Cet article du Nouveau Journal du pays de Fayence printemps 2016 sur la méthanisation mérite des compléments. L'auteur mélange biogaz et gaz naturel d'origine fossile, il agrège les procédés de méthanisation, considère le résidu solide (le digestat) comme un engrais (*) et évoque la séparation solide/liquide du digestat... Je complète cet intéressant article avec d'autres informations.
(*) Le digestat comme engrais ne s'applique sans difficultés ni contraintes qu'aux méthaniseurs de fermes qui traitent les effluents d'élevages [lien]
La méthanisation (ou digestion anaérobie) est un processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d'oxygène (anaérobie). Elle produit du méthane par l'action chimique de bactéries sur des matières organiques principalement végétales. On peut observer le phénomène se produire dans nos estomacs, au fond de marécages, ou de lacs ou dans nos fosses septiques. Cette réaction peut être conduite dans des bâches fermées faites en caoutchouc extensible [lien]. On y injecte des déchets biodégradables. Sous l'action chimique des bactéries, ces déchets sont transformés en biogaz (méthane et CO2) qui gonfle la bâche, et d'autre part un résidu: le digestat. Les unités de méthanisation plus industrielles - sur sites de production, à la ferme, ou pour le traitement de la fraction fermentescible des ordures ménagères- utilisent le même procédé en contrôlant la pression et la température pour accélérer le processus de transformation.
La chimie des bactéries: Les bactéries acidogènes transforment la matière organique en acides. C’est l’étape d’hydrolyse et d’acidogènése. Les bactéries méthanogènes vont dégrader ces acides en biogaz constitué essentiellement de méthane (CH4) à 50-70%, de dioxyde de carbone (CO2) à 50-30%, d'hydrogène sulfuré, de vapeur d'eau et autres impuretés nuisibles car corrosives [lien].
Les origines des déchets biodégradables et les différentes possibilités d'utilisation du biogaz produit par la méthanisation sont illustrées sur cette figure. Ce sont (utilisations):
Toutes les utilisations ne sont pas possibles en même temps.
Pour en savoir plus, il faut consulter le dossier de l'Ademe consacré à la méthanisation.
Le charbon, le pétrole et le gaz naturel fossiles, ont été produits de la même manière au cours de millions d'années, puis enfouis à grande profondeur. Le charbon reste en place et forme les nombreux gisements exploités de par le monde. Le charbon est de loin la première ressource de combustibles fossiles. Le pétrole et le gaz, plus légers, ont tendance à migrer vers la surface et à se concentrer dans des poches ce qui a formé les gisements de pétrole et de gaz exploités aujourd'hui. Il existe aussi du pétrole et du gaz qui est resté prisonnier dans la roche mère où ils se sont formés par la méthanisation; ils sont sous forme de gouttelettes et de bulles de gaz. Avec les progrès des techniques de forage et les possibilités de fracturation des roches à très haute pression pour les rendre plus perméables, on sait maintenant extraire ces ressources. C'est ainsi que l'exploitation du pétrole et du gaz de roches mères aux Etats-Unis a rendu au pays l'autonomie énergétique.
Le changement climatique et l'accord de Paris sur le climat (novembre 2015), appellent à une réduction drastique d'utilisation des combustibles fossiles, dont le charbon le plus polluant en premier lieu, pour limiter la hausse de la température moyenne de la planète due aux gaz à effet de serre. Cela implique que les pays les plus riches en énergies fossiles renonceraient à les exploiter! Pas facile pour ces pays que sont les États-Unis, la Chine, l'Australie, le Canada, la Pologne, voire l'Allemagne... car les ressources devaient s'épuiser selon la théorie du peak oil. Mais avec les nouvelles technologies, ces ressources sont plus abondantes en ce moment.
Le gaz naturel et son emploi pour le feu est connu depuis des siècles dans la péninsule de Baku, à l'ouest de la mer Caspienne en Azerbaidjan [lien]. Les gisements de pétrole et de gaz associé sont proches de la surface; le pétrole y affleurait et le gaz sortait par différents trous où le feu crachait. Un temple dédié au feu y fut construit au 18è siècle et fut l'objet de pèlerinages de zorastriens et de hindous. C'est le temple d'Ateshgah. Après la mise en exploitation des gisements de pétrole et de gaz au 19è siècle, ces poches de gaz cessèrent de produire. Un réseau de gaz alimenté depuis le gisement exploité de Surakhani est utilisé pour allumer les torches du temple pour le plaisir des touristes visiteurs.
En 1776 Alessandro Volta, l'inventeur de la première pile électrique et qui donna nom au Volt, fut intrigué par "l'air inflammable" de Benjamin Franklin"; il s'intéressa alors à la chimie des gaz: c'est ainsi qu'en novembre 1776, il préleva des capsules de miasmes des zones marécageuses du Lac Majeur et en isola la fraction inflammable, le méthane.
