface a augmenté de 11% dans le même temps, occupent désormais 3% du territoire.

Ainsi, Paris poursuit sa "métapolisation" et après avoir englobé Mantes la Jolie à l'ouest en 1990, c?est désormais Melun, à l'est, qui fait partie d'une conurbation européenne représentant près de 10 millions d'habitants loin devant Londres (8 millions d'habitants) et Madrid (4,6 millions). Derrière vient Marseille qui a "absorbé" successivement Martigues à l'ouest et une commune varoise à l'est : Saint Zacharie, après avoir englobé Aix-en-Provence. Sur le littoral des Alpes-Maritimes, on ne trouve plus qu'une immense ville constituée des agglomérations de Grasse, de Cannes, d'Antibes et de Nice dont l'ensemble représente 900 000 habitants !

Les départements d'outre-mer ne sont pas en reste puisque Pointe à Pitre et Saint Denis arrivent respectivement au 37 et 40èmes rang des unités urbaines de plus de 100 000 habitants, ce qui représente un accroissement de population entre les deux derniers recensements de 38% pour la première et de 30% pour la seconde.

Cette croissance des villes est liée à un phénomène sociétal assez intéressant par son aspect contradictoire et paradoxal : les français souhaitent vivre de plus en plus nombreux hors de la ville, voire à la campagne, en profitant des agréments et des charmes de l'espace et de la nature. Dans le même temps, ils ne peuvent renoncer aux avantages de la ville, à ses équipements, à ses infrastructures et à ses services.

Les municipalités s?efforcent donc de prodiguer ces éléments, de mettre en place les voiries et les équipements de viabilisation, d'organiser les services et la vie sociale, d'offrir, en un mot, tout ce que la ville offre, même dans les endroits reculés. D?autre part, il faut permettre à ces nouveaux résidents de travailler et de consommer sur place. Il faut donc attirer les entreprises en leur donnant les espaces nécessaires à leur implantation. Les grandes surfaces et les commerces arrivent d'eux-mêmes car les études de marché leur ont démontré l'intérêt de suivre l'implantation de consommateur tout en lui offrant un cadre modernisé. C'est tout le cercle systémique de la périurbanisation qui s?enclenche, cercle vicieux, car non organisé et s?établissant dans des conditions de consommation d'espaces et de destruction de paysages inacceptables. Cercle coûteux car le défaut d'anticipation est payé chèrement par les collectivités, sans parler des coûts à plus long terme de réhabilitation, autant que faire se peut, de ce qui aura été saccagé.

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Une périurbanisation des campagnes subie

Ne pas anticiper, ne pas gérer conduit à subir cette évolution, ainsi que ses conséquences désastreuses. Jacques Lacarrière parle des villes comme d'"une araignée monstrueuse, pompant de ses pattes de routes, de banlieues et d'usines la verte substance des campagnes". Dans ses marches, il "les devine au paysage qui peu à peu s?uniformise, aux forêts qui s?effacent, aux routes qui se multiplient, à ces villas qui les précèdent, insolentes et hideuses, et aux ordures qui les annoncent" (J. Lacarrière, Chemin faisant).

John B. Jackson fait part de son désarroi face à une évolution du paysage induite par l'étalement urbain et sa laideur : "Au gré de mes voyages, je suis souvent abasourdi par la prolifération d'espaces et les usages dévolus à des espaces qui n?avaient aucun équivalent dans le paysage traditionnel : parkings, terrains d'aviation, centres commerciaux, caravanings, ensemble de tours, refuges dans la nature, Disneyland. Je suis abasourdi par la désinvolture avec laquelle nous employons l'espace : rues du centre-ville occupées pour le jogging, immeubles vides dans des villes bondées, usines en rase campagne, [...] messes du matin de Pâques dans un stade de football. Je me suis perdu devant les espaces transitoires qui se présentent à ma vue : drive-in, fast-foods démolis au bout d'un an, champs plantés de blé, puis de soja puis subdivisés ; camping qui se dispersent à la fin des vacances, jardins tropicaux dans des galeries commerciales que l'on remplace à chaque saison ; hôtels abandonnés à cause d'une déviation d'autoroute" (J. Jackson : Discovering the vernacular landscape).

Il est vrai que les entrées de nos villes semblent vouloir illustrer le chaos et le désordre de la périurbanisation. On passe d'un paysage rural identifié à un paysage urbain organisé en traversant une espèce de sas où l'on trouve un lacis de voiries qui s?entrecroisent, une multiplicité de messages publicitaires, des surfaces couvertes de hangars immenses, des parkings multipliés, des friches en attente d'affectation... Comme le souligne l'ADEF (Association des Etudes Foncières - Groupe de Travail DATAR): "la vieille dichotomie entre espace urbain et espace rural est en voie de disparition. A la place de l'ancien périmètre d'agglomération qui, dans les vieux plans d'urbanisme, séparait deux univers, on a un patchwork d'espaces de toutes natures, plus ou moins imbriqués. Ni espaces urbains, ni espaces naturels, la frontière est de plus en plus floue entre les différents usages".

N?ayons pas peur de le souligner, ces nouveaux espaces, no man?s land en quelque sorte car n?appartenant à aucune catégorie préexistante et revendiqués par personne, se multiplient et se répandent dans les campagnes. Ils ne sont pas harmonieux car ils n?offrent en aucun cas quelque chose qui soit organisé, voulu par l'homme et qui puisse être considéré comme un paysage au sens habituel du terme. Du coup, ces nouveaux espaces génèrent un sentiment d'inconfort, de déstabilisation, voire d'insécurité. Alors que le paysage est souvent un facteur d'identité, de racines, d'appartenance à un groupe, personne ne souhaite s?identifier à ces espaces périurbains non maîtrisés.

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La consommation foncière périurbaine

L'étalement périurbain se fait en consommant le foncier environnant qui est appréhendé et urbanisé : la ville dévore l'espace et les terres qui l'entourent, transformant la nature qui est à ses portes pour la faire disparaître au profit de constructions directement urbaines ou utilisées par la ville pour ses besoins ou son développement.

A côté de la consommation foncière de la région Ile de France, une série de chiffres permet de constater le caractère non maîtrisé de la consommation du reste de la France. L'Ile-de-France consomme annuellement 1700 à 1800 hectares de terres. Pour cette mégalopole de près de 10 millions d'habitants, le chiffre est important mais somme toute raisonnable. Il permet de donner une échelle des autres consommations urbaines.

Ainsi, par exemple, l'aire urbaine de Rouen a consommé 3000 ha par an pendant les années 1970 à 1980, puis ce chiffre est tombé à environ 1200 ha de 1980 à 1990. De 2000 à 2020, l'aire urbaine estime ses besoins à environ 2500 ha par an dont seulement 400 correspondront à la réutilisation, à la réorientation, d'espaces précédemment urbanisés. Cela représente donc plus de 40 000 hectares pour les vingt prochaines années...

La ville de Béziers connaît une croissance exponentielle. Chaque année, en effet, le département de l'Hérault accueille environ 10 000 habitants supplémentaires dont la majeure partie souhaite résider à Montpellier ou à Béziers. Cette dernière ville estime donc ses besoins à environ 3500 ha pour les 15 prochaines années...

La région Rhône-Alpes consomme plusieurs milliers d'hectares annuellement dont 7000 ha de terres agricoles, soit, tous les 15 ans, l'équivalent de la superficie agricole du département du Rhône. A ce rythme d'ailleurs, ce département n?aura plus un seul hectare de terres agricoles dans moins de cent ans. Toujours dans cette région, Le département de Haute-Savoie vient de créer un établissement public foncier : en effet, ses besoins en terrain sont effrayants et l'espace disponible se raréfie dangereusement. Il accueille chaque année 7000 habitants supplémentaires ce qui conduit à une consommation annuelle de 500 m2 par nouvel habitant et de 500 ha pour les aménagements et les constructions. En prolongeant la tendance actuelle, la vallée de l'Arve sera totalement urbanisée d'ici 10 ans.

La région Languedoc-Roussillon accueille chaque année 30 000 habitants supplémentaires. Chaque nouvel habitant représentait une consommation de foncier de 420 m2 en 1990, désormais ce chiffre atteint 460 m2 et continue d'augmenter. Entre 1979 et 2000, cette région a perdu près de 100 000 ha de terres agricoles !

Ces quelques exemples ne sont malheureusement pas des exceptions, ils illustrent une dramatique tendance générale. Le rythme de consommations d'espaces s?est accéléré ces dernières années. Si l'on estime que les espaces urbanisés ont doublé en France depuis 1945 (c?est à dire que le niveau d'urbanisation atteint en deux mille ans de civilisation a été réitéré en une cinquantaine d'années) c?est surtout sur les toutes dernières décennies que le rythme s?intensifie.

Cette urbanisation se fait donc à un rythme de plus en plus effréné. Un exemple nous est donné par les Bouches du Rhône, département pour lequel les urbanistes prévoyaient en 1980 une consommation d'espaces dans les vingt ans qui est effectivement celle qui a été atteinte en 2000. Mais cette consommation visait un quadruplement de la population, à 3,5 millions d'habitants. Or la population n?a fait que doubler puisqu'elle atteint actuellement 1,8 million. On peut donc estimer que l'on a consommé deux fois plus de foncier que prévu et beaucoup plus que nécessaire.

C'est d'ailleurs la tendance que donne une comparaison avec nos voisins européens. A croissance égale, nous consommons deux fois plus de foncier que l'Allemagne. Un exemple précis sur Longwy permet de confirmer cette tendance : une zone d'urbanisation future de 880 ha a été constituée afin d'accompagner la croissance de cette ville que l'on peut qualifier d'internationale puisqu'à cheval entre la France, la Belgique et le Luxembourg. Il est intéressant de constater que la France qui représente 43% du territoire concerné est partie prenante pour plus de 55% dans la zone d'urbanisation future. Plus soucieuse de son foncier, la Belgique qui représente 40% du territoire n?est concernée que pour 33% de la zone à urbaniser et la proportion est la même pour le Luxembourg : 12% de l'urbanisation future alors qu'il représente 15% du territoire de Longwy.

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Zones d'activité et grandes surfaces : de bien grandes surfaces.

La volonté de développer leurs communes, de créer de l'activité et donc des ressources fiscales, d'offrir des emplois aux nouveaux résidents et de mettre à profit les nouvelles infrastructures routières ou ferroviaires, donne aux maires de bonnes raisons pour créer de nouvelles zones d'activité ou agrandir celles qui préexistaient. Il y a quelques années, il n?était pas rare de voir chaque commune traversée par une nouvelle autoroute, souhaiter une desserte et mettre une réserve des espaces fonciers pour créer une zone d'activité. Ce travers s?est un peu corrigé avec la montée en puissance de l'intercommunalité.

