Le retour de l’A8bis - Episode 6

samedi 26 novembre 2005 par Jean-Raymond Vinciguerra

Depuis le 7 novembre dernier un nouveau débat public concerne le département des Alpes-Maritimes. Après le débat sur la Ligne à Grande Vitesse, pour lequel nous attendons la décision gouvernementale annoncée pour le 8 décembre prochain ; il s’agit maintenant de s’interroger sur la pertinence de doter le département d’une « armature routière majeure supplémentaire »...

De quoi s’agit-il exactement ? L’A8 dans son contournement de Nice serait en cours de saturation (air connu) ; il serait plus honnête de dire que, dans la mesure où ce contournement est émaillé de nombreux tunnels, un accident grave dans l’un d’eux, qui le rendrait impropre à la circulation pour quelques semaines, poserait de gros problèmes de réponse à la demande déplacement.

La Direction Départementale de l’Equipement, maîtresse d’ouvrage déléguée de ce projet exploite le discours de la saturation annoncée pour affirmer que la thrombose menace non seulement le contournement de Nice mais aussi la traversée de la quasi totalité du département d’Antibes jusqu’à l’Est de Nice ; notre DDE en conclut que le contournement de Nice doit se prolonger au moins jusqu’à Antibes (futur échangeur de Biot) ; et puis, tant qu’on est à Antibes, on pourrait faire un petit crochet PAR Sophia Antipolis et se raccorder à l’A8 à Cannes (futur échangeur des Bréguières).

On l’a compris trois variantes sont soumises au débat :

    Une première variante consisterait à se limiter au contournement de Nice par l’aménagement de l’A8, c’est la solution avancée par les associations.

    Une seconde variante consiste à pousser le bouchon du contournement jusqu’à Antibes-Biot, cela ressemble à l’alternative proposée par les associations ; à cela près que cette version a la particularité de traiter le contournement de Nice par un tunnel qui irait de Nice Est à Saint-Isidore, c’est nouveau et pose des questions sur lesquelles il faudra revenir.

    Une seconde variante consiste à aller jusqu’à Cannes-Bréguières en passant par Sophia, cette version traite aussi le contournement de Nice par un tunnel.

Où est le problème ? Ou plutôt quels sont les problèmes ?

  1. La « saturation » de l’A8 est annoncée par la DDE depuis 1987 et cela dans les dix années qui devaient suivre l’annonce ; l’autoroute devrait donc être hyper saturée, elle ne l’est pas, cela pousse au doute sur la bonne foi de la DDE et la crédibilité de ses prévisions.
  2. Le problème du doublement de l’A8 a été traité lors de la concertation sur la Directive Territoriale d’Aménagement (1998-2003, cinq ans de concertation tout de même), il ressort de la DTA que le traitement du problème des déplacements doit être traité en priorité par le transport collectif et par l’aménagement de l’existant, les routes nouvelles étant en dernière priorité, après évaluation de l’efficacité de l’armature de transports collectifs que l’on doit mettre en place dans ce département. Donc il est prévu de réserver des emprises pour une traversée routière majeure du département mais seulement d’en réserver les emprises et de réaliser uniquement si la nécessité apparaît après avoir réalisé tout ce qui doit l’être en matière de transports collectifs, or la DDE parle d’une réalisation du « contournement routier de Nice » pour 2020, c’est à dire demain en matière d’aménagement du territoire.
  3. Le titre même du débat travestit la réalité du contenu de ce débat : on parle de « contournement de Nice » mais il s’agit d’aller « éventuellement jusqu’à Cannes ; on parle de « contournement routier », or il s’agit bien d’autoroute. La DDE veut endormir son auditoire potentiel pour organiser un débat sans débatteur.
  4. Quelques esprits chagrins se prennent à penser que lorsque l’autoroute sera arrivée à Sophia, au lieu de tailler dans l’urbanisation huppée de Mougins, il sera sans doute très tentant de « pousser » jusqu’à Grasse où existe déjà une pénétrante qui permet de se raccorder sans effort à Cannes-échangeur ; et puis, dans la mesure où à l’époque de réalisation du projet existera aussi la liaison intercommunale de la Siagne, on pourra, en la portant à deux fois deux voies, se raccorder à Cannes-La-Bocca : CQFD. A l’appui de cette thèse, la carte des variantes où l’on peut voir une petite flèche pointée vers le Nord-Ouest qui prend sa racine sur le trait du projet Nice-Sophia-Cannes au coude de Sophia et oriente sa pointe en direction de Grasse... Bizarre, Bizarre...
  5. un « contournement » routier de Nice en tunnel ne règlerait en aucune manière le problème des encombrements de l’A8 à cet endroit, car l’essentiel du trafic y est constitué d’automobilistes et de transporteurs qui utilisent l’autoroute comme voie de communication entre les quartiers de Nice dont les voiries n’absorbent pas la demande de déplacement à l’intérieur de la ville.

Quel est Le fond du problème ?

En fait nous sommes dans une spirale sans fin : la progression démographique de notre département a engendré une urbanisation extensive et mal maîtrisée ; la spéculation foncière et les prix des logements (à la vente comme à la location) ont rendu les zones proches des emplois hors de portée des actifs, rejetés de plus en plus loin de leur lieu de travail. La réponse à ce défi de l’éloignement domicile - travail et à l’éparpillement des logements, a été seulement routière à ce jour et axée sur le déplacement individuel. Or rajouter de la route à la route favorise à nouveau l’accroissement de la distance domicile - travail, la dispersion des logements, la consommation excessive des territoires et une demande accrue de déplacement...

On ne pourra sortir de ce cercle vicieux et rentrer dans un cercle vertueux qu’en favorisant le transport collectif, en restreignant l’offre routière et en restructurant l’urbanisation.

Que faire ?

Il faut casser la logique de ce qui nous est présenté et démontrer comment les trois solutions présentées peuvent se mixer pour aboutir à une solution globale alternative qui tienne compte de l’impact des projets de transport collectif programmés pour répondre aux besoins résiduels non traités par ces projets.

Aux trois solutions proposées par la DDE, il faut opposer une quatrième solution qui préconise des réservations d’emprises pour :

Le tout aurait l’avantage de pouvoir être réalisé par phases, au fur et à mesure des évaluations successives des projets de transport collectif mis en service, au cas où le transport collectif s’avèrerait insuffisant pour répondre aux demandes de déplacement.

Il faut une étude complémentaire pour cette quatrième proposition.

Pour conclure :

On toujours parler de la saturation de l’autoroute annoncée par la DDE ; mais en fait nous sommes déjà confrontés à une réelle saturation : celle de l’air que nous respirons ; l’été dernier, les pics de pollution se sont succédés alors que l’on roulait fort bien sur l’autoroute. Ça c’est grave et c’est constaté.

La pollution annuelle directe engendrée par une autoroute, sur une portion de 1 Kilomètre, par un trafic de 35.000 véhicules / jour est de :

Quand donc les coûts induits d’une autoroute, notamment en matière de santé, seront-ils pris en compte dans l’évaluation des impacts des projets routiers ?

En attendant, il faut au moins intervenir dans les réunions des débats publics pour soutenir les interventions des associatifs et des élus qui dénoncent l’attitude de la DDE qui voudrait un débat sans débatteur pour imposer enfin un projet que la population de ce département rejette depuis maintenant près de vingt ans.

Calendrier des réunions du débat public:


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