J. Daligaux, géographe, université de Provence Aix-Marseille I, n° 71.
Qualifiée d’habitat dispersé par les uns, de mitage par les autres, l’urbanisation diffuse constitue un objet de conflit traditionnel entre les planificateurs, souvent des fonctionnaires, qui parlent dégradation des paysages ou surcoûts d’équipement, et les pragmatiques, souvent des élus, qui ne voient pas la nécessité de s’opposer sans raison forte aux demandes successives des propriétaires et des électeurs. La situation est particulièrement tendue dans le Var.
Entre les zones déjà urbanisées (U) ou naturelles à urbaniser (NA) d’une part, et les zones à conserver à l’état naturel pour l’agriculture (NC) ou pour la protection des sites (ND), les plans d’occupation des sols, dans leurs dispositions schématiques d’origine, prévoyaient des espaces tampons où la collectivité publique n’avait ni l’intention d’organiser l’urbanisation, ni celle d’interdire pour autant toute construction. C’était les zones NB. Restait à savoir la part qui serait donnée à ces espaces du laisser-faire, les ventres mous des POS.
Les zones d’habitat diffus (NB) ont joué un rôle prépondérant dans le mitage des espaces naturels et la contraction des espaces agricoles méridionaux. Dans le Var en particulier, la responsabilité partagée des services de l’État et des élus locaux dans l’amplification du phénomène est désormais bien connue. Les premiers manquent de détermination pour faire appliquer les préceptes nationaux en matière d’urbanisme, dans un contexte politique et socio-économique il est vrai difficile. Les seconds s’entêtent à mettre en œuvre des politiques d’urbanisation locales trop souvent dictées par un souci de rentabilisation immédiate et maximale du patrimoine foncier communal.
Or, une douzaine d’années après la mise en œuvre de la première génération des POS varois, riches en ferments de dérapages urbanistiques, le constat d’échec des communes qui ont massivement recouru aux zones NB est sévère. Outre la dégradation paysagère et la fragilité d’un développement local basé sur l’urbanisation individuelle, la gestion de certains secteurs d’habitations est devenue un véritable boulet financier et politique que traînent les municipalités et qui ne cesse de s’alourdir. Indolore ou perçue avec moins d’acuité dans les communes urbaines, cette dérive financière est devenue préoccupante, voire catastrophique, dans des communes rurales aux ressources budgétaires limitées.
Profitant de ce que les élections municipales de 1995 se sont accompagnées d’une mise en révision généralisée des POS, les services départementaux de l’État, appuyés par la chambre d’agriculture du Var, ont décidé d’enrayer ce processus. En effet, bien que la lutte contre le mitage ait été engagée dès la fin des années 70, le Var a dû être ” rappelé à l’ordre “, parce qu’il possède la plus grande superficie nationale en zones NB, devant la Vendée. Une directive du ministère de l’Équipement (direction de l’Aménagement et de l’Urbanisme), avait d’ailleurs enjoint dès 1986 à ses services de faire appliquer avec plus de rigueur les prescriptions nationales du Code de l’urbanisme.
Peu affecté par la décentralisation, le pouvoir de contrôle de la direction départementale de l’équipement (DDE) et de la direction départementale de l’Agriculture et de la forêt (DDAF) sur l’élaboration des POS devrait leur permettre de réduire de façon drastique le périmètre de ces zones et d’en paralyser toute nouvelle extension spatiale. Cette stratégie repose sur une double fragilité juridique des POS méridionaux en général, et varois en particulier : la plupart des zones NB sont surdimensionnées et l’équilibre entre espaces urbanisés et naturels prôné par le Code de l’urbanisme n’est pas respecté.
Mais si l’État et nombre d’élus y trouvent un intérêt commun et semblent avoir mis temporairement fin à une relation conflictuelle ancienne, ce nouveau mode d’urbanisation et de redistribution des plus-values foncières ne satisfait pas toutes les municipalités et menace de soulever un vent de fronde chez des propriétaires lésés par la perte de ce qu’ils considèrent comme des ” droits à bâtir “.