Cependant, lors d'un débat récent au Sénat sur les problématiques foncières, des élus ont manifesté leurs réticences à mettre en place des procédures de protection des terres agricoles trop contraignantes, estimant nécessaire de pouvoir les remettre en cause rapidement au cas où une entreprise manifesterait un intérêt à créer des emplois sur de tels espaces. Cette attitude, fort compréhensible au demeurant, est aussi celle de l'Agence française pour les investissements internationaux qui soulignait, dans une conférence au printemps 2004, qu'il était plus facile en France d'attirer des entreprises étrangères "car il n?y avait pas besoin de cureter un vieux bâtiment, il suffisait d'en construire un nouveau au milieu des champs et des vaches". C'est effectivement une tendance générale qui souligne l'avantage concurrentiel certain que présente la France et l'on se souvient qu'Eurodisney s'est implanté sur plusieurs centaines d'hectares des terres les plus limoneuses, les plus riches en termes agro-pédologiques, de France voire d'Europe.

Pour les années qui viennent, de multiples communes souhaitant organiser des réserves foncières, ont établi des conventions avec les SAFER. Le total des besoins conventionnés est de l'ordre de 37 000 hectares. Ce chiffre ne tient compte que des besoins communiqués aux SAFER et nombreuses sont les collectivités qui tentent de satisfaire leurs besoins par elles-mêmes. Mais dans ce cas, les exploitations agricoles impactées par les emprises ne seront pas toujours compensées dans les mêmes conditions.

Un exemple parmi tant d'autres : La communauté d'agglomération du Soissonnais, proche de Roissy Charles-De-Gaulle, souhaite se développer : elle vient donc de mettre en chantier trois zones d'activité, soit quelques 230 hectares. Il faut dire que le prix du foncier en France représente une part relativement négligeable des investissements des entreprises, usines ou grandes surfaces comme des plateformes logistiques qui se multiplient et permettent à des hectares de halls couverts de sortir de terre, presque comme par magie. L'impact de ces implantations de logistique est d'autant plus douloureux qu'elles ne représentent que très peu d'emplois au niveau local.

Le développement des aéroports envisage de mobiliser des réserves foncières importantes. Là encore, la France est championne devant ses voisins européens puisque Roissy souhaite utiliser 3200 hectares de foncier, alors qu'il représente le même nombre de passagers (48 millions) que Francfort (49 millions). Or cet aéroport ne devrait utiliser que 1900 ha. Londres Heathrow avec ses 64 millions de passagers devrait consommer moins de foncier (1200 ha) qu'Orly (1540 ha) qui représente 25 millions de passagers par an. La comparaison est sévère.

La civilisation du "tout voiture" est aussi largement responsable de la situation. Elle justifie la construction de nombreux complexes cinématographiques, hôteliers ou marchands en périphérie des villes. Il convient de noter que non seulement les différentes enseignes de grande distribution, de commercialisation de vêtements ou de chaussures, de meubles, de plantes et d'outils de jardinage, de matériel automobile ou de bricolage, construisant leurs cathédrales des temps modernes sur un seul étage, car il est moins onéreux de consommer de l'espace que de construire sur plusieurs étages, mais encore chacun de ces temples de la consommation est entouré de superficies gigantesques de parkings, en nombre largement supérieur aux besoins tant il convient de ne pas indisposer le client par une recherche trop longue d'une place de stationnement.

La rentabilité de ces espaces marchands, notamment des enseignes de distribution, est telle que l'espace foncier est amorti en quelques jours de vente et peut donc être considéré comme jetable, comme de l'espace kleenex. Dès que la rentabilité de la zone baisse, en raison de l'obsolescence de ses équipements ou du manque de nouveauté pour le public, il peut être envisagé une délocalisation, d'ailleurs souhaitée par les commerçants du centre ville dont l'hypertrophie a rapproché les zones commerciales. L'exemple de Caen-Mondeville illustre parfaitement cette situation : la zone commerciale Caen-Mondeville située en bordure du périphérique caennais s?avérant trop petite face aux besoins en explosion est estimée trop proche du centre ville pour envisager un simple agrandissement, une relocalisation a été mise à l'étude. L'ancien site des usines métallurgiques normandes aurait sans doute pu convenir. Mais cette hypothèse a été écartée d'emblée car le coût de reconversion dépasse largement les critères habituels de rentabilité des investissements des grands distributeurs. L'installation en site "vierge" a été préférée et ce sont plusieurs centaines d'hectares du triangle d'or de la plaine de Caen qui ont été convertis, bétonnés, goudronnés, équipés de rond-points, de bretelles d'accès et de sortie pour communiquer avec la ville et l'autoroute tout proche. Quand à l'ancien site de la SMN, c?est le contribuable qui assurera sa transformation, à grands frais, en parc d'agrément, car sa réaffectation à l'agriculture n?est absolument pas envisageable, c?est un site trop durablement pollué. Peut-être permettra-t-il l'installation d'une entreprise, mais sur une petite partie de sa surface.

On ne peut que s?interroger, dès lors, sur le message "citoyen" de l'action en faveur de la baisse des prix et de l'amélioration de la consommation lorsque l'on sait que nous payons ces avantages au prix fort de la destruction de notre patrimoine collectif : foncier, espaces naturels, paysages. Et nous n?avons pas parlé des pollutions visuelles multipliées : les panneaux publicitaires ne sont là que pour inciter à la fréquentation de ces zones. Quand aux bâtiments eux-mêmes aucun effort n?a été fait sur leur architecture qui est la moins coûteuse possible. Leur "beauté" est intérieure car tout le travail consiste à montrer la marchandise sous son jour le plus attirant. Certaines chaînes d'hôtels ou de restauration ont fait un effort de conception original mais le bâtiment qui en est le fruit n?est finalement qu'un travail marketing et autant la plaisante maison flamande a toute sa place en périphérie de Lille ou d'Arras, autant elle s?avère franchement incongrue et cocasse en banlieue de Toulouse ou de Nantes.

Enfin, l'insertion paysagère de ces constructions est inexistante. Ce concept semble leur être totalement étranger. Aucune dépense n?a été faite pour mettre en place des haies, des arbres ou des aménagements fleuris. Là encore, c?est au contribuable de prendre en charge l'embellissement des voiries et des ronds-points assuré par les communes. Finalement, les propositions que Dominique Soltner (L'arbre et la haie, 1978) avait faite il y a quelques années pour améliorer l'intégration paysagère des constructions, respecter les arbres et les haies, n?auront été appliquées que par les agriculteurs qui se donnent maintenant beaucoup de mal pour faire en sorte que leurs bâtiments d'élevage respectent le cadre environnant. Ils sont bien les seuls...

Dans ces conditions, que certaines enseignes instrumentalisent la protection du paysage pour améliorer la gestion des sachets, responsables d'une des plus grandes catastrophes écologiques de ces dernières années, conduit à la situation qui ne manque ni de paradoxe, ni de piquant, ni d'ironie. Alors qu'on serait en droit d'attendre une prise de conscience minimale et une attitude plus citoyenne, le travail sur la baisse de prix entrepris au printemps par le ministre des finances devrait avoir pour compensation une possibilité de faciliter les extensions des grandes surfaces existantes, en supprimant les autorisations préalables. On peut se rassurer : la baisse des prix est largement payée, par une augmentation de la consommation des produits certes, du foncier surtout.

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L'envol du pavillon individuel

La maison individuelle continue de séduire les Français. C'est un mouvement qui dure depuis les Trente Glorieuses et qui s?est accéléré dans les années récentes. Une forte augmentation a été constatée entre les années 82 et 90 et depuis, le rythme suit l'évolution de la population. L'attachement des Français au pavillon est important puisque 79% le considèrent comme l'habitat idéal. La demande ne devrait donc pas faiblir puisque le nombre de ménages qui jouissent de ce privilège n?est que de 57% à l'heure actuelle.

L'habitat individuel est important dans les départements sans grande agglomération de l'ouest de la France ainsi que dans le nord. Le record appartient à la Vendée où 86,5% des ménages résident en habitat individuel, devant les Deux-Sèvres, le Gers et la Dordogne. A l'opposé, c?est dans les Alpes-Maritimes et dans le Rhône que la part de l'habitat individuel est la plus faible, sans compter Paris et la petite couronne où la proportion tombe à 30%. Cette part progresse dans le quart sud-est de la France. A l'inverse, elle diminue en Picardie et dans le Nord-Pas de Calais.

De façon plus globale, on constate que le nombre de résidences principales, maisons ou appartements, augmente plus vite que la population sous deux effets conjugués ; d'abord la baisse du nombre de personnes par ménage : la moyenne pour la France entière vient de passer en dessous de 2. Dans les grandes villes en particulier, elle est à moins de 1,85 (Paris, Poitiers, par exemple) ; autre élément, c?est le souhait de nos concitoyens de bénéficier de plus d'espace, espace qui est devenu un réel élément de confort. Le nombre moyen de pièces de la résidence principale est passé d'à peine 3 en 1962 à près de 4 en 1999 et s?établit à 4,5 en zone rurale. Les logements de grande taille sont de plus en plus nombreux.

Cette situation de déconcentration de l'habitat entraîne une hausse importante du prix des terrains à bâtir. La SCAFR2 estime le prix moyen de terrain à bâtir en France à 76 000 euros. Cette moyenne cache de très fortes disparités entre les régions. Le prix du terrain à bâtir a beaucoup augmenté ces dernières années : on estime cette hausse à 40% entre 1999 et 2004, à 100% entre 1993 et 2004. Désormais, un doublement du prix du foncier à bâtir, tous les dix ans environ, n?est pas exclu...

Dans ces conditions, le prix du terrain peut peser jusqu'à 50% du budget global de construction d'une maison par un particulier. Il y a trois ans, ce prix ne représentait que 30%. Ce prix des terrains constitue un réel facteur de discrimination sociale. Le Président de la Chambre d'Agriculture de Rhône-Alpes schématise en évoquant les ménages dont les revenus sont supérieurs à 7000 euros par mois qui s?installent dans un rayon de 10 à 20 Km de Lyon, ceux ayant moins de 3000 euros qui s?implantent à plus de 50 Km et les revenus intermédiaires qui construisent entre les deux. Même constat à Nantes dont la population, chassée par la hausse des prix de l'immobilier (plus 50% en 5 ans) en centre ville, s?étale en tache d'huile et arrive aujourd'hui en troisième couronne de la métropole nantaise (Enjeux, septembre 2004).

Effectivement, les maisons neuves sortent de terre de plus en plus souvent en troisième, voire en quatrième couronne des grandes villes. Ceci explique aussi que sur les 198 000 maisons construites en 2003, plus de 152 000 aient été construites en secteur diffus et seulement 46 000 en lotissement. Désormais, la proportion de maisons construites en secteur diffus est donc de 75% alors qu'elle n?était encore que de moitié il y a quelques années. (Source L. Boccara, les Echos, 6 mai 2004).

