Déchets, décharges, le casse tête des élus

La création d'équipements est un casse-tête pour les élus, confrontés à la grogne des riverains
Le Monde Gilles van Kote

Etienne Ferrandi, le vice-président de la communauté d'agglomération du pays ajaccien (CAPA), chargé de la collecte et du traitement des déchets ménagers, ne se fait pas trop prier pour le reconnaître : " Nous avons un coût de gestion des déchets ménagers parmi les plus élevés de France. " Avec une facture à la tonne de 450 euros (contre 176 euros en moyenne, selon les derniers chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Ademe), les déchets de l'agglomération d'Ajaccio battent des records.

La faute à une impasse dans laquelle se trouve la CAPA, ainsi que l'a révélé le magazine spécialisé Environnement & Technique dans son numéro de septembre : de décharges fermées ou saturées en projet d'incinérateur mort-né, il ne restait plus aux 33 000 tonnes de déchets produits chaque année par les Ajacciens qu'à... prendre le bateau pour le continent. Des camions les conduisent ensuite jusqu'à la décharge de La Fare-les-OIiviers (Bouches-du-Rhône), exploitée par une entreprise appartenant à Alexandre Guérini, mis en examen par ailleurs dans des affaires de blanchiment et de détournement de fonds publics.

Du point de vue financier, la situation de l'agglomération ajaccienne est atypique. Mais la gestion des déchets ménagers revient néanmoins de plus en plus cher aux collectivités territoriales. Selon un rapport de la Cour des comptes publié en septembre, son coût a augmenté de 6 % par an entre 2000 et 2009. A cela, plusieurs explications, avancées lors des Journées techniques nationales consacrées par l'Ademe, mardi 4 et mercredi 5 octobre, à la maîtrise des coûts de gestion des déchets : les normes de plus en plus strictes imposées au niveau réglementaire et environnemental, la multiplication des filières de traitement, la généralisation de la collecte sélective...

Mais ces coûts " progressent avant tout parce qu'ils sont mal maîtrisés par les collectivités ", estime la Cour des comptes, qui déplore un recours insuffisant à des outils de suivi et d'analyse. La juridiction reconnaît cependant que " les opérations de collecte, de transport et de traitement des déchets se sont considérablement compliquées depuis plusieurs années, avec, notamment, l'apparition de multiples filières de recyclage ".

Le rapport évalue le coût moyen de la gestion des déchets ménagers et assimilés à 99 euros par habitant, un chiffre corroboré par les estimations de l'Ademe, dans un contexte de baisse du volume collecté (374 kg par habitant en 2009 contre 390 en 2008).

Là où la région d'Ajaccio peut se sentir moins seule, c'est dans la recherche d'" exutoires " (décharges, incinérateurs, centres de tri, unités de méthanisation ou de compostage) pour ses déchets ménagers. Selon une projection réalisée par l'Ademe en 2009, vingt-deux départements métropolitains (hors Corse) ne devraient pas disposer des capacités nécessaires au traitement de leurs ordures en 2015. Vingt-neuf autres risquent de se trouver dans la même situation si leurs projets d'équipement en infrastructures n'aboutissent pas d'ici à 2015.

" Carences en exutoires "

Parmi d'autres exemples, la Cour des comptes relève que les Alpes-Maritimes exportent " vers le département des Bouches-du-Rhône, pourtant distant de plus de 200 km, 62 000 tonnes de boues d'épuration et 60 00 tonnes de déchets ménagers ". " Les carences en exutoires créent donc, de fait, des territoires d'accueil et multiplient les distances parcourues par les déchets ménagers qui sont à l'origine de coûts financiers et environnementaux substantiels ", constate son rapport.

Les élus locaux se heurtent de plus en plus systématiquement à des mobilisations locales contre leurs projets d'unités de traitement. Le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères Pézenas-Agde (Hérault), après la fermeture de deux incinérateurs en 2001, a ainsi dû se résoudre à envoyer ses déchets dans le Gard, le Tarn, la Haute-Garonne puis l'Aude.

" Ça devenait absurde, note Christian Richard, son directeur. Les oppositions locales ont fait capoter tous les projets, et on se retrouvait obligé d'envoyer nos déchets à 200 kilomètres. " Finalement, une décharge comprenant une unité de tri et de méthanisation devrait voir le jour d'ici à 2013.

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Mis en ligne le 05/10/2011