Créés théoriquement pour entériner l’existence de secteurs déjà mités, et ne devant pas donner lieu à un effort d’équipement de la part de la commune, les zones NB ont immédiatement dérogé à leur objectif initial en se multipliant et en englobant dans les premiers POS des secteurs vierges de constructions souvent très importants. Ce zonage a représenté en effet dans la plupart des communes un moyen providentiel de maximalisation et de diffusion de la rente foncière, et pour beaucoup de maires un instrument politique dont l’efficacité a été fortement accrue par le contexte de renchérissement rapide du foncier constructible des années 80. En outre, les zones NB ont paru constituer durant quelques années pour les municipalités rurales une ressource financière importante. Par la taxe locale d’équipement (TLE) lors de la construction, puis annuellement par la taxe sur le foncier bâti et la taxe d’habitation, la fiscalité directe sur le foncier bâti en zone NB a gonflé les budgets municipaux sans que les communes n’engagent de frais de viabilisation ou, a posteriori, d’équipement.
Mais le processus est désormais bien connu qui, en moins de dix ans, a vu s’effondrer la rentabilité financière de ces zones. Dans des communes rurales où la majorité électorale se joue souvent à quelques dizaines de voix, la pression électorale des groupements de propriétaires ” oblige ” le maire à prendre en charge l’équipement, souvent lourd, de ces secteurs (eau, assainissement, goudronnage, pluvial…). Une étude de la DDE menée en 1993 dans plusieurs communes varoises révèle que le coût de viabilisation en zone NB varie de 50 000 à 150 000 F par habitation (voir tableau ci-dessous), soit une dépense très largement supérieure à la somme des rentrées fiscales induites par l’urbanisation individuelle.
Or, la conjonction de plusieurs facteurs, sur lesquels les municipalités n’ont aucune prise, laisse présager une accélération de la dégradation financière. En premier lieu, le mouvement de reconversion des résidences secondaires en résidences principales, outre le gonflement des frais de fonctionnement qu’il occasionne (ramassage scolaire et ordures ménagères par exemple), accentue la pression électorale en faveur d’un équipement de la zone. Et ce, de la part de résidents d’origine urbaine dont l’attitude vis-à-vis des municipalités est de plus en plus revendicative. En outre, les frais d’acquisitions foncières nécessaires à la pose des réseaux sont très élevés et augmentent sans cesse puisqu’ils concernent des terrains constructibles.
Enfin et surtout, malgré l’instauration ou le renforcement de garde-fous dans le règlement des POS (plafonnement des surfaces de planchers, réduction des coefficients d’occupation du sol) et une jurisprudence favorable (arrêt Damiano1), la densification des zones NB par détachements parcellaires est très difficile à ralentir. En tout état de cause, elle demeure quasiment impossible à planifier dans le temps et dans l’espace de façon satisfaisante.
Dans un contexte déjà ancien de dégradation du financement extérieur des communes, ces coûts d’équipement et de fonctionnement rendent problématiques le retour ou le maintien à un équilibre budgétaire communal. Plusieurs nouvelles équipes municipales, qui n’ont pris conscience de l’ampleur du problème qu’une fois arrivées au pouvoir, doivent en priorité amortir les investissements de leurs prédécesseurs. Obligés de repousser sine die la mise en œuvre de leurs propres projets urbains ou sociaux, les nouveaux élus se retrouvent prématurément dans une situation délicate vis-à-vis de leurs électeurs. Enfin, les terrains constructibles en zone NB, moins chers et plus vastes parce que non viabilisés, exercent vis-à-vis des zones déjà urbanisées (U) une attractivité déloyale. Celle-ci peut mettre en danger les finances communales et elle hypothèque la mise en œuvre ou la réussite des projets de planification urbaine tels les plans d’aménagement d’ensemble.
Le problème des zones NB est perçu avec d’autant plus d’acuité par les communes que leurs implications financières se répercutent tôt ou tard sur la fiscalité locale avec les conséquences électorales que l’on imagine. La loi Sapin de 1993, destinée à éviter la collusion entre le financement des partis politiques et celui des communes, met en lumière le coût réel des zones NB. En premier lieu, la limitation de la participation financière des aménageurs aux stricts besoins des zones d’aménagement concerté (ZAC) a déjà mis un terme aux rentrées d’argent exceptionnelles qui avaient servi à viabiliser des zones NB. En second lieu, par le cloisonnement strict des différents postes budgétaires, les coûts d’installation du réseau d’eau (en zone NB comme en zone U) seront intégralement répercutés sur le prix de l’eau, et non plus compensés par d’autres ressources budgétaires communales.