Cela tient sans doute à la plus grande difficulté qu'éprouvent les lotisseurs à trouver des terrains d'une taille suffisante à proximité des agglomérations. De plus, les contraintes de la loi SRU orientent les maires vers la réalisation d'habitats collectifs et les incitent à privilégier la reconstruction de la ville sur la ville. Or, en la matière, certains promoteurs estiment que l'on est confronté à une véritable crise de créativité dans la mesure où il est tout de même plus facile, selon l'un d'entre eux, de "construire des pavillons dans les champs plutôt que d'imaginer la restructuration de friches industrielles"...

Malgré tout, la taille des terrains à bâtir reste en moyenne relativement élevée en comparaison d'autres pays d'Europe. Les surfaces destinées à la construction d'une maison individuelle sont de plus en plus grandes et atteignent en moyenne 3320 m2 en secteur diffus contre 1400 m2 en lotissement dans les couronnes périurbaines. En banlieue, ces chiffres sont légèrement moindre avec respectivement 1960 et 1170 m2.

Pour conclure sur ce chapitre et étant donnée la nature de notre sujet, il convient de dire un mot de l'architecture de ces constructions et de leur insertion paysagère. En la matière, la banalité semble la règle et les efforts de conception architecturale des constructeurs de maisons individuelles sont faibles. Cependant, dans le domaine de l'habitat diffus, les surprises ne sont pas rares et l'on peut ainsi tomber sur un chalet suisse au coeur de l'Auvergne, une villa méditerranéenne en Artois, une maison alsacienne en banlieue de Toulouse ou une longère bretonne dans le Luberon, tant le rêve de la maison individuelle emprunte des formes déroutantes pour se concrétiser.

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"Et si le luxe c?était l'espace ?"

Le récent slogan publicitaire avait vu juste : désormais les Français veulent de l'espace. Cela se constate, comme nous venons de le voir, dans la taille et la localisation des habitations. Cela se voit aussi dans l'intérêt de nos concitoyens pour l'achat de terrains pour des usages de détente et de loisir. Ce sont des terrains qui permettent d'agrandir l'espace autour d'une maison, de disposer d'un potager, d'un jardin plus grand ou même de renforcer l'isolement d'une maison. Ces terrains servent aussi souvent à élever des chevaux, quelques animaux qui donnent une touche de vie aux décors de proximité, à l'environnement immédiat.

Il est de plus en plus souvent possible d'observer l'achat de propriétés de 10, 20 ou 30 ha par des urbains qui souhaitent s?installer à la campagne tout en profitant d'un grand parc. La propriété est alors grillagée et close, et quelques animaux, plus ou moins exotiques, assurent un entretien superficiel. Ce type de comportement, relativement récent, tend désormais à se multiplier.

En 2003, 92 300 achats de terrains pour un usage de loisir ont été effectués. Cela représentait 51 600 hectares pour un prix moyen de l'hectare de 30 100 euros. Ces chiffres sont en constante augmentation, voire en évolution géométrique, en ce qui concerne la valeur, le prix de l'ha, multiplié par 2 en trois ans.

Ainsi, dans un marché des terres de l'espace rural qui représente chaque année entre et 12 milliards d'euros, la moitié de cette valeur concerne les terres acquises par des non agriculteurs pour un usage de loisirs. Les 92 300 achats de 2003 sont à rapprocher des 95 500 acquisitions foncières réalisées par les agriculteurs. Mais pour un nombre d'opérations équivalent, ces derniers ont acquis 400 000 ha pour une valeur de 3,35 milliards d'euros. Finalement, le marché agricole de l'espace rural, tout en restant incontournable en terme de surfaces (près de 70%) devient résiduel en valeur (moins de 30%). Cela traduit le vif appétit de nos concitoyens pour le foncier qu'ils achètent au prix fort, créant une situation de concurrence vive avec les acheteurs traditionnels que sont les agriculteurs.

Cette tendance touche aussi la forêt et les chiffres analysés par la SCAFR et la Société Forestière la mettent particulièrement en évidence pour l'année 2003. On assiste à un véritable engouement sur le marché de la forêt patrimoniale que ce soit pour des petites ou grandes parcelles à vocation résidentielle ou de loisir. Cette évolution est une nouveauté et la société manifeste un intérêt récent pour l'espace forestier. Cela touche des massifs forestiers dont la valeur était jusqu'à présent très faible, comme la forêt méditerranéenne où les prix ont, du coup, considérablement augmenté. Cette appétence nouvelle pour la forêt tient à des attraits immédiats, pour la chasse notamment, ou la cueillette des champignons. Mais c?est aussi une façon de s?approprier un peu d'espace.

Cette tendance qui voit de plus en plus de gens acquérir du foncier est relativement paradoxale. En effet, c?est au moment où chacun prend conscience de l'enjeu collectif que représente notre patrimoine foncier, au moment où chaque utilisateur de l'espace, randonneurs, chasseurs, etc. manifeste son souhait de profiter de l'intégralité des territoires, sans contrainte ni obstacle, que s?intensifient les démarches d'appropriation individuelle des terres par des gens pour qui le foncier n?est pas un enjeu professionnel.

Dans cet ordre d'idée, les statistiques de la SCAFR montrent que la proportion d'acquéreurs non agriculteurs de foncier agricole ne cesse d'augmenter. Elle atteint 29% en 2003.

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Les résidences secondaires

La France est le premier pays au monde pour le nombre de résidences secondaires et pour le nombre de jours passés par les individus à la campagne, selon Bertrand Hervieu (Les champs du futur, 1994).

Près de 3 millions de logements en France sont des résidences secondaires. Le nombre a augmenté d'environ 100 000 depuis 1990. La carte des résidences secondaires varie peu et les départements où la part des résidences secondaires dans le parc immobilier est la plus élevée sont les Hautes-Alpes (plus de 45% du parc), la Savoie (38%), la Corse-du-Sud (36%), les Alpes-de-Haute-Provence (35,5%) et la Lozère (34,5%). En nombre de résidences secondaires, le Var (158 000 habitations) dépasse les Alpes-Maritimes, l'Hérault, la Savoie et la Haute-Savoie. Le nombre de résidences secondaires augmente dans presque tous les départements. Cependant, la part des résidences diminue dans certaines zones où l'urbanisation s?est étendue.

D?autre part, les achats de bâti rural se multiplient. En 2003, 38 900 transactions ont été enregistrées par le SCAFR. Notons qu'il s?agit des achats de bâtiments agricoles qui sont ensuite restaurés pour être transformés en résidences principales ou secondaires. Ces chiffres ne tiennent pas compte des transactions intervenant sur un marché des maisons à la campagne par ailleurs particulièrement dynamique : le nombre d'agences immobilières spécialisées en témoigne.

Depuis 1993, le nombre de transactions sur ce marché a augmenté régulièrement. Mais depuis 1997, l'évolution est spectaculaire avec une progression de plus de 50% des achats et un doublement de la valeur moyenne qui s?établit actuellement à 144 000 euros. Les achats sont plus intenses dans certaines zones dont la Bretagne, la Haute et la Basse Normandie, dans le sud-ouest (une partie de Poitou-Charentes, de l'Aquitaine, du Limousin et de Midi-Pyrénées) et enfin dans le sud-est : vallée du Rhône, littoral méditerranéen, nord des Alpes. A l'inverse, les transactions sont moins nombreuses dans le grand quart nord-est de la France, sans doute en raison d'un plus faible nombre de bâtiments ruraux isolés, compte tenu de l'habitat groupé qui caractérise ces zones.

Le prix est important dans certaines régions puisque l'on trouve des moyennes à plus de 158 000 euros dans trois grandes régions : dans les départements qui entourent l'Ile-de- France, sur la côte méditerranéenne, dans la vallée du Rhône et la Haute-Savoie et enfin dans un petit quart sud-ouest à proximité de villes comme Pau, Toulouse, Auch et Agen.

La part des acquéreurs d'origine étrangère est de près de 14%. Ils proviennent essentiellement de l'Union européenne et surtout d'Angleterre et d'Irlande (80%). Ces étrangers aiment notamment la côte languedocienne, l'ouest de l'hexagone et les espaces situés dans un triangle formé par les villes de Tarbes, La Rochelle et Châteauroux. Leurs moyens sont supérieurs à ceux des acheteurs de nationalité Française. Ainsi, ils paient en général leur acquisition près de 35% plus cher mais investissent aussi sur du bâti de caractère, dans des régions chères, sur des surfaces légèrement plus importantes.

Cette attirance des étrangers pour la France a été renforcée, ces dernières années, par l'arrivée des compagnies aériennes à bas prix (dites low cost) qui permettent à des anglais, en particulier, d'acheter une maison à deux heures de Londres à un prix sans commune mesure avec ceux de l'immobilier britannique. Ce sont des régions relativement excentrées qui sont desservies car les produits les plus recherchés sont ceux qui offrent un environnement calme. Les villes reliées à Londres Stansted Luton et Gatwick sont plus précisément Poitiers, Limoges, Bergerac, Rodez, Saint-Etienne, Nîmes, Carcassonne, Dinard, Nice, Toulon... Dans ces régions, les transactions sont effectivement supérieures à la moyenne nationale. Une étude récente effectuée par Ryanair sur 2500 voyageurs anglais, arrivant à Limoges, montre que pour 16% d'entre eux, l'achat d'une résidence en France fait partie de leurs objectifs.

Dès lors, on comprend que les journalistes spécialisés conseillent à tous ceux qui envisagent l'achat d'une résidence secondaire de faire vite : tant que les prix sont encore abordables... Voir liste des sites anglais proposant des propriétés en France. Et tout particulièrement celui-ci. Et encore celui-ci.

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Quelques éléments sur l'évolution du prix du foncier rural en France

Le prix de la terre agricole a beaucoup évolué ces dernières années. En peu de temps, de 1996 à 2003, le prix moyen d'un hectare de terre ou de pré a vu sa valeur augmenter de 34% au niveau national pour atteindre 4490 euros. Ce chiffre moyen cache des disparités entre les régions. Certaines ont connu des évolutions nettement plus importantes et l'on peut distinguer trois grandes zones géographiques : le nord de la France et l'ensemble du Bassin Parisien, où le prix de la terre est supérieur en moyenne à 4 200 ? par ha. Ensuite, une zone centrale qui forme un croissant s?étendant de la Franche-Comté au Poitou-Charentes où l'on enregistre les prix les plus faibles, inférieurs à 3 200 ? par ha. Enfin, la dernière zone se situe au sud d'une ligne qui irait du lac Léman à l'estuaire de la Gironde. Dans ces régions, le prix des terres et prés est supérieur à 5 200 ? par ha dans certains départements comme la Dordogne (5 730 ?), l'Hérault (5 920 ?), la Gironde (7 890 ?), le Gard (6 470 ?), le Vaucluse (9 550 ?), les Alpes-de-Haute-Provence (9 640 ?), la Haute-Savoie (10 960 ?), les Bouches-du- Rhône (14 640 ?), ou le Var (18 370 ?)...

