LA LOI ALUR : POUR UN URBANISME DE PROJET?

La loi ALUR : loi du 24 mars 2014 pour un Accès au Logement et un Urbanisme Rénové
par Denis Leddet de CITADIA; extrait de leur newsletter N°8 de mai 2014

La loi a été promulguée le 24 mars 2014 et a été publiée au journal officiel du 26 mars 2014. Si les mesures à destination du logement occupent une grande partie du texte et ont été largement soulignées par les médias, ce texte comporte également de nombreuses dispositions en matière d’urbanisme : 4 grands titres dont 3 sont consacrés au logement et 1 à l’urbanisme dont l’ambition est notamment de sécuriser, moderniser, et simplifier l’élaboration des documents de planification et les démarches d’urbanisme opérationnel. On observera que les documents de planification tels que le SCoT et le PLU sont appelés à évoluer, tant sur la forme que sur le fond. Ces évolutions s’inscrivent dans la continuité des objectifs initiaux des lois Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU), Urbanisme et Habitat, Grenelle de l’Environnement … que sont la démarche de projet, la gestion économe de l’espace, la coordination des différentes politiques publiques… et en filigrane, toujours, la recherche de production de logements.

Le Grenelle de l’environnement a introduit également une meilleure prise en compte des questions relatives à l’énergie, à la lutte contre la production de gaz à effet de serre, à la biodiversité et surtout a généré un dogme de la densification. La loi ALUR renforce ce volet et vise à permettre de produire plus de logements grâce à une réforme de l’urbanisme qui tente de concilier construction et limitation de l’étalement urbain. Au-delà des adaptations sur la forme des documents d’urbanisme, (pour lesquelles nous renvoyons à la lecture des différentes fiches ou commentaires publiés sur ce sujet soit par le ministère soit par certains médias spécialisés), on retiendra que les dispositions de cette loi devraient conduire à apporter plus d’attention à l’urbanisme de projet qu’on ne le faisait auparavant. Si les PLU doivent continuer de prévoir, en compatibilité avec les SCoT, à capacité d’accueil constante, une forte diminution de la consommation d’espaces agricoles et naturels, ils devront nécessairement encore mieux programmer l’accueil des constructions nouvelles à travers une approche plus qualitative traduite par une réflexion préalable sur les formes urbaines.

Or, ces derniers temps, en lien avec la mise en oeuvre des mesures issues des lois Grenelle, et en particulier la place grandissante du dogme de la densité, on a observé une certaine tendance à analyser les documents de planification presque uniquement à travers leur capacité à s’inscrire dans un objectif de gestion économe de l’espace, et donc à travers une lecture de tableaux d’hectares mobilisés pour un nombre de logements donné et une densité parfois imposée. Cette loi est de nouveau l’occasion pour l’ensemble des intervenants – élus, bureaux d’études, services de l’État – de se défaire enfin des vieux réflexes hérités des POS, de sortir du stade normatif et d’envisager l’urbanisme autrement: il s’agira notamment en matière de PLU de donner réellement la priorité au projet urbain et de ne prévoir que les règles essentielles pour la mise en oeuvre du projet, et d’adapter la norme au projet (et non l’inverse). Le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation, et aujourd’hui une nouvelle présentation thématique du règlement permettent mieux encore de passer de l’urbanisme « réglementaire » à l’urbanisme « de projet », si projet il y a.

L’urbanisme de projet n’est pas une idée nouvelle. Mais, en instillant de nombreux ajustements sur la forme des documents d’urbanisme, la loi ALUR l’a réintroduit en filigrane. Il s’agit donc de trouver le juste équilibre et la bonne articulation entre planification et projet urbain et ne pas subordonner l’un à l’autre. La planification a vocation à rester l’outil de cohérence de l’aménagement et du développement d’un territoire, fixant les objectifs à moyen terme et assurant les nécessaires équilibres sociaux, économiques et environnementaux.

S’engager dans une démarche d’urbanisme de projet signifie donc de concevoir la planification urbaine et territoriale dans une démarche de dialogue favorisant la fertilisation mutuelle entre le projet et les documents d’urbanisme et l’intégration du projet dans le territoire. Cette démarche suppose une itération et des ajustements permanents et, par conséquent, des documents d’urbanisme dont les modes d’expression graphiques et réglementaires soient adaptés. La voie est donc ouverte pour concevoir des démarches d’urbanisme multiples dont la force et la pertinence résideront dans leur capacité d’adaptation et dans notre faculté à faire preuve d’innovation à la fois juridique, technique, voire artistique.

On retiendra enfin que certaines dispositions de la loi ALUR sont d’application immédiate et en particulier la suppression du COS (il en est de même pour les superficies minimales, les divisions foncières, les COS résiduels…). La suppression du COS et des surfaces minimums de parcelle, sont des éléments introduits en faveur de la qualité du cadre de vie et de la lutte contre la consommation excessive d’espaces naturels. Cette disposition n’est pas sans provoquer un « microséisme » sur certains territoires (comme les secteurs littoraux par exemple) ou le COS jouait (à défaut de mobiliser d’autres outils) le rôle de garde-fou face à la pression immobilière visant à optimiser la valorisation foncière. Cette suppression induit la possibilité depuis le 27 mars 2014 de déposer des autorisations d’urbanisme sans prise en compte de la règle du COS (sauf pour les communes encore dotées d’un POS). Il y a donc urgence pour certaines collectivités à engager une modification, voire une révision de leur PLU pour s’engager sur la voie d’une démarche de projet conciliant la gestion des constructions nouvelles par une réflexion préalable sur les formes urbaines.