Ces mesures renforceront légitimement la rancœur des habitants des zones U vis-à-vis des zones NB, dont la création aura finalement profité essentiellement aux propriétaires-vendeurs et aux intermédiaires, mais dont le fonctionnement et l’équipement incombent à l’ensemble des contribuables locaux.
La gestion politique d’un zonage NB déraisonnable révèle d’autres types de clivages au sein de la population. Les néo-ruraux, dont le poids électoral ne cesse de se renforcer, dénoncent aujourd’hui le risque de dégradation paysagère que fait courir la densification des zones NB existantes ; et cela même s’ils ont eux-mêmes largement profité des opportunités foncières ainsi offertes. Parallèlement, la population autochtone est devenue plus circonspecte vis-à-vis d’une urbanisation individuelle débridée, qui consomme beaucoup d’espace et fait naître aujourd’hui des conflits d’usage entre utilisateurs traditionnels et nouveaux habitants de la forêt. Dans de nombreuses communes rurales du Var, cette double influence a grandement favorisé des basculements de majorité lors des élections municipales de 1995, essentiellement au détriment d’élus sortants qui avaient fait preuve d’une trop large ouverture foncière.
Inversement, la pression de certains propriétaires fonciers autochtones en faveur de l’extension des zones NB ne se relâche pas et complique le jeu politique local. L’analyse des enquêtes publiques liées aux révisions de POS, réalisée dans plusieurs communes varoises2, indique très clairement qu’un ” mythe de la zone NB ” s’est développé chez les propriétaires fonciers. Même dans l’esprit des moins opportunistes, la souplesse réglementaire de ce zonage doit continuer d’offrir à la municipalité la possibilité d’une valorisation rapide du foncier et d’une large redistribution des plus-values. Cela a été le cas depuis la création des premiers POS et sous le régime des documents d’urbanisme antérieurs. Pire, l’extension du front de contact entre zones NB et zones agricoles (NC) provoque de façon logique et classique un développement rapide des friches viticoles spéculatives et menace la pérennité d’un outil économique encore essentiel dans de nombreuses communes.
Dans les deux tiers des communes varoises, le problème des zones NB est donc préoccupant et ne manquera pas de s’amplifier. Enrayer l’extension de ces zones pour mieux gérer celles qui existent déjà est devenu une priorité.
Le cas de Pourrières, commune limitrophe des Bouches-du-Rhône et située dans l’aire d’influence de l’agglomération d’Aix-Marseille, est particulièrement éclairant. L’implantation d’une unité de production Thompson dans la région, s’ajoutant au phénomène classique de périurbanisation, menace d’y faire doubler la population en quelques années en raison du potentiel de constructibilité immédiate recelé par des zones NB surdimensionnées. Et ce d’autant plus rapidement que la commune de Trets, choisie pour accueillir l’usine et ses taxes professionnelles, a diminué ses propres capacités d’accueil afin de renvoyer ” ses actifs ” vers les communes voisines. Contrainte de réduire ses possibilités d’accueil, la municipalité de Pourrières reste néanmoins soucieuse de ménager une partie de son électorat en ne lésant pas ouvertement et délibérément les propriétaires fonciers. Tout en soutenant officiellement les intérêts des propriétaires, le maire a donc demandé à la DDE et la DDAF, à la faveur de la révision du POS, de l’aider à réduire la capacité d’accueil des zones NB en diminuant considérablement leur superficie et en augmentant les seuils de constructibilité dans les secteurs restants. L’objectif est de diminuer de moitié le potentiel immédiatement utilisable (de 865 à 414 constructions). Ces appels lancés par les maires à l’administration se multiplient depuis les dernières élections et, en phase avec les directives urbanistiques varoises, créent un mouvement favorable à une diminution des zones NB, voire, à terme, à leur disparition par reclassement en zones U.
La DDE n’a jamais dissimulé aux élus locaux qu’elle désapprouvait un zonage dont elle devinait les effets pervers. Dans plusieurs communes, cette discordance de points de vue a d’ailleurs retardé de plusieurs années la mise en œuvre des premiers POS, avant que les maires ne parviennent enfin, à la faveur d’appuis politiques judicieux et moyennant quelques concessions, à imposer leur volonté initiale d’une urbanisation débridée. Mais aujourd’hui, un faisceau de facteurs semble donner à l’administration une volonté réelle d’appliquer sa politique de réduction des zones NB.