Cette hausse est en partie due à des facteurs endogènes à l'activité agricole (réforme de la Politique Agricole Commune conduisant à l'extensification des productions et à la recherche de surfaces supplémentaires notamment) ainsi qu'à un contexte boursier et financier permettant à la notion de valeur refuge de la terre de refaire surface. Mais là ne sont pas les seuls facteurs d'explication et c?est bien la diffusion de l'urbanisation sur une grande partie du territoire qui constitue le facteur explicatif : augmentation du nombre de communes périurbaines, progression des achats des citadins ou des ruraux non agriculteurs sur le marché foncier, augmentation du nombre de transactions de maisons à la campagne et des valeurs unitaires de ces résidences... La progression des villes et l'extension des fronts urbains perturbe le marché des terres agricoles sur un périmètre toujours plus important. Du reste, la carte ci-contre est éloquente, elle met en évidence la pression qui s?exerce sur le foncier, dans certaines régions attractives de France et à la périphérie de toutes les agglomérations sans exception. Cette carte est établie à partir des achats des non agriculteurs à des prix non compatibles avec l'activité agricole sur des biens qui ont une probabilité très forte de changer de destination.

Au-delà des prix des terres et des prés, il convient de comparer ce que les non agriculteurs sont prêts à payer pour acquérir du foncier pour leurs différents besoins. Ainsi, la comparaison des prix à l'hectare des biens non bâtis échangés sur les différents marchés fonciers conduit aux constats suivants : les terrains à bâtir (artificialisation et construction) se négocient en moyenne à 76 000 euros l'hectare, soit 17 fois plus cher que les terres et prés, à des niveaux comparables à ceux des vignes A.O.C. (73 100 euros l'ha en moyenne) ; les espaces de loisirs (hors terrains à bâtir) se vendent en moyenne à 30 100 euros par ha, soit 6,7 fois plus cher que la terre agricole ; enfin, les réservations foncières des Collectivités se constituent à un prix moyen de 16 300 euros l'ha, soit 3,6 fois plus élevé que celui des terres et prés.

Sur les cinq dernières années, si le prix de la terre a augmenté de 20%, le prix des terrains à bâtir a progressé de 44%, et celui des espaces de loisirs de 112%. Les espaces de loisirs se négocient de plus en plus cher ; leur prix (moyen) représente 40% du prix des terrains à bâtir en 2003 contre 27% en 1999.

Tous ces chiffres illustrent parfaitement cette pression foncière urbaine, non agricole, qui s?exerce de façon globale sur le territoire et qui s?accentue largement sur les franges de l'espace agricole.

Indicateur de pression foncière urbaine



Source - L'agriculture déstabilisée

L'usage agricole de l'espace est malheureusement assimilé, de facto, à un non usage, et les espaces naturels ou les terres agricoles sont souvent considérées comme des réserves foncières, des espaces à urbaniser. Au mieux, ce peut être des espaces à protéger de l'urbanisation... Mais c?est bien en fonction de l'intérêt que la ville porte à ces terrains ou de l'intérêt que ces terrains présentent pour la ville, que se fait l'analyse.

Ainsi, quand on parle de construction en "terres vierges", c?est de terrains agricoles dont il s?agit le plus souvent. Il est évident pour les urbanistes que le terrain est vierge lorsqu'il ne réclame aucun travail de réorientation, destruction d'infrastructures, dépollution, etc. avant d'être livré à l'urbanisation. C'est dans cet état d'esprit que l'agence foncière de la ville de Béziers considérait qu'environ 3500 ha de terres étaient disponibles dans sa périphérie immédiate. Par terres disponibles, il faut effectivement entendre des vignes, de l'arboriculture, du maraîchage, des serres, des céréales ou encore de la forêt !

Cette conception explique certainement l'attitude dans notre pays qui consiste à consommer de l'espace agricole, comme s?il s?agissait d'une matière première abondante et en considérant qu'elle n?est entretenue par l'agriculture qu'à défaut d'une affectation plus utile !

De 1988 à 2000, la surface agricole utile (SAU) française a diminué de 720 000 ha. Cette perte de 60 000 ha annuelle, qui est le chiffre constaté à ce jour, est quasi intégralement absorbée par la croissance des villes et l'urbanisation. Le rythme s?est accéléré puisque avant les années 80, l'urbanisation utilisait environ 40 000 ha de terres agricoles chaque année.

Rapportés aux 29 millions d'ha de la SAU française, ces chiffres peuvent sembler acceptables. Tout de même, cela représente une diminution de 2% de la SAU tous les 10 ans, la tendance est inquiétante. De plus, ces 60 000 ha sont pris pour la plus grande partie sur les terres agricoles à haut potentiel agronomique. Cette catégorie représente désormais moins de 6 millions d'hectares, elle pourrait être vite épuisée.

La disparition des surfaces agricoles est beaucoup plus rapide dans certaines régions. Une enquête sommaire réalisée par la Direction régionale de l'agriculture de Provence- Alpes-Côte-d'Azur sur 106 communes d'une bande littorale, s?étendant de Menton dans les Alpes-Maritimes jusqu'à l'étang de Berre, donne des résultats très inquiétants. En 1970, la SAU de ces 106 communes était de 42 600 ha, soit 14% de la superficie totale. En 2000, la SAU était tombée à 19 700 ha, ne représentant plus que 6% de la superficie totale. Ainsi, en 30 ans, ce sont 23 000 ha qui ont disparu soit 54% de la SAU en raison de l'urbanisation du littoral.

A une plus petite échelle, les pertes de surface des agriculteurs de l'arrondissement de Lille étaient de 209 ha par an entre 1979 et 1988 et sont de 35 ha par an actuellement, alors que l'INSEE prévoit une poursuite de la croissance de la ville à l'horizon 2030.

En réalité, l'agriculture est très présente sur tout le territoire, y compris dans les zones fortement urbanisées. Même en Ile de France, l'urbanisation ne couvre que 25% du territoire. 50% du territoire de la métropole lilloise est affecté à l'agriculture. La part de l'agriculture est de 32% du territoire dans les pôles urbains, de 56% dans les communes périurbaines et de 51% dans l'espace à dominante rurale. L'agriculture des communes urbaines et périurbaines représente presque 40% de la superficie agricole française. Elle est souvent très dynamique puisqu'on estime que l'agriculture urbaine et périurbaine produit environ 50% de la valeur ajoutée agricole. Or, c?est cette agriculture qui perd le plus de surface puisque l'agriculture urbaine notamment a perdu 12% de SAU entre 1988 et 2000.

Les exploitations d'horticulture et de maraîchage des pôles urbains ont diminué de 30% dans toutes les régions de France entre les deux derniers recensements. Souvent, la disparition des exploitations est progressive. Année après année, certaines se voient amputées de quelques hectares, expropriées pour répondre aux besoins de développement des projets des collectivités. Puis, le retrait d'une parcelle plus indispensable que les autres, ou du siège d'exploitation, fait basculer la situation. Au mieux, l'exploitation peut se réinstaller à quelques dizaines de kilomètres. Au pire, les exploitants, heureusement arrivés à l'âge de la retraite, cessent définitivement leur activité.

Les exploitations qui se maintiennent sont confrontées à d'importantes contraintes voire à des bouleversements dans leurs méthodes culturales et leurs modes de production. L'urbanisation des campagnes, l'étalement des villes conduit à la confrontation de fermes avec de nouveaux résidents qui recherchent les charmes de la campagne sans imaginer qu'elle peut aussi présenter des éléments moins positifs. Ainsi, les bruits, les odeurs, la poussière, voire les mouches, font partie de la vie de tous les jours des entreprises agricoles mais ne sont pas toujours admis par les néo-ruraux. Cela peut donner lieu à des conflits de voisinage dont certains ont défrayé la chronique judiciaire. Dans tous les cas, cela oblige les exploitations à modifier l'organisation des tâches, à ne traiter les champs que la nuit par exemple, ou à n?envisager le passage d'engins sur les routes qu'en dehors des périodes d'affluence, voire à emprunter des voiries plus longues pour ne pas faire rouler le matériel agricole dans la circulation.

Tout ceci est vrai pour les exploitations qui se maintiennent dans des endroits où la ville a pris le dessus. Mais c?est aussi vrai pour les exploitations en milieu rural où la construction d'habitations, l'achat de terrains d'agrément par les urbains contribuent à un mitage des exploitations agricoles, à des difficultés de cohabitation et à une complexification des conditions de production.

La concurrence, voire la surenchère sur le foncier, contribue, là encore, à compliquer le métier et la vie des agriculteurs. Le prix atteint par la terre pénalise l'agriculture. L'investissement foncier est de plus en plus hors de proportion avec la rentabilité des productions. D?autre part, cet investissement foncier, plus lourd, se fait au détriment des investissements de production et les structures coopératives, par exemple, sont les premières à regretter cette hausse du foncier qui mobilise les capitaux agricoles au détriment du développement des outils de transformation ou de commercialisation de la production.

La hausse du prix du foncier génère des comportements spéculatifs. Il n?est pas rare de constater que des terrains périurbains restent en friche dans l'attente d'un changement de nature et d'une opportunité de vente au prix fort. Et de plus en plus, les terres qui restent exploitées n?appartiennent plus à celui qui les met en valeur. Ce dernier exploite souvent de façon précaire, sans bail, car le propriétaire, anticipant une vente de terrain à bâtir, souhaite garder la maîtrise de son bien.

La spéculation sur le bâti rural, la hausse des prix sur le moindre bâtiment de caractère a aussi des effets négatifs pour l'agriculture et plus spécifiquement pour les jeunes agriculteurs. Ceux-ci éprouvent des difficultés de plus en plus grandes à se loger, qu'il s?agisse de jeunes s?installant hors du cadre familial, c?est-à-dire sans succéder à un parent agriculteur, ou d'enfants d'agriculteurs qui ne désirent pas forcément cohabiter durablement avec leurs parents. Du fait de la concurrence avec les acheteurs de bâti pour des usages de loisir, la valeur moyenne du siège d'exploitation, de la maison d'habitation, augmente. Elle est passée de 14% du prix de l'exploitation en 1970 à 26% au début des années 2000. Mais la situation peut être désespérante : ainsi en Dordogne, sur une quarantaine d'exploitations actuellement proposées à la reprise, près de la moitié n?a aucune solution de logement... Il est évident que pour le jeune qui s?installe (et ce point est aussi vrai pour un jeune artisan créant son activité), l'investissement dans l'outil de production prime sur l'investissement immobilier mais, même sur ce point, il n?est pas toujours facile de trouver des bâtiments d'exploitation car dans certains endroits, la moindre grange peut faire l'objet de convoitises en vue d'une transformation pour un usage d'habitation au profit d'un urbain qui désire s?éloigner de la ville. Ce sujet des jeunes agriculteurs, ou des jeunes socioprofessionnels sans toit préoccupe de plus en plus les municipalités et a fait l'objet d'un dossier récent dans l'hebdomadaire La France Agricole (4 juin 2004).

