Captage d'eaux de résurgences de karsts sous la mer

Var Matin 8 sept 2006 Pierre-Louis Pages

Juillet 2003 : au large de Menton, grâce à un astucieux système de « parachute », la société Nymphea Water, installée à Aubagne, réussissait à ramener en surface l'eau de La Mortola : une source sous-marine, fournissant une eau quasiment aussi douce que celle d'une source de montagne...

Trois ans après, en dépit d'un débit non négligeable de 100 litres par seconde, représentant quelque 3 millions de mètres cubes à la fin de l'année, cette résurgence n'est toujours pas exploitée. Et ne le sera probablement pas de sitôt.

« En cas de besoin »

Avec la rivière La Roya et les Alpes dans le dos, Menton ne souffre pas de pénurie d'eau. La source de La Mortola ne constitue donc qu'une réserve, facilement utilisable en cas de crise «, explique Pierre Becker, le P.-d.g. de Nymphea Water.

Idem pour la résurgence de PortMiou, connue depuis l'Antiquité. Un gisement gigantesque d'eau, une belle réserve au sujet de laquelle Pierre Becker est en contact avec la municipalité de Cassis. - Pour l'exploiter un jour, en cas de besoin. Là encore, seulement en cas de besoin...

On l'aura compris, en dépit d'un prix défiant toute concurrence (0,1 €/m3), l'exploitation des sources sous-marines d'eau douce n'est pas pour demain. Du moins le long des côtes méditerranéennes françaises. Et si Pierre Becker a laissé son installation à la sortie de La Mortola, c'est que la source mentonnaise lui sert de « démonstrateur mondial ».

La moitié de la consommation de la Syrie

Car les projets de captage d'eau douce en mer ne manquent pas, surtout au Proche et Moyen-Orient.

Actuellement en négociation avec la Syrie, Nymphea Water pourrait ainsi exploiter prochainement une source couvrant la moitié des besoins annuels en eau du pays, soit 100 millions de mètres cubes!

A Dubaï, dans le golfe Persique, en deux ans de recherches géophysiques, la société aubagnaise a repéré une multitude de résurgences à une quinzaine de kilomètres de la côte à peine. Si Pierre Becker sait très bien que cela ne suffira pas à alimenter l'émirat, il envisage néanmoins de collecter cette eau et de la réinjecter dans la nappe phréatique dans laquelle pompe Dubaï.

Mais le projet le plus avancé reste celui des très touristiques Iles Baléares, où Nymphea Water devrait bientôt installer la dernière évolution de son système de captage, mise au point à La Seyne-sur-Mer dans le bassin de houle First, avec la collaboration de l'école d'ingénieurs toulonnaise ISITV.

Les pêcheurs, des témoins précieux

Si, pour localiser avec précision les sources sous-marines, Pierre Becker utilise des avions munis de caméras infrarouges ou encore des bateaux équipés d'appareils de mesure de salinité, de température et de conductivité, il ne néglige pas pour autant les témoignages des pêcheurs. Ainsi, au large des côtes de Dubaï, c'est grâce aux indications des pêcheurs de perles qu'il a repéré les premières résurgences. « Là où il y a des sources d'eau
douce, les perles étaient plus belles! » s'amuse le P.-d.g. de Nymphea Water.

Suivant la même logique, Pierre Becker est à la recherche de témoignages de pêcheurs travaillant en rade d'Hyères et ayant connaissance de l'existence de sources sous-marines. Qui sait, la solution au problème de pénurie d'eau de l'île voisine de Porquerolles viendra peut-être du fond de la mer...


Commentaire: Cet article ne mentionne pas le problème de l'intrusion d'eau salée dans la source et de pollution de celle-ci par l'eau de mer. Dans de nombreux sites dans le monde l'eau de ces sources est saumâtre. Voir sites en Croatie et explications en Israël. Source de ces deux documents École des mines de Paris. Et plus encore ce site d'Eric Gilli, Professeur à l'Université Paris 8 & UMR Espace 6012 Nice.

Voir aussi ce site sur les karsts


Mis en ligne le 10/09/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)