La méthanisation, voir ce schéma, permettrait la valorisation organique et énergétique des déchets biodégradables d'origines différentes. Dans notre pays de Fayence cela concernerait les ordures ménagères triées pour leur partie fermentescible (1), les aires de réception des déchets verts (2), les effluents d'élevages et de centres équestres, les résidus des parfumeries, des moulins à huile et de vinification, les invendus des supermarchés, des boulangeries, les restes de restauration, les boues de stations d'épuration (STEP) et des systèmes d'assainissement non collectifs (relevant du SPANC) (3)... Cette valorisation énergétique par méthanisation se traduit par la production de biogaz qui est, soit brulé (génération d'électricité et/ou de chaleur), soit injecté dans un réseau de distribution par gazoducs pour utilisations industrielles, privées, ou pour les transports. Par exemple à Lille, dans la région des Hauts de France, une centaine de bus de ville roulent au biogaz.
Le digestat ayant concentré les matières organiques, les nutriments mais aussi les polluants éventuels peut, sous certaines conditions et contraintes, être retourné au sol comme fertilisant (*). Le digestat ne sent plus mauvais! En effet par la digestion anaérobie dans le méthaniseur, les matières organiques responsables des nuisances olfactives sont neutralisées.
Pour en savoir plus sur les qualités agronomiques et sanitaires des digestats, consulter ce document de l'ADEME.
(*) Mais les digestats de méthanisation de boues d'épuration sont en général refusés par les agriculteurs. Ils sont donc actuellement considérés comme déchets ultimes et enfouis en ISDN (pour nous Balançan en 2016-2017).
Il est important d'avoir les ordres de grandeurs du bilan matières dans le traitement des ordures ménagères, pour l'ensemble de la filière: tri sélectif et recyclage, contenu de nos poubelles collectées en porte à porte, puis, ce qui n'est pas encore le cas chez nous, traitement mécano biologique pour isoler la fraction fermentescible, méthanisation de cette fraction, production de biogaz et d'un compost valorisable. Voir cette étude que j'ai faite ici, sur la base de données de l'ADEME.
Le monde agricole Fayençois est contraint par des pressions foncières ! Les centres équestres perdent beaucoup de temps à gérer leurs fumiers ! Les déchets verts sont stockés en décharge et compostés en milieu aérobie. Le méthane qu'ils produisent s'échappe dans l'atmosphère à défaut d'être valorisé. La mise en place d'un réseau de collectes orientées vers la méthanisation, produisant de l'énergie et des engrais locaux, serait donc une épine enlevée du pied de nos éleveurs et une production de fertilisants pour nos agriculteurs. Ce pourrait donc être une activité nouvelle appelée par la transition énergétique et une source d'emplois locaux.
Comment l'idée d'un méthaniseur est arrivée dans le pays de Fayence ? Au début, j'ai pris contact avec Stephanie Lavollee des écuries de Fondurane, que je remercie grandement, afin de mettre en place une étude montrant la pertinence de la méthanisation dans le pays de Fayence. Dans cette dynamique nous avons répondu à plusieurs appels d'offre. Celui du GERES (Groupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarités) nous a retenu afin de nous accompagner dans l'étude. Il s'est avéré que Clotilde Martin ancienne chargée de mission environnement à la mairie de Bagnols en Forêt avait effectué la même démarche. C'est ainsi que le GERES a rejoint les deux initiatives.
Au final, je travaille avec la communauté de communes du Pays de Fayence. En quoi consiste cette étude concrètement ? Tout d'abord, elle consiste à répertorier tous les acteurs producteurs et/ou consommateurs de matières organiques. C'est à dire : les maraichers, les éleveurs, les déchetteries, les supermarchés, les moulins, les boulangeries, les industriels et les restaurateurs. Ensuite, rassembler des données quantitatives sur les flux de matières organiques.
Par exemple, la déchetterie de Bagnols en Forêt broie 2000 m3 par an de déchets verts qui sont compostés. Finalement, récolter des échantillons de différentes matières organiques : Fumiers (équins, bovins, caprins), grignons, boues d'épuration et broyat de déchets verts.
Dans un laboratoire à Chambéry, nous réalisons ce qu'on appelle un test de pouvoir méthanogène cad. nous plaçons les échantillons dans des conditions anaérobies (sans oxygène) et nous observons les quantités et qualités du biogaz produit. A quoi sert-elle cette étude ? Elle permettra à la communauté de communes de mesurer la pertinence d'une installation de méthanisation dans le pays de Fayence.
Mon avis au terme de cette recherche:
Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com