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Un étalement périurbain subi et coûteux

Il n?y a pas que l'agriculture qui paie les pots cassés de l'étalement urbain. Celui-ci a un coût pour les collectivités et, au-delà de l'impact paysager, pour la société tout entière. Les municipalités doivent suivre la progression des villes et la construction, toujours plus périphérique, des pavillons et des lotissements. Il faut d'abord amener les adductions et les dispositifs sanitaires. Il faut ensuite créer et aménager les voiries, les infrastructures et les dessertes nécessaires. Il faut enfin mettre en place les services collectifs et de proximité que réclame le confort moderne : transports, services aux personnes, garderies et crèches, éducation, culture, loisirs sportifs, etc. Cet étalement nous conduit aussi vers une civilisation du "tout voiture" et le moindre magasin a désormais son parking pour permettre à sa clientèle de venir et de stationner, sans parler des centres culturels et sportifs ou des complexes cinématographiques. Désormais en France, 4 ménages sur 5 ont une voiture. C'est quatre fois plus que dans les années 50. Aujourd'hui, cela va plus loin puisque 30% des ménages ont deux voitures, voire plus. Ce taux n?était que de 16,7% en 1982. Il a donc presque doublé en 20 ans. On considère qu'un résident de périurbain émet deux à trois fois plus de gaz carbonique qu'un habitant du centre-ville.

On peut, dès lors, s?interroger, comme le faisait le Président de la République au sommet de Johannesburg, sur le nombre de planètes nécessaires à la consommation des pays développés. Les chiffres sont inquiétants. Ainsi, à l'échelle mondiale, la surface productive disponible par habitant n?a pas cessé de diminuer depuis le XXème siècle, passant de 5,6 ha par personne en 1900 à 1,5 ha en 1995. Au cours de la même période, l'empreinte écologique3 d'un habitant des pays riches a été multipliée par 5, passant d'un ha en 1900 à 5 ha en 1995... Et l'espace "bio productif" nécessaire à un habitant des villes est largement supérieur à celui d'un habitant du monde rural puisque les besoins d'un parisien, par exemple, sont de 6 ha. Si toute l'humanité consommait comme le font les pays développés, il faudrait donc l'équivalent des ressources (et sans doute des surfaces foncières) de trois planètes !

L'étalement urbain, c?est, nous l'avons vu, l'augmentation régulière des surfaces goudronnées et bétonnées : elles représentent désormais plus de 3% du territoire et augmentent de plus de 1% chaque année. Cette avancée se fait au détriment des sols de grande valeur économique certes, elle se fait surtout en augmentant les risques d'inondation par une imperméabilisation durable des sols. Autres risques naturels en hausse avec le retrait de l'agriculture, ce sont les incendies. La déprise agricole liée aux friches spéculatives dans certaines zones, la fragmentation des espaces et leur moindre entretien conduit à une multiplication des incendies.

Les lessivages du sol en période d'orage et la présence moins affirmée de l'agriculture fragilisent les zones de captage d'eau potable pour l'alimentation urbaine. Certes, la mauvaise qualité de l'eau en France est en partie due à certaines pratiques agricoles, mais la contractualisation des agriculteurs avec les collectivités est la meilleure protection à ce jour des zones de captage et c?est d'ailleurs ce que la source de Vittel a montré depuis longtemps.

Enfin, la fragmentation des espaces conduit à une fragmentation des liens sociaux et à une rupture des équilibres de la société. Notre civilisation d'origine rurale, de plus en plus urbanisée, trouve son équilibre dans une relation à l'espace et à la nature capable de réguler le rythme urbain, de donner du recul et d'apaiser. Pour beaucoup, le paysage, la campagne, sont des facteurs d'équilibre physique et psychique des populations urbaines (cf. C. Carle, Libéralisme et paysage).

3. Il s?agit de la charge qu'impose une population à l'environnement en fonction de ses modes de vie, de consommation et de production et qui se mesure en hectares nécessaires pour fournir les ressources consommées par un individu et assimiler ses déchets.

La nature, dont les hommes n?ont que la gérance, doit permettre de transmettre des valeurs de vie, de respect, de pérennité et de responsabilité. Il faudra bien rendre compte de la façon dont nous avons géré, mis en valeur la Création qui nous a été confiée et les générations futures nous jugeront sur ce que nous aurons su conserver et nous condamneront pour ce que nous aurons gâché et perdu.

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Les départements d'outre-mer confrontés à une périurbanisation accélérée :

les exemples réunionnais et martiniquais

Les départements d'outre-mer peuvent nous permettre d'anticiper les évolutions auxquelles nous serons confrontés dans quelques années. Elles sont en germe en métropole, mais, compte tenu d'une démographie en évolution rapide aux Antilles (Guadeloupe et Martinique) ainsi qu'à la Réunion, ces départements sont d'ores et déjà au coeur d'une véritable crise foncière, agricole et paysagère.

La Réunion a une population de plus de 750 000 habitants pour une superficie d'environ 2 500 km2. En excluant l'aire inhabitable du volcan, cela correspond à une densité de 400 habitants au km2. Les prévisionnistes estiment que cette croissance démographique va se poursuivre et la population réunionnaise devrait dépasser le million d'habitants en 2020. L'évolution est identique en Martinique et la population actuelle (380 000 habitants selon le recensement de 1999) devrait tourner aux alentours de 500 000 habitants à l'horizon 2015.

Dans ces îles où le relief s?avère peu propice à la mise en place de transports collectifs, la civilisation du tout voiture fait des ravages : la Réunion compte une voiture pour trois habitants et ce parc permet, en mettant bout à bout l'ensemble des véhicules, de faire plus de quatre fois le tour de l'île ! Cela nécessite des infrastructures importantes et la situation est aggravée par le flux touristique (environ 500 000 visiteurs annuels) qui correspond à une présence permanente supplémentaire d'environ 50 000 personnes.

Le désir de maison individuelle dans ces départements n?est pas moins vif qu'en métropole. Mais l'habitat diffus, sauvage, est un sujet d'inquiétude particulièrement aigu là-bas. Si 10 000 logements sont construits annuellement à la Réunion (dont 4 500 logements sociaux) plus de 2 000 constructions sans permis de construire et dispersés sur les terres agricoles s?ajoutent à ce total. En Martinique, on estime que 30 à 50% des constructions sont bâties illégalement. A cela, s?ajoutent plus de 10 000 constructions illégales sur le littoral (dans la limite des 50 pas géométriques censés protéger les rivages). Ce tropisme littoral n?est pas moins fort à la Réunion et il devrait conduire à une urbanisation pratiquement continue de la Côte Ouest, de Saint-Denis à Saint-Joseph.

Ce phénomène de mitage de l'espace, d'occupation illégale, de cabanisation, si particulier dans ces départements, conduit à une déstructuration inquiétante des espaces agricoles et des paysages. Malheureusement, les POS, en perpétuelle révision, entérinent et légalisent le plus souvent les situations. Les infrastructures de dessertes, les constructions touristiques et commerciales finissent de noircir le tableau. Récemment à Sainte Suzanne à la Réunion, une nouvelle grande surface est sortie de terre. Ne se satisfaisant pas des hectares consommés pour ses halls et ses parkings, elle a aussi stérilisé plusieurs hectares de canne à sucre rendus inaccessibles par la bretelle d'accès !

Le résultat pour l'agriculture est catastrophique. La filière canne réunionnaise, déjà déstabilisée par l'évolution des cours et de la politique européenne, n?arrive pas à maintenir des surfaces suffisantes pour rentabiliser les industries de transformation. Elle en est réduite à tenter de reconquérir des surfaces en friches au prix de travaux titanesques représentant des coûts de plusieurs dizaines de milliers d'euros à l'hectare, pour faire disparaître les rocs et la lave et rendre les terrains mécanisables. A la Martinique, la SAU était réduite à 28 700 ha en 1997 alors que le recensement agricole de 1973 l'estimait aux alentours de 62 000 ha. L'urbanisation non maîtrisée fait perdre chaque année environ 1000 ha : à ce rythme, il n?y aura plus d'agriculture martiniquaise dans 25 ans.

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Conséquence : le scénario du conflit généralisé ?

On est en droit de s?interroger sur les conséquences d'un prolongement des tendances que nous venons de décrire. Selon un groupe de prospective de la DATAR animé par Philippe Perrier-Cornet de l'INRA, la poursuite de la tendance actuelle pourrait aboutir à un scénario de généralisation de la campagne résidentielle.

Dans cette hypothèse, les classes aisées se regroupent dans des résidences aérées bénéficiant de larges espaces verts et les moins riches résident de plus en plus loin des pôles urbains et profitent des progrès technologiques automobiles pour travailler en ville. Ce scénario envisage une situation de rente foncière forte donnant un nouvel attrait aux villes de taille moyenne ou petite que les entreprises pourraient cibler dans leurs délocalisations. Cela pourrait inciter les collectivités à concentrer leurs investissements sur les espaces périurbanisés où la demande des populations en matière d'équipements publics, de réseaux routiers ou de communication deviendrait particulièrement forte et donc au détriment des grandes agglomérations, ce qui renforcerait l'attrait des espaces ruraux périurbanisés mieux équipés et contribuerait à renforcer l'effet de destructuration des campagnes.

Elargissant le spectre d'analyse, le groupe de prospective imagine une agriculture fortement remise en cause dans ses activités classiques de production et sollicitée pour ses services d'animation et de gestion de l'espace rural. Certaines collectivités pourraient contractualiser avec des agriculteurs en stipulant notamment des contraintes pour sauvegarder les paysages agricoles résiduels. Mais les agriculteurs, devenus ultra minoritaires, pourraient alors être en but à des tensions vives avec les néo-ruraux autour des productions traditionnelles, sources de nuisances, donnant lieu à des poursuites judiciaires multipliées.

Pour la DATAR (Quelle France rurale pour 2020 ? - septembre 2003), ce scénario au fil de l'eau, qui mettrait le rural sous influence urbaine, conduirait à une marginalisation des territoires ruraux les plus fragiles. Surtout, elle estime qu'une telle accélération de l'évolution n?est écologiquement pas durable car la mobilité des services et des emplois qu'elle implique est coûteuse sur le plan environnemental, fortement consommatrice d'énergie et d'espaces ; elle renforcerait aussi les risques naturels majeurs, inondations ou glissements de terrain...

