Dans les sociétés libérales, la Constitution garantit à tout citoyen la liberté "éthique" de mener sa vie, dans le cadre des lois, comme il l'entend. Chacun doit pouvoir décider de ce qui est bon pour lui, de la personne qu'il souhaite être et que les autres sont appelés à reconnaître en lui. Nous présupposons par ailleurs qu'un accord général ne peut être obtenu, dans le meilleur des cas, qu'à propos de ce qui est dans l'intérêt de tous, autrement dit sur ce qui est "juste", tandis que les idées quant à une vie "bonne", ou qui ne soit pas gâchée, diffèrent selon les cultures et les formes de vie, les personnes et les biographies. Pour d'excellentes raisons, de tels projets de vie ne se présentent qu'au pluriel. Or, les interventions biotechnologiques sur les bases naturelles de la vie de l'homme nous confrontent avec le défi d'un besoin de régulation à l'échelle de la planète, y compris par rapport à des questions d'éthique. En effet, il ne s'agit plus ici de questions de justice susceptibles d'être tranchées sur la base des droits de l'homme. La question de savoir si nous souhaitons, partout dans le monde, proscrire le clonage dépend de la manière dont nous souhaitons, d'une façon générale, nous comprendre en tant que membres de l'espèce humaine. Du même coup, la controverse quant aux différentes "visions de l'homme" qui se font concurrence acquiert une signification directement politique. Et le terrain sur lequel cette controverse se déroule est celui de l'éthique de l'espèce humaine.
Les "visions de l'homme" se présentent elles aussi au pluriel, tout comme les visions du monde naturalistes et spiritualistes, humanistes et antihumanistes, religieuses et laïques dont elles font partie. Or, nous sommes contraints, y compris sur des questions politiques touchant la substance de la vision controversée que nous avons de nous-mêmes, de parvenir à une entente à l'échelle du monde.