Bruno Le Maire : « Il faut changer la classe politique »

Le futur candidat à la primaire de la droite vient de rédiger son livre-projet. Il se présente en rénovateur qui veut assainir les pratiques, restaurer l'autorité de l'Etat et la valeur du travail. On connaît retraite plus austère pour travailler... C'est à La Bastide Saint-Antoine, l'antre gourmand du chef étoilé Jacques Chibois à Grasse, que Bruno Le Maire a mis la touche finale, ces derniers jours, à son livre- projet. Un ouvrage qui sortira dans quelques semaines et viendra étayer une candidature à la primaire de la droite sur laquelle ne plane aucun doute. A 46 ans, il en est convaincu, Bruno Le Maire est l'homme de la situation, celui du renouveau, qu'il articule autour du triptyque travail - mérite - autorité de l'Etat. Il reste à l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy et actuel député de l'Eure à convaincre les Français qu'au-delà d'un rajeunissement bienvenu, ses propositions sont réellement différentes et originales. En voici un avant-goût...

Vous avez semble-t-il écrit votre livre en 15 jours. Vraiment?

On peut écrire un livre vite quand on sait ce qu'on veut dire. Ce livre, je l'ai écrit après plusieurs années de déplacements en France, comme ministre de l'Agriculture d'abord puis comme député de l'opposition depuis 2012, pour écouter les Français, voir leurs difficultés, mesurer leurs attentes. Ce livre mûrissait donc en moi et était prêt. J'ai pris les quinze jours de vacances de Noël pour écrire ce que je voulais dire sur l'avenir de notre pays et les possibilités infinies qui s'offrent à lui, si nous avons le courage de faire enfin les choix politiques, économiques et culturels devant lesquels nous avons reculé depuis trente ans.

C'est-à-dire ?

Par manque de courage, on a fait de la France un pays dans lequel ceux qui ne travaillent pas peuvent vivre parfois mieux que ceux qui travaillent, parce qu'on a dévalorisé l'idée même de travail. Un pays dans lequel l'autorité de l'Etat est bafouée. Est-il normal, par exemple, qu'une personne déboutée du droit d'asile puisse rester en France ? Un pays qui a accablé ses entrepreneurs de règles et de taxes et qui les a empêchés de créer de l'emploi. Un pays enfin qui a abandonné sa culture. Il faut rappeler un certain nombre de principes simples. En France, ce sont les religions qui se soumettent à l'Etat et non l'inverse. En France, la laïcité est un principe qui ne se négocie pas. Il y a des traditions avec lesquelles on ne transige pas. J'ai été stupéfait par le débat sur les crèches, elles appartiennent à notre tradition, je ne vois pas ce qui nous empêcherait d'en mettre dans les lieux publics. Nous avons une histoire que nos enfants doivent connaître, parce que c'est la seule manière de construire notre avenir.

Les déchirures de la primaire ne risquent-elles pas d'être profondes et difficiles à raccommoder ensuite ?

Je considère que la primaire est une chance unique pour éviter que le choix politique en 2017 se résume à reprendre François Hollande qui a échoué ou tenter l'aventure avec Marine Le Pen qui n'a aucune solution pour le pays. C'est une chance unique pour faire émerger un espoir de quelque chose de différent et de nouveau. C'est une chance unique pour notre famille politique de trancher les débats qu'elle n'a pas eu le courage d'affronter depuis des années. Je souhaite que tous les Français s'emparent de cette primaire et en fassent un grand moment démocratique. Et tous les candidats doivent s'engager à soutenir celui qui aura été élu.

Juppé, Sarkozy, Fillon... Qu'est-ce qui vous distingue d'eux ?

Je ne me positionne pas par rapport à tel ou tel. Je trace ma route. Je fais le même constat que les Français ces trente dernières années : les décisions n'ont pas été à la hauteur des attentes et des nécessités. Il faut changer la classe politique, son fonctionnement et ses habitudes. Pour ça, je propose notamment qu'il n'y ait plus aucun cumul des mandats et qu'ils soient limités dans le temps. Un député ou un sénateur ne doit pas effectuer plus de trois mandats successifs. Les hauts fonctionnaires doivent démissionner quand ils font de la politique. Réduisons le nombre de députés de 577 à 400, rendons plus systématiques les peines d'inégibilité pour un élu condamné pénalement. Tout cela est nécessaire pour renouveler la classe politique et lui redonner une légitimité et une dignité qu'elle a perdues.