D?autre part, c?est un scénario qui est porteur de tensions, voire de conflits généralisés, entre les nouveaux arrivants en faveur desquels le rapport de force s?inverserait, et les industriels ou les agriculteurs promoteurs d'activités considérées comme perturbatrices ou sources de nuisances. En bref, la DATAR considère ce scénario comme un "nouveau scénario de l'inacceptable", source de problèmes sociaux, environnementaux et sociétaux, remettant notamment en cause la multi-fonctionnalité de l'agriculture. Or, aux yeux de la DATAR, la fonction de production de l'agriculture doit pourtant être absolument préservée car c?est par elle que l'on pourra pérenniser cette activité sur les territoires.

Ce scénario a servi de base à l'élaboration d'une cartographie prospective imaginant le nouveau visage de la France dans les années 2020. Cela donne une France étonnante où l'ancienne diagonale du vide allant du plateau de Millevaches à la Meuse qui avait tant frappé les esprits dans les années 70, deviendrait une vague épine dorsale résiduelle dans une France devenue complètement citadine grâce à la périurbanisation, à l'étalement des villes et au mitage résidentiel de campagnes dont le caractère rural est réduit au stade de relique ou de souvenir.

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Un équilibre ville-campagne à réinventer

Ces lignes ne visent qu'à favoriser une prise de conscience afin que l'accélération du temps ne vienne pas détruire toute possibilité d'action ou de réaction. Les paysages sont des oeuvres d'art massacrées sous nos yeux, de manière insidieuse et involontaire. Pour autant, il ne faudrait pas que nous soyons moins sensibles à leur disparition que nous ne l'avons été à la destruction obscurantiste des buddhas afghans il y a peu de mois. Déjà il y a quelques décennies, Henri Pourrat (dans H. Pourrat, Le Blé de Noël) s?étonnait que les hommes aient perdu le respect de la nature et avait trouvé un début d'explication : "ils attendent tant de la civilisation urbaine qu'ils ne peuvent plus admirer que ses prodiges, leurs propres oeuvres. La création leur apparaît, somme toute, comme un champ sauvage où c?est eux qui font le beau travail. Le simple travail de la sève passe pourtant infiniment le leur".

Nous semblons avoir plus de considération, étonnamment, pour les espaces boisés. Ainsi, les routes qui continuent de se multiplier en Ile de France respectent les grands massifs forestiers : l'A14, la nationale 86 passent en tunnel sous la forêt de Saint- Germain, mais en surface dans les vergers de Chambourcy et les dernières terres agricoles de la proche périphérie parisienne... Il ne s?agit pas pour autant de protéger les paysages comme on peut le faire pour des espèces en voie de disparition. L'ethnographie n?intéresse que quelques passionnés. C'est un cadre de la vie de tous les jours que nous devons conserver, un cadre où des activités s?exercent, où des gens cohabitent, où s?organisent des échanges, où se pérennisent une culture et un art de vivre.

La campagne est trop souvent considérée comme l'accessoire de la ville, son réservoir de main d'oeuvre à l'époque de l'industrialisation, son réservoir de foncier aujourd'hui. C'est aussi une annexe : une campagne annexée pour les loisirs de la ville, pour la débarrasser de ses ordures et de ses déchets. Que ce soit positivement ou négativement, la campagne est ainsi systématiquement instrumentalisée par la ville. Elle est son faire-valoir, capable de faire disparaître ses nuisances, de l'embellir de ses avantages et de se vider de sa substance pour participer à son développement. Parfois, la campagne est conservée pour servir de coupure verte à la ville et lui assurer un minimum d'agrément. Elle peut aussi servir de ceinture naturelle pour maîtriser son expansion.

Certes, ces avantages de la campagne sont réels et il est normal qu'elle assure de tels services. Cependant, la campagne ne peut pas être considérée seulement comme un espace d'agrément, une campagne Potemkine, destinée à embellir un paysage urbain monotone et à offrir des lieux de ressourcement à des citadins stressés par la vie à la ville. L'équilibre entre la ville et la campagne doit s?appuyer sur deux piliers offrant chacun la même solidité et la campagne à préserver, à développer, doit être une campagne réelle, dotée d'une identité spécifique et forte, peuplée de ruraux accoutumés à leur contexte par choix et non par fatalisme.

L'agriculture a toute sa place dans ce cadre. Si les actifs agricoles ne sont plus majoritaires dans l'espace rural (ils représentent moins de 10% de sa population active), l'économie agricole reste un secteur incontournable par les emplois induits et les richesses créées. Mais surtout l'agriculture tient et gère l'espace et à ce titre, qui est celui qui nous préoccupe en l'occurrence, elle garde une place essentielle et incontournable dans les zones rurales. D?ailleurs, lorsque l'on interroge les Français sur la mise en valeur des campagnes, ils estiment sans l'ombre d'une hésitation qu'il appartient aux agriculteurs d'entretenir les paysages, de cultiver les campagnes et de les faire vivre. C'est pour cela qu'ils acceptent d'aider les agriculteurs par des soutiens publics à la fois à produire et à maintenir l'espace.

Les analyses montrent que l'hypothèse d'une agriculture à deux vitesses, où certains agriculteurs produiraient sur les terres les plus riches pendant que les autres jardineraient l'espace, est totalement rejetée par les agriculteurs certes, mais surtout par la population dans son ensemble, qu'elle soit rurale ou urbaine (Hervieu et Viard, Au bonheur des campagnes). En cela, la position de nos concitoyens rejoint l'avis des experts de la DATAR (ci-dessus p.32).

Reste à trouver les voies de coexistence entre la ville et une campagne où l'agriculture joue son rôle et garde sa place sans s?opposer pour autant à la croissance et à l'extension urbaine. Peut-être faut-il aller jusqu'à la vision que propose Pierre Donadieu dans son ouvrage "Campagnes urbaines" (Actes sud 1998). L'auteur suggère de construire le tissu urbain en continuité avec les espaces agricoles et forestiers. Il propose de considérer l'agriculture comme un outil d'urbanisme, une infrastructure naturelle d'intérêt public, capable d'organiser durablement le territoire des cités. Selon lui, le développement de la ville aux dépens de l'agriculture n?est pas inéluctable, il doit être possible de faire en sorte que la ville s?étende, que les campagnes deviennent rurbaines, c?est-à-dire appropriables et habitables tout en conservant le charme et la poésie d'un paysage naturel.

Cette présentation peut paraître idyllique, voire utopique, elle n?est pourtant pas irréaliste. Il y a toujours eu une réelle complémentarité entre la ville et ses campagnes, elle est à renouveler aujourd'hui. Une alliance "gagnant-gagnant" peut s?instaurer entre une ville respectueuse des terres agricoles, profitant de ces espaces naturels qui améliorent son environnement et la rendent habitable, et une agriculture périurbaine, proche des urbains, leur apportant des produits de consommation ainsi qu'une proximité avec la nature, la vie de cette nature, son esthétique et son éthique.

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Quelques propositions pour ouvrir le débat

Après ce large tour d'horizon qui met en évidence l'évolution rapide de nos paysages et les risques que nous faisons courir à notre espace environnant et à notre cadre de vie, il serait prétentieux de vouloir apporter des réponses et des solutions. L'importance de ce dossier ne permet pas en effet de le régler par quelques propositions en forme de conclusion qui risqueraient alors de se révéler superficielles. D?autre part, l'ampleur du problème mérite un large débat entre les différents acteurs des territoires, les élus, tous les Français en définitive, afin de définir les conditions dans lesquelles nous souhaitons vivre et les moyens à mettre en oeuvre pour conserver une agriculture active et des paysages agréables. Néanmoins, pour lancer ce débat, il peut être opportun de donner quelques axes de réflexion et d'ouvrir des pistes de solutions.

Certaines de ces pistes sont inspirées du rapport que Gérard Larcher, alors Sénateur des Yvelines, avait consacré en 1998 aux territoires urbains et paysagers et au nouvel équilibre des espaces périurbains. Les pertinentes propositions de ce document mériteraient une concrétisation rapide.

Protéger les paysages dans la législation

Tout d'abord, il convient de rappeler qu'il existe une législation organisant la protection des paysages en France. Les premiers textes datent de 1930. Mais ce sont les lois de 1976 sur la protection de la nature et surtout de 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages qui font référence. Depuis, tous les textes sur l'environnement traitent de près ou de loin de ce sujet. Mais la loi se contente souvent de sanctuariser ce qui existe, de faire en sorte de protéger les paysages remarquables sans aller jusqu'à réparer les dommages causés avant qu'il ne soit trop tard.

En matière de protection de sites remarquables, il serait intéressant de réaffirmer que la protection du paysage ne se limite pas à quelques sites mais qu'elle doit être un enjeu global, intégré largement dans les préoccupations des aménageurs, qu'ils soient publics ou privés, et des architectes. Cette protection ne peut se limiter à quelques dispositifs de compensation, même si la plantation d'arbres ou de haies est déjà une action positive en faveur du paysage. C'est en réalité une véritable intégration paysagère des évolutions qui doit être recherchée, garantissant un respect exemplaire de l'existant et cela est particulièrement vrai pour les zones périurbaines auxquelles nous nous intéressons. Il convient de définir un véritable projet paysager pour ces espaces en soignant plus particulièrement les entrées de villes.

En ce sens, la présence de publicité en dehors des espaces urbains doit devenir exceptionnelle lorsqu'elle n?a pas pour objectif d'informer les automobilistes. Dans ce domaine, l'action courageuse menée par certaines associations, telles Paysages de France ou la Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France, mériterait d'être encouragée et relayée.

Maîtriser l'urbanisation

Au-delà de la protection du paysage proprement dit, c?est surtout une protection de l'agriculture et des espaces qui y sont consacrés qu'il faut assurer. Dans les années 60 et 70, l'agriculture a été contrainte par la forêt de se retirer de certains espaces, de certaines zones. Les fermetures de paysage auxquelles cette évolution a abouti sont unanimement regrettées par les habitants et des maires, des Parcs naturels, se lancent dans une politique de récupération des espaces (comme en Livradois-Forez, par exemple). Ne convient-il pas, en matière d'envahissement des zones rurales par la ville, de ne pas attendre d'en être réduit aux coûteuses politiques de restauration du caractère agricole d'espaces, comme elles sont menées actuellement sur des zones forestières ? Malheureusement, l'anticipation est rare dans les politiques publiques et l'on constate une tendance générale à la réparation des dommages plutôt qu'à la gestion a priori. En matière environnementale, par exemple, la Région Ile-de-France consacre 90% de ses budgets à réparer des erreurs, à la réhabilitation d'espaces et 10% seulement à des projets constructifs...