En premier lieu, le bilan très mitigé de cette première génération de POS ” décentralisés ” a conforté DDE et DDAF dans leur conviction profonde selon laquelle la plupart des communes rurales seraient incapables de planifier et d’organiser elles-mêmes de façon rationnelle leur développement urbain. Les reproches à l’encontre des élus sont bien connus : vision à court terme, absence de véritable politique de développement urbain, incapacité à conceptualiser le fonctionnement de la commune, manque de connaissances techniques et juridiques, penchant électoraliste trop prononcé… Ce constat sévère encourage l’administration dans son travail de récupération des prérogatives urbanistiques qu’elle avait très partiellement abandonnées aux communes lors de la décentralisation. Par la réduction des zones NB, DDE et DDAF ne font que rappeler aux communes, avec une détermination renforcée, l’obligation qui leur est faite de respecter les préceptes nationaux en matière d’urbanisme : préserver le patrimoine national et sauvegarder leurs atouts économiques, c’est-à-dire, dans le Var, les espaces agricoles et les paysages naturels.
Ensuite, le mitage des espaces forestiers en région méditerranéenne pose le problème des incendies de forêts. Or, même si la décentralisation a donné aux maires la responsabilité d’octroyer des permis de construire, les récentes inondations, comme les incendies de forêt, ont montré que l’opinion publique, dans sa tendance à l’amalgame, invoque inéluctablement la responsabilité des préfets. Ceux-ci ne manquent d’ailleurs jamais de rappeler aux communes que l’État, responsable de la sécurité publique, ne saurait favoriser la construction dans des zones exposées à des risques d’incendies aussi sérieux que le sont certaines zones NB. D’autant que l’hypocrisie ayant permis pendant longtemps de construire en forêt sous prétexte de prévention et de lutte contre les incendies est désormais presque unanimement désavouée.
D’autres considérations, d’ordre financier, entrent en ligne de compte. Avec la politique nationale de réduction des déficits publics, l’heure est désormais à une gestion plus rationnelle des financements qui doit débuter à l’échelon communal. Dans cette optique, les zones NB apparaissent comme une cause de gabegie et de saupoudrage inefficace des aides de l’État ou du conseil général. C’est le cas notamment lorsque la dotation globale d’équipement ou les prêts bonifiés servent à les viabiliser. De même lorsque l’argent destiné à la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) est utilisé en priorité pour protéger des zones d’habitat diffus isolées et particulièrement vulnérables.
Fortes d’une volonté plus affirmée que par le passé, DDE et DDAF, soutenues par la chambre d’agriculture, se sont fixé comme objectif prioritaire de réduire les zones NB à ce qu’elles auraient dû rester : un périmètre englobant les secteurs déjà mités et excluant donc les secteurs vierges. A fortiori, aucune extension ou création de zones NB ne semble plus envisageable.
Le caractère litigieux de la plupart des zones NB repose principalement sur deux contradictions originelles vis-à-vis du Code de l’urbanisme. D’une part, le fait qu’elles englobent de vastes secteurs vierges de constructions va à l’encontre de l’article R. 123-18-2 §b du Code de l’urbanisme, selon lequel le POS comprend des zones NB ” desservies partiellement par des équipements qu’il n’est pas prévu de renforcer et dans lesquelles des constructions ont déjà été édifiées “. D’autre part, leur extension déraisonnable et/ou leur multiplication prêtent le flanc aux articles L. 110 et L. 121-10, qui préconisent de gérer le sol de façon économe, d’assurer la protection des milieux naturels et des paysages, et de préserver les espaces forestiers et les activités agricoles. Ce dernier point est conforté par l’article L. 123-1-1 qui recommande, dans le zonage du POS, de ” prendre en considération la valeur agronomique des sols, les structures agricoles, les terrains produisant des denrées de qualité supérieure “. Autant d’articles dont l’interprétation, parce qu’elle est forcément empreinte de subjectivité, attise les antagonismes.
