À propos de la loi Alur (Accès au Logement et un Urbanisme Rénové)

par JULIEN MEYRIGNAC de CITADIA; extrait de leur newsletter N°8 de mai 2014 (j'ai supprimé les passages en anglais).

Que faut-il penser de la loi ALUR? Rien, il faut faire avec. Il faut faire avec les inepties d’un texte qui cristallise les paradoxes d’un Etat bipolaire qui alterne les épisodes dépressifs sur le logement et les accès maniaques sur l’environnement. Vous, lecteurs de cette newsletter connaissez le pitch: logement social blablabla, trame verte blablabla, économie foncière blablabla, suppression du COS blablabla, tableaux de bords blablabla…

Il faut faire avec de nouvelles exigences qui pourraient, malgré tout, se révéler vertueuses si les moyens étaient donnés à l’ambition. ....

Allez, soyons concrets : sera-t-il possible de faire des PLUiHD, véritables outils de programmation urbaine et d’équilibre social avec le budget d’un coussin berlinois à l’approche d’un sénilorium? Nan, no, niet, nib. Mais ils seront pourtant faits. Pas par des sociétés de conseil qui emploient des cadres confirmés et respectent la convention collective, pas par des gens capables intellectuellement et matériellement. Ils seront faits par des conglomérats d’auto-entrepreneurs et autres associations ou GIE, qui se présentent géants par la magie du website et des réseaux sociaux, mais qui ne sont le plus souvent que l’association opportuniste d’esclaves modernes, usurpant leur crédibilité et s’estimant heureux de gagner le smic en travaillant dans leur cuisine.

Car la commande publique n’aura de plus en plus souvent pas d’autre choix que le deal loose-loose : loose du commanditaire qui n’aura pas ce qu’il devrait légitimement avoir, et loose du prestataire qui va bricoler jusqu’à atteindre son Graal : intégrer la maîtrise d’ouvrage. On nous prévient que ce n’est que le début de la fin, que les budgets vont être de plus en plus serrés, que le recours au moins disant sera généralisé. Certains confrères ont disparu, d’autres commencent leur descente aux enfers: licenciements économiques et réponse aux appels d’offres sur des budgets à pertes. Les plus béats nous somment de ne pas nous inquiéter: le privé va venir au secours du public.

Peut-être, très bientôt, laisserons-nous nos enfants dans des crèches Procter & Gamble, avec des cantines Nestlé et des playground Decathlon. Mais alors, si nous renonçons à payer l’intelligence, sans doute aurons-nous des PLU Google ? Comment ça, il y en a déjà?