Sarkozy a-t-il fait son temps ?

C'est aux Français d'en juger. Le choix qui est le mien est de proposer quelque chose de totalement nouveau. Je ne suis pas là pour distribuer des bons points aux uns ou aux autres. Il faut reconstruire sur des idées neuves et des hommes nouveaux.

Venons-en à votre projet, en commençant par le rôle de l'Etat...

Le constat est qu'il y a un affaiblissement total de l'autorité de l'Etat. Le bon citoyen qui va rouler à 95 km/h au lieu de 90 aura un point en moins et une amende. Mais pour ce qui est des grands trafics de drogue, des gens du voyage qui contestent la loi sur l'autoroute Ai, de la reconduite à la frontière des immigrés illégaux, il n'y a plus d'Etat. Il faut donc rétablir un Etat républicain qui garantisse le respect des règles pour tous. Cela passe par le renforcement des moyens donnés à la police, mais surtout par un effort considérable en faveur de la justice, en arrêtant d'opposer magistrats et policiers. La justice a besoin de plus de moyens, qu'on allège les procédures auxquelles elle est soumise et de davantage de places de prison. On doit aller plus vite, ta sanction doit être immédiate et la tolérance zéro. Ça vaut pour les délits comme pour l'asile. La demande de droit d'asile prend deux ans là où elle ne devrait durer que six mois.

Vous vous êtes vivement opposé à la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem...

Pour moi, l'école est la clé du redressement français. Le projet du gouvernement repose sur des idées d'égalitarisme et de nivellement par le bas qui depuis des années affaiblissent notre pays. Le projet que je porte est celui d'un collège diversifié, dans lequel on reconnaisse le talent de chacun. Si un enfant est doué pour des filières professionnelles, il faut qu'il puisse disposer dès la 6e d'options (mécanique, génie industriel ou autres...) qui lui permettent de développer sa compétence et d'aller ensuite vers la voie professionnelle avec fierté. Il est essentiel, au lieu d'engager tout le monde dans la voie générale, de dire que l'intelligence de la main vaut celle de l'esprit. Deuxième proposition, mettre l'accent sur la grande section de maternelle et le primaire pour garantir que tous nos enfants parlent bien le français. Tout se joue à ce moment-là. Il y a un recul de la maîtrise de notre langue qui est dramatique. Une société qui ne maîtrise pas sa langue nationale est une société qui ne peut pas être rassemblée. Je crois, enfin, à la relance de l'apprentissage, en mettant des aides concrètes derrière. Il faut que les entreprises participent à la gestion des centres de formation pour définir les formations dont elles ont besoin et mettre de l'argent sur l'aide à l'apprentissage.

Vos propositions économiques sont proches de celles de François Filon, notamment...

Il existe bien sûr des points d'accord entre nous : l'emploi sera créé par les entreprises, en particulier les PME, la priorité est donc de les aider. D'abord en ramenant le code du travail à des dimensions plus raisonnables. Ensuite, en rendant le contrat de travail plus souple. Il doit nermettre d'aiuster les effectifs à la réalité des carnets de commandes. Il faut un contrat de travail qui rassure l'entrepreneur et lui permette d'embaucher en toute sécurité, c'est-à-dire de se séparer de ses salariés lorsque le carnet de commandes est vide. Comme l'a fait Matteo Renzi en Italie, il faut un contrat dont les droits progressent au fil du temps. Nous devons aussi mieux accompagner les chômeurs dès le premier jour, par un traitement personnalisé, mais en réduisant la durée d'indemnisation.

La durée légale du temps de travail et l'âge de la retraite ?

Il est stupéfiant qu'on ne soit pas encore revenu sur la durée légale du travail. Je suggère qu'on laisse les entrepreneurs et leurs salariés libres de négocier la durée du
temps de travail et le seuil de déclenchement des heures supplémentaires au sein de l'entreprise. Sur la retraite, il faut retrouver de la justice et de la transparence, que tout le monde soit soumis aux mêmes règles de cotisation. Il faut donc aligner les règles du public sur celles du privé avec un régime par points transparent, et supprimer
les régimes spéciaux.

Olivier Biscaye vous a consacré l'an dernier un livre titré Bruno Le Maire, l'insoumis. On vous imagine pourtant mal en rebelle...

La vraie rébellion est celle qui consiste à prendre les décisions devant lesquelles tous les responsables politiques, droite et gauche confondues, ont reculé depuis trente ans.

Source; Var Matin 9/1/2015

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Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com