Les outils pour limiter l’étalement urbain : doit-on agir et comment ?

On a vu qu’une extension limitée de la ville est acceptable au regard de la nécessité de fournir davantage de logements à un nombre de ménages urbains allant croissant. Néanmoins, les déterminants de l’étalement urbain, si laissés naturellement à l’œuvre, induiraient un phénomène d’une ampleur jugée excessive (*). C’est pourquoi, il apparaît nécessaire de mettre en place des politiques visant à contraindre l’étalement.
L'ampleur excessive est une perception liée à la croissance d'effets négatifs: la production de déchets de toutes natures (ordures ménagères, déchets BTP, eaux usées et vannes...), la dégradation des paysages, la déforestation, la disparition d'espaces agricoles voués à la production de nourriture, les encombrements de circulation.

La non prise en compte par le marché de certains coûts ou valeurs sociaux, c’est à dire la présence d’externalités, sont ainsi à l’origine d’un étalement urbain socialement non désirable. On peut citer trois de ces défaillances de marché ainsi que les interventions publiques destinées à les corriger (Brueckner, 2003) :

La non prise en compte de la valeur sociale associée à la présence d’espaces naturels : la conversion d’une terre agricole à un usage urbain dépendra de la valeur des constructions réalisables comparée à celle tirée de l’activité agricole, qui n’inclut pas l’aménité, pour la société, associée à la vue ou à l’accès rapide à un espace naturel (l’agriculteur n’étant pas directement payé pour cela) ; cet état de fait induit une trop forte conversion à l’usage urbain et donc un étalement excessif. Le mécanisme de prix permettant de remédier à cette situation est l’imposition d’une taxe égaleà la valeur paysagère ; la difficulté réside toutefois dans l’évaluation des avantages procurés par la présence d’espaces naturels. D’autres mesures peuvent être envisagées pour limiter cette perte de ressources naturelles : les politiques de zonage (cf infra), les politiques foncières visant à préserver des espaces naturels dans l’agglomération, la rémunération de l’entretien de l’espace par les agriculteurs qui figure parmi les objectifs de la politique agricole commune avec le découplage des aides.
La non prise en compte des coûts sociaux de la congestion et de la pollution routières : l’étalement des villes peut se traduire par une congestion automobile accrue. Si un usager emprunte des routes soumises à congestion, il aggrave la situation et impose donc à tous les autres usagers un coût en temps lié à la congestion supplémentaire ; or ce coût n’est pas supporté par l’usager ; le coût de ses déplacements domicile-travail sera donc minoré et l’usager pourra faire des choix d’implantation plus lointains, d’où un étalement majoré. Une mesure permettant de corriger cette défaillance de marché est l’instauration d’un péage urbain. En France, les collectivité territoriales ne disposent pas encore de la possibilité d’instaurer un péage urbain, ce à quoi l’adoption de la loi Grenelle devrait remédier. L’efficacité de cet outil à réduire la taille de la ville dépend cependant de l’existence de modes de transport alternatifs performants. Concernant la pollution, et notamment l’émission de gaz à effet de serre, l’internalisation du coût supporté par la société dans le coût privé de l’automobiliste peut se fair via une taxe sur les carburants. L’automobiliste confronté au véritable coût induit par ses déplacements sera incité à les réduire.
La non prise en compte de la totalité de coûts d’infrastructure des nouveaux aménagements : les coûts des nouveaux équipements sont généralement répartis sur l’ensemble de la population, induisant un paiement moindre pour la population qui en bénéficie directement ; les logements peuvent donc être payés plus cher et l’offre sera plus abondante, d’où un étalement excessif. La modification du système de financement des équipements collectifs dans le sens d’un recouvrement total de leur coût par ceux qui le génèrent permettrait de corriger ce dysfonctionnement.

Néanmoins, toute politique de cette nature doit être finement calibrée, dans la mesure où elle se traduit par une augmentation du prix du logement, conduisant à une réduction de la surface des résidences et donc à un impact certain sur le bien-être des consommateurs.

Actuellement, les politiques mises en œuvre pour contrôler l’étalement urbain relèvent généralement de la catégorie de la frontière urbaine (« urban growth boundary » en anglais). Ce sont des instruments limitant spatialement l’extension de la ville en interdisant l’aménagement de terrains au delà d’une frontière délimitée. Les politiques de zonage sont de ce type.

J.K. Brueckner (2004) considère ces mesures comme risquées : si trop restrictives, elles peuvent mener à une flambée des prix et à une densification excessive, conduisant à une diminution du bien être social. Il se prononce donc en faveur de taxes calculées au plus juste pour corriger les défaillances de marché précédemment énoncées.

En revanche, J. Cavailhes (2004) estime pour sa part qu’un zonage dans un plan d’occupation des sols bien conçu doit mener à l’optimum, par le classement en constructible et en non constructible de la bonne proportion de terrains.

En outre, il convient de réaliser un inventaire des mesures existantes susceptibles d’encourager l’étalement urbain. L’effet du prêt à taux zéro, qui finance essentiellement la construction de maisons individuelles localisées dans les secteurs périurbains, a notamment été discuté.

Au final, face à ces difficultés, on privilégie une approche empirique : les politiques actuelles visent avant tout à répandre sur tout le territoire de bonnes pratiques en matière d’aménagement urbain. Les expériences et les initiatives, généralement portées par des collectivités locales, foisonnent actuellement et l’effort porte actuellement sur la sélection des meilleures pratiques par le partage des expériences.

Les principaux outils actuellement disponibles visent à prendre en compte les territoires dans leur globalité tels que :

les agendas 21, qui permettent aux collectivités locales de faire reconnaître leurs stratégies d’aménagement comme durables notamment en termes de gestion économe de l’espace, ainsi que les conventions des maires ;
et les documents d’urbanisme (notamment les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme), qui contiennent des dispositions visant à limiter l’étalement urbain et à prôner une densité minimale de construction. L’évaluation environnementale des documents d’urbanisme permet de retenir les projets les plus probants pour enrayer l’étalement urbain en anticipant les effets pervers que des politiques de zonage peuvent induire (report d’urbanisation).

Le Grenelle II de l’environnement devrait contenir des mesures permettant d’aller au-delà de ce qui est réalisé actuellement en termes de protection des zones naturelles : objectifs chiffrés en termes d’élaboration de nouveaux SCOT et d’agendas 21, mise en place d’une trame verte et bleue permet de réinstaurer une continuité des écosystèmes...Le plan national ville durable lancé en 2009 va également dans le sens d’une maîtrise de l’étalement urbain, notamment par la prise en compte du traitement de cette question, et de son corollaire en termes de densité, dans l’octroi des labels « éco-cité » et « éco-quartier ».

Quoi qu’il en soit, limiter l’étalement urbain ne pourra se faire sans l’adhésion des populations locales, souvent très réticentes à l’implantation, à proximité de leur lieu de résidence, de nouveaux habitats collectifs : c’est le phénomène communément appelé « NIMBY » pour « not in my back yard ». Des efforts sont entrepris afin de démontrer au plus grand nombre que la recherche de densité est compatible avec le maintien d’espaces verts (« il faut de la chlorophylle à chaque Français », disait le Baron Haussman) et une qualité de vie élevée (présence d’équipements collectifs, de commerces de proximité...). C’est toute la logique de la gouvernance, quatrième pilier du développement durable, qui vise à associer étroitement le public à la prise de décision et à valoriser sa collaboration. Cette gouvernance est désormais à l’œuvre dans la majorité des programmes d’aménagement locaux.

Source: Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

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Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com