Un autre angle d’attaque juridique, plus récent, est fourni par le problème des incendies. Il est en effet prévu dans certains secteurs sensibles d’invoquer l’article R. 111-2 selon lequel ” Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. ” Ces dispositions sont complétées par celles de l’article R. 111-4 : ” Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l’importance ou à la destination de l’immeuble ou de l’ensemble d’immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficiles la circulation ou l’utilisation des engins de lutte contre l’incendie. Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l’intensité du trafic. ” On mesure rapidement la portée restrictive de ces règles d’urbanisme, jusqu’alors peu ou pas respectées, dans les communes forestières méditerranéennes. En outre, on ignore encore quelle sera l’incidence, sur les futurs POS, des plans des zones sensibles aux incendies de forêt (PZIF) ou des plans de protection des risques naturels prévisibles (PPRNP), que le préfet devrait prochainement imposer. Ces mesures, sous une autre dénomination, ont déjà bloqué l’extension des zones NB dans plusieurs communes du Lubéron.
Les modalités d’application de cette politique, qui peuvent surprendre par leur rigueur, ne relèvent pas simplement du discours de la DDE et de la DDAF. Elles apparaissent déjà dans la nouvelle configuration des POS dont la révision est suffisamment avancée. Si l’administration parvient à imposer ses vues, le nouveau zonage devrait donc être calculé au plus juste et seul le remplissage de quelques ” dents creuses ” sera toléré, à condition que le nombre de constructions réalisables reste faible. Parallèlement, un maximum d’espaces doivent être reclassés en zone NC ou ND. Enfin, la nouvelle loi Paysage, entrée prudemment en vigueur depuis juillet 1995, devrait contribuer à réduire les secteurs NB dont l’impact visuel, en cas de remplissage ou de densification, porterait préjudice à l’intégrité du paysage.
Bien qu’il faille attendre une jurisprudence qui ne manquera pas d’être abondante, les quelques communes et les nombreux propriétaires opposés à cette politique de réduction des zones NB semblent actuellement disposer de recours limités.
En ce qui concerne les particuliers, hormis pour les demandes de certificats d’urbanisme et de permis de construire antérieures à la publication de la délibération ou de l’arrêté préfectoral prescrivant la révision du POS, les refus ou les mises en sursis à statuer seront systématiques. Cette procédure facultative de protection laisse à l’administration un large pouvoir d’appréciation mais implique une motivation sérieuse pour emporter la conviction du juge administratif en cas de recours. Elle peut néanmoins paralyser toute urbanisation et donc placer l’administration dans une position de force vis-à-vis des communes récalcitrantes. Beaucoup de propriétaires ayant trop prolongé le jeu de la spéculation vont très vraisemblablement voir geler, puis disparaître, ce qu’ils considèrent à tort comme des ” droits à bâtir ” définitifs mais qui sont en fait liés aux dispositions d’un POS qui peut changer. Pour les communes désireuses de conserver l’intégralité de leurs zones NB, la révision du POS va donc se transformer en bras de fer avec les services de l’État.
Après avoir engagé une procédure de révision totale, la commune d’Aups, ayant pris conscience de la menace pesant sur ses zones NB, a décidé de faire machine arrière. Elle s’est donc rabattue sur une révision partielle, s’appliquant aux zones U et NA (d’urbanisation future) sub-villageoises mais excluant de son champ les zones NB. Le service du contrôle de légalité n’en a pas moins attaqué la validité du POS au titre des articles L. 110 et L. 121-10, et dans ce cas particulier, de l’article L. 145-1 (loi Montagne). Cette procédure devrait entraîner une mise en conformité du prochain POS avec les dispositions du Code de l’urbanisme.
Si elle parvient à résister aux pressions politiques qui ne manqueront pas d’être fortes et à la jurisprudence, la politique de réduction spatiale des zones NB va constituer un véritable tournant dans les modes d’urbanisation des communes varoises. De même que la loi Littoral a profondément modifié le développement urbain des communes côtières, la contraction des zones d’habitat diffus non planifié va bouleverser dans les communes rurales et périurbaines des processus de développement presque cinquantenaires. Annihilant les stratégies électorales de redistribution maximaliste des plus-values foncières, remettant en cause la pérennité d’une fiscalité locale directe reposant sur l’extension du foncier bâti, ces mesures urgentes et tardives vont obliger élus locaux et services de l’État à se pencher sur de nouvelles voies de développement communal. Après une longue période de dérive urbanistique, on peut envisager avec un certain optimisme l’ouverture dans les communes rurales du Var d’une phase de gestion raisonnable des espaces naturels périurbains.
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1. Conseil d’État 18 décembre 1985.
2. Cf. Jacques Daligaux, thèse de 3e cycle, à paraître.