Ne pourrait-on pas aller, comme le fait le Québec, jusqu'à mettre en place une procédure obligeant à recourir à une commission pour autoriser tout déclassement de terres agricoles ? Nous l'avons montré en effet : la grande instabilité dans l'affectation des terres et dans les usages des sols s?effectue au détriment de l'agriculture et des espaces de nature qu'elle ménage et au profit d'une urbanisation larvée, manquant de netteté et produisant un résultat qui consiste à détruire les paysages ruraux sans les remplacer par un paysage urbain acceptable.

C'est la définition de la ville qui est aussi en cause et, dès lors, ce sont les processus d'urbanisation auxquels il convient de réfléchir. La stabilité (ou plutôt l'instabilité) des documents d'urbanisme est un sujet sur lequel il convient de s?arrêter. Les POS, qui se transforment progressivement en PLU, prévoient une répartition entre les zones constructibles et celles qui ne le sont pas. Cependant, au fur et à mesure des révisions, les zones naturelles et agricoles deviennent progressivement à aménager puis constructibles et enfin construites. Ne pourrait-on envisager le maintien pérenne, à long terme, d'un pourcentage minimum de terres agricoles dans un PLU ? Ou encore protéger les terres agricoles selon des modalités identiques à la protection offerte aux espaces boisés des POS ?

Certes, la loi de modernisation agricole (1999) a créé un outil nouveau qui permet de zoner un espace agricole afin de le maintenir. Il s?agit des zones agricoles protégées. Malheureusement, 5 ans après la création du dispositif, il n?existe pas trois zones de ce type en France. Là encore, ne faudrait-il pas mettre en place un plan national de protection des terres agricoles imposant à un échelon administratif approprié la mise en place d'une superficie minimale agricole protégée par des ZAP ?

Le projet de loi en faveur des territoires ruraux prévoit un dispositif plus élaboré de périmètres de protection des espaces naturels dont les départements auraient la charge. Mais faute de fixation d'objectifs dans le cadre d'un projet précis, ces périmètres n?auront-ils pas, dans cinq ans, un succès aussi mitigé que les ZAP ?

Organiser une cohérence globale

Les POS et les PLU, simples documents mis en place pour cadrer la délivrance des permis de construire, sont devenus, par défaut, les seuls outils locaux de gestion de l'espace. Et ces documents ne sont souvent qu'une juxtaposition de programmes d'urbanisme. Ils peuvent trouver une cohérence dans le cadre d'un schéma de cohérence territoriale à l'échelle d'une agglomération ou d'une communauté de commune. Ce schéma peut avoir un périmètre relativement vaste. Pour autant, les espaces ruraux périphériques n?y sont intégrés que dans la mesure où ils sont connectés à l'agglomération centre. Dans un premier temps, il serait intéressant de mettre en oeuvre la proposition d'Yves Censi consistant à élaborer des schémas des espaces ruraux afin que tout espace ait un document stabilisant son affectation.

D?autre part, de nombreux territoires ne sont donc pas couverts par un programme global les mettant en corrélation et en cohérence avec les territoires voisins. A une échelle plus vaste, il n?y a ni document de cohérence, ni même programme global d'orientation. Certaines régions ont adopté une directive territoriale d'aménagement mais il s?agit d'une démarche souvent volontaire, voire imposée par le préfet de région lorsque cela correspond à une volonté politique de l'échelon correspondant. Cet outil a le mérite de rappeler les principes de l'intérêt national dans les politiques d'aménagement local.

Encore faut-il que cet intérêt national soit affirmé. Or, l'Etat semble peiner à donner une cohérence globale et nationale à la gestion de l'espace. Depuis le schéma de service collectif des espaces naturels et ruraux en particulier, le silence de l'Etat garant des enjeux nationaux est inquiétant. Les orientations manquent et les stratégies qu'adoptent les échelons inférieurs peuvent, dès lors, être parfois divergentes. Pourtant, il appartient à l'Etat, en fonction de l'intérêt général, de déterminer des objectifs à la fois qualitatifs et chiffrés afin de faire en sorte que la part de notre territoire consacrée à l'urbanisation et aux infrastructures soit acceptable aux regards des exigences et des attentes paysagères et environnementales des Français, que les sites soient respectés, que l'agriculture conserve durablement sa place économique et spatiale.

La DATAR a tiré, elle aussi, le signal d'alarme. Son rapport précité contient une analyse sans concession et fait des propositions intéressantes. Le Commissariat au Plan travaille sur la situation et les enjeux du foncier afin de permettre à l'Etat de se doter d'une stratégie capable d'apporter une réponse aux problèmes qui se posent. Souhaitons que sur ces bases, la France puisse définir des orientations claires afin de garantir la préservation de notre patrimoine paysager et foncier.

Réactiver le fonds de gestion de l'espace rural

En 1995, le fonds de gestion de l'espace rural (FGER), créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, offre aux territoires ruraux un nouvel instrument permettant de financer des opérations d'entretien, de réhabilitation et de valorisation d'espaces agricoles en voie d'abandon, d'éléments naturels du paysage et d'espaces où l'insuffisance d'entretien est susceptible de provoquer des risques naturels, ou des opérations de conservation de la diversité biologique.

Abondé par le ministère de l'agriculture pendant quelques années, ce fonds a permis de financer des actions aussi diverses qu'intéressantes pour les paysages ruraux telles que l'entretien et réhabilitation des haies bocagères, d'alignements d'arbres, de fossés humides, de cours d'eau, la reconquête de foncier agricole boisé ou en friche, la restauration de sentiers de randonnée pédestre, la préservation de variétés locales d'arbres fruitiers et de vergers traditionnels, la reconquête d'alpages, l'ouverture de fenêtres paysagères, l'installation de jeunes agriculteurs dans des zones abandonnées, la remise en culture de terrasses agricoles et la restauration de patrimoines paysagers spécifiques, etc.

Ce fonds spécifique à destination du monde rural s?est révélé être un outil d'animation locale et un lien privilégié entre l'activité agricole et la gestion de l'espace en participant au développement équilibré du territoire national. Le FGER est devenu en peu de temps un outil inappréciable au service de tous les ruraux et de la politique d'animation du milieu local, favorable à la valorisation de l'espace par les agriculteurs et à la reconnaissance de leurs investissements. Il serait indispensable que ce fonds soit de nouveau abondé afin de financer les actions menées par l'ensemble des ruraux en faveur de l'entretien et de la gestion de leur cadre de vie.

Renforcer et rénover la réglementation

Notre arsenal législatif et réglementaire est bien incomplet et parfois même incohérent. La réglementation de l'urbanisme notamment a subi récemment des évolutions contradictoires qui nuisent à son efficacité. Le droit de la construction devrait d'abord être appliqué strictement. Il est anormal que dans un Etat de droit, il soit possible de construire sans permis, sans sanction, sans obligation de destruction, voire en bénéficiant des branchements aux réseaux publics, ce qui est en principe interdit pour les constructions illégales...

D?autre part, nous appliquons un coefficient d'occupation du sol maximum. Cela encourage, pour construire grand, à le faire sur un grand terrain. Ne faudrait-il pas envisager un coefficient d'occupation minimum, comme en Suisse par exemple, ce qui oblige à densifier l'habitat ?

Dans le même ordre d'idée, on pourrait obliger les grandes surfaces à diminuer leur emprise en sol en construisant sur plusieurs niveaux surfaces de vente et parkings, voire en enterrant ces derniers, à mieux intégrer leur construction dans le paysage et à constituer un fonds de protection du paysage abondé par les grandes surfaces en compensation des atteintes qu'elles lui portent.

La spéculation foncière pourrait sans doute être freinée par une taxation efficace des plus-values. Est-il bien logique, se demandait récemment un ministre de l'aménagement du territoire, que ce soient les particuliers qui touchent les dividendes des aménagements décidés et réalisés par la Collectivité ? Dans de nombreux pays d'Europe (Danemark ou Hollande, par exemple) et du monde, c?est l'Etat qui appréhende la plus grande part de la plus value sur les terrains qui changent de destination.

En matière de fiscalité, il y a d'autres pistes à explorer et on peut s?interroger sur les modalités de taxation du bâti ou de l'habitation : ne faudrait-il pas envisager une possibilité de mutualisation de ces taxes dans le cadre des regroupements intercommunaux de façon à éviter que l'octroi de permis de construire ne soit considéré comme un moyen d'améliorer les finances communales ?

Sur beaucoup de ces sujets, le rapport de Gérard Larcher propose des solutions intéressantes qui mériteraient, à tout le moins, de faire l'objet d'un débat.

Privilégier la régulation et l'arbitrage

La multiplication d'intervenants sur l'espace rural et de demandeurs de foncier plaide pour le maintien d'outils de régulation et leur utilisation dans un cadre plus global d'arbitrage.

Les SAFER ont une pratique de 40 ans de ces rôles, intervenant pour réguler un marché foncier afin d'en garantir la transparence et la moralisation et arbitrant entre des agriculteurs pour favoriser les meilleurs projets d'aménagement et accompagner l'installation des jeunes exploitants.

Dans un contexte de concurrence généralisée, où l'orientation du foncier donne lieu à des conflits importants entre un nombre croissant d'usagers, il importe de préserver les outils de régulation, non plus pour les arbitrages qu'ils permettaient de rendre au sein d'une même catégorie socioprofessionnelle, mais pour leur capacité à rationaliser la gestion de l'espace dans une vision durable de l'affectation des terres. Le laisser faire risquerait d'augmenter la consommation de terres pour des usages non agricoles et ainsi de faire croître les prix de façon anarchique en générant des conflits entre agriculteurs et autres catégories d'utilisateurs.

L'augmentation non maîtrisée des prix pourrait compliquer les projets d'aménagements des élus et poserait en particulier des difficultés aux petites communes qui souhaitent réhabiliter l'habitat rural pour attirer des résidents et assurer un mouvement de revitalisation rurale. Ainsi, il ne s?agit pas d'empêcher les projets de se développer, mais d'utiliser les instruments de régulation du foncier rural pour apaiser les tensions en assurant un dialogue, ainsi qu'un arbitrage et un équilibre dans la gestion de l'espace.

Affirmer la place des Collectivités

Nombreuses sont les collectivités, mairies et communautés de communes qui ont compris tout ce que l'agriculture pouvait apporter à la ville et qui mettent en oeuvre d'important moyen pour conserver leur agriculture périphérique. Certes, l'agriculture entretient des espaces de nature, des coupures vertes qui enjolivent le cadre de vie. L'agriculture en continuité assure aussi des ceintures vertes qui jugulent l'extension de la ville et qui structurent l'espace. Au-delà de ces aménités spatiales et paysagères, l'agriculture peut approvisionner les marchés locaux et jouer un rôle dans l'animation d'un lien ville / campagne garant d'une certaine stabilité sociale.

Pour toutes ces raisons, des collectivités se sont lancées dans l'accompagnement de l'agriculture. Le portage du foncier est un élément déterminant d'une telle politique. A court terme, il permet d'installer de jeunes agriculteurs qui rachèteront leur support de travail au fur et à mesure de l'amélioration de leur situation financière. A long terme, c?est un moyen de garantir la pérennité de l'orientation agricole du foncier concerné, en le soustrayant définitivement à toute tentation de pression ou de spéculation.

Le soutien de l'agriculture périurbaine, c?est aussi l'aide apportée aux agriculteurs qui souhaitent vendre directement leur production. De telles exploitations se développent, en particulier en Provence Alpes Côte d'Azur dans le cadre du réseau d'Aide au Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP).

C'est encore l'organisation d'approvisionnement des cantines publiques (hôpitaux, écoles, administrations...) en produits locaux, sujet sur lequel travaillent Les Eco Maires en particulier.

Il faut en effet être conscient des difficultés auxquelles sont confrontées les exploitations périurbaines : nuisances, vols, difficultés d'exploitations, etc. Dès lors, ce sont surtout des exploitations à haute valeur ajoutée qui se maintiennent ainsi que des exploitations pour lesquelles le lien avec le client est déterminant. Les fermes pédagogiques, enfin, ont un rôle important à jouer dans ces territoires pour permettre aux urbains de conserver un contact avec le vivant, animal et végétal.

Approfondir le rôle des SAFER

La SAFER est une structure de médiation, de concertation et d'équilibre qui contribue à l'aménagement durable du territoire rural, en intervenant par des opérations d'orientation foncière concourant à l'intérêt général. Ses missions sont :

  1. contribuer au maintien et au développement d'une agriculture dynamique et durable,


  2. accompagner les Collectivités territoriales pour une gestion durable du foncier rural,


  3. participer à la protection de l'environnement et des paysages.


Les SAFER accompagnent donc l'agriculture en restructurant les terres pour améliorer les conditions d'exploitation et pour permettre l'installation de jeunes agriculteurs. Elles achètent parfois les terres par préemption pour éviter une appropriation par des non agriculteurs de terres stratégiques pour les exploitants. Ce rôle de protection du foncier agricole est un axe majeur de l'action des SAFER. Cependant, notamment en zones périurbaines, cela représente des coûts financiers importants et ce travail ne peut alors se faire qu'avec le soutien des collectivités qui peuvent être amenées à acheter le foncier à leur compte pour le louer à des exploitants. Ce mécanisme permet de soustraire ces terres à l'emprise urbaine et de les mettre à disposition d'agriculteurs sans que ceux-ci aient à effectuer un investissement foncier lourd. Il mériterait d'être encouragé et développé.

D?autre part, les SAFER assurent de nombreuses prestations pour accompagner efficacement les acteurs locaux dans une politique globale de gestion de l'espace rural, faire en sorte que les projets locaux ne déstabilisent pas l'agriculture et respectent l'environnement.

Ces prestations sont de plusieurs types :

Il est nécessaire que tout ce travail des SAFER se réalise dans un partenariat renforcé avec les Collectivités territoriales. Les Collectivités sont, en effet, les garantes de l'intérêt général sur les territoires qu'elles administrent. Elles traduisent les attentes des populations qui y vivent, attentes économiques, sociales et environnementales. Il s?agit donc d'assurer une interface entre les attentes collectives exprimées par les élus et les besoins des gestionnaires de l'espace que sont les agriculteurs.

En ce sens, il pourrait être proposé d'élargir le droit de préemption des SAFER pour leur permettre d'agir plus directement au profit des projets de développement des communes rurales, voire des projets environnementaux. D?autre part, il conviendrait d'organiser la transmission systématique aux maires des notifications de ventes que reçoivent les SAFER afin qu'ils puissent être mieux informés des évolutions du territoire dont ils ont la responsabilité.

Définir un projet pour chaque territoire

Cependant, on peut mettre en place toutes les mesures coercitives possibles et imaginables, planifier et organiser le territoire, zoner et protéger. Si ces dispositifs ne sont pas au service d'un véritable projet de territoire, ils seront inutiles et contournés.

En réalité, il appartient aux habitants d'un territoire de préciser leurs souhaits en matière de cadre de vie, d'activités environnantes, d'utilisation des espaces. Sur ces bases, il est possible de prévoir une affectation des espaces et surtout de créer un consensus sur cette répartition. C'est à partir de la convergence des intérêts particuliers et de l'accord de tous sur des objectifs communs qu'il est possible de gérer un territoire donné. A ce titre, l'exemple du Sicoval est particulièrement explicite.

Toulouse : Périurbain et espaces agricoles naturels : à la recherche de l'équilibre

Le Sicoval, Communauté d'agglomération au Sud-est de Toulouse, mène, depuis sa création en 1975, une politique de territoire volontaire et innovante, avec un objectif : le maintien de l'équilibre entre les zones urbaines, les espaces agricoles et naturels et les zones d'activités.

Première intercommunalité de projets, regroupée autour de 6 communes en 1975, 36 aujourd'hui, avec un grand enjeu, toujours d'actualité : concilier sur un territoire périurbain, le développement économique, la préservation des espaces naturels et la qualité de la vie. Pour y répondre, le Sicoval a élaboré dès 1993 une Charte d'Aménagement par laquelle l'ensemble des communes s?est engagé à préserver de toute urbanisation 60% du territoire. 80% des habitants du Sicoval sont des urbains qui veulent bénéficier à la fois des services que l'on trouve en ville (transports, emploi, etc.) et du cadre de vie qu'apportent les zones rurales.

La volonté affichée consiste à contrôler l'urbanisation et à maintenir l'agriculture périurbaine, qui est constamment menacée. Car les élus du Sicoval estiment que c?est non seulement une activité économique à part entière mais aussi une composante forte pour l'équilibre de notre territoire. Pour cela, un des objectifs du Sicoval est de favoriser l'installation de jeunes agriculteurs et la diversification des productions ; ce qui est un véritable enjeu sur un territoire de tradition céréalière. La forte demande de foncier et l'accroissement des prix des terres sont des phénomènes qu'il s?agit de gérer lorsque l'on souhaite maintenir un tissu agricole et rural, c?est un phénomène que nous devons gérer. La SAFER est un des organismes partenaires dans cette démarche depuis de nombreuses années. La SAFER a une connaissance unique du terrain qui lui permet d'assurer une veille précieuse de l'évolution foncière. Cela a, par exemple, permis au Sicoval de prendre en charge le stockage des terres dans le but d'installer des jeunes agriculteurs hors du cadre familial.

En juin 2003, le Sicoval et la SAFER ont formalisé leur relation par la signature d'une convention de partenariat. La SAFER est désormais l'opérateur foncier du Sicoval. A ce titre, elle doit prendre en compte les 15 000 hectares de SAU mais aussi apporter son concours à tous les stades d'un projet de zone d'aménagement différé de 274 hectares, faisant partie des 20% du territoire consacrés aux activités économiques. L'action de la SAFER, à travers un état des lieux conduit avec la Chambre d'Agriculture, permettra de mieux intégrer l'impact de ce projet sur le devenir de l'agriculture.

Le Sicoval en chiffres :

Définir un projet pour tout le territoire

Au niveau national aussi, nous devons définir un projet pour le territoire de la France. Ce projet consiste à préciser la place que nous souhaitons donner à la ville et celle qu'il faut conserver à la campagne et à la ruralité. Notre ruralité, si spécifique et qui constitue l'enracinement de notre pays, doit être préservée dans sa réalité endogène et pas seulement pour son apport à l'urbanisation.

Mais il faudra bien aussi, selon les mots de P. Donadieu, inventer un lieu de confluence entre la ville et la campagne, espace nouveau où l'artificiel et la nature se complètent sans se combattre. C'est un travail qui doit conjuguer les efforts des aménageurs, des architectes et des urbanistes afin d'imaginer un développement de la ville respectant la campagne et s?harmonisant avec la nature.

Nous devons aussi garantir une protection durable des paysages en utilisant largement les outils récents, voire en nous inspirant des méthodes et des expériences étrangères. L'Angleterre, par exemple, a mis en place des moyens originaux et efficaces de protection de son patrimoine à travers des fondations privées qui possèdent et mettent en valeur une grande partie du territoire britannique.

Un projet pour le territoire doit aussi veiller à protéger l'espace, le foncier, en faisant en sorte qu'il ne soit réorienté et consommé qu'avec parcimonie. Nous pouvons consommer nettement moins d'espaces, afin de contrer la tendance facile et peu coûteuse à l'étalement horizontal tellement consommateur de terres, tout en préservant notre taux de croissance économique. Au-delà des mots, l'objectif d'utilisation économe de l'espace affichée par le code de l'urbanisme doit devenir une réalité. Nous pouvons aussi consommer mieux cet espace, en choisissant des endroits certes moins faciles à équiper mais dont l'artificialisation ne contribue pas à détruire les espaces naturels les plus intéressants ou à priver l'agriculture des terres les plus productives.

Consommer moins et mieux le foncier, c?est aussi une façon de conserver la place de l'agriculture. Maintenir l'agriculture, mieux l'intégrer dans la ville, doit être un axe fort d'un projet de territoire capable de garantir un équilibre des espaces, une préservation de nos paysages et de notre cadre de vie.

Ce n?est que sur la base d'un projet, impulsé par une volonté politique, défini en concertation et accepté par tous que les outils et les règles mis en place pourront fonctionner. Le rôle de l'Etat est de veiller à la définition d'une stratégie globale, d'en assurer la cohérence.

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CONCLUSION

C'est donc un débat que souhaitent lancer les SAFER en publiant ces quelques réflexions, débat qui intéresse l'ensemble de la société et auquel doivent prendre part tant les élus que les représentants du monde socioprofessionnel, que les associations, que les simples citoyens.

Fortes de leur expertise en matière foncière, de leur savoir-faire dans l'aménagement rural, les SAFER sont prêtes à nourrir ce débat en y apportant les éclairages techniques nécessaires.

Elles sont prêtes à proposer des solutions, au-delà des pistes de réflexion contenues dans ce document. Enfin, les SAFER sont à la disposition des paysans, des élus, des collectivités et du pays tout entier pour mettre en oeuvre les mesures les plus pertinentes destinées à conserver notre patrimoine commun, à faire en sorte que la France reste un pays d'harmonie, d'équilibre et de beauté dont la qualité de vie contribue au bonheur de ses habitants, à l'intérêt et à l'envie de ceux qui nous entourent.

Nous serons ainsi en mesure de transmettre aux générations qui nous succèderont un pays portant la trace de son enracinement, non comme un souvenir, mais comme un signe vivant de notre attachement à un art de vivre rural, à une culture, à une civilisation.

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    (Sociétés d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural)
    91, rue du Faubourg Saint Honoré
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Mis à jour le 15/7/2023 pratclif.com