Budgets 2015: Les communes au pain sec

Ces articles de Var Matin du 28 mai 2015 sur les restrictions budgétaires des communes m'interpellent à de nombreux titres; car le monde est infiniment complexe et personne ni aucune institution ne peut en appréhender seul tous les aspects. Dans ces articles, ce qui est donné c'est la restriction des dotations de l'État aux communes, suite aux engagements de l'État de respecter les contraintes imposées par Bruxelles en matière de déficits des finances publiques. Les communes ont un niveau de croisière de leurs dépenses de fonctionnement et d'investissements qui est directement impacté par la baisse des dotations de l'État. Comme pour toute entreprise, pour compenser, cad. assurer l'équilibre, il faut augmenter les recettes ou réduire les dépenses. L'augmentation des recettes c'est par l'endettement ou par les impôts. Et s'endetter cela veut dire rembourser plus tard cad. reporter au futur des hausses d'impôts ou des baisses de dépenses. La gestion des communes et des communautés de communes passe donc obligatoirement par ces impératifs.

Mais il y a bien d'autres aspects auxquels ces articles me font penser. Les finances publiques, le rôle de la presse et des médias dans la construction de l'opinion et l'organisation de la cité, l'activité économique, la mondialisation, les importations et exportations, l'internet et l'océan d'informations... On me dira que tout cela est sans rapport avec le sujet! Pas pour moi. Je vous propose donc ces réflexions.

D'abord les finances publiques

Je me réfère aux rapports de la Cour des comptes (CC), et aux données de l'Insee. La CC publie chaque année un rapport sur ses activités de l'année; un rapport de plus de 1000 pages où tout est repris. Le rapport 2014 est en ligne sur leur site [lien]. J'en extrais cette section significative pour mon propos [lien], ce graphique et ces quatre pages. Il en ressort que les recettes ne sont pas au rendez vous et que les dépenses continuent d'augmenter et pas seulement les dépenses exceptionnelles comme par exemple l'aide en cas de catastrophes naturelles.

L'activité économique, la mondialisation, les importations et les exportations

Les recettes sont les prélèvements sur les activités économiques c'est à dire la production de biens et de services. Si les recettes sont insuffisantes c'est parce que l'activité est insuffisante dirait monsieur de la Pallice. En cette fin de printemps où enfin le beau temps et la chaleur estivale pointent leur nez, ceux qui en ont les moyens vont acheter des mobiliers de jardin, des produits de piscine, des téléviseurs, des tablettes, des smartphones etc... Avez vous visité le Salon Habitat et Jardins à Montauroux du 23 au 25 mai 2015 [lien]? Voyez d'où viennent tous ces produits de chez Castorama, Weldom, Boulanger, Décathlon, Carrefour, Leclerc, Intermarché... j'en finirai pas... Mais de Chine voyons! Comparez les prix et la qualité, vous vous déciderez toujours ce que vous pensez être le meilleur rapport qualité prix; et en revenant chez vous, en regardant l'étiquette, vous découvrirez "made in China, imported by XXX". Meilleur rapport qualité prix signifie des produits dont les prix correspondent à vos revenus et à l'ensemble de vos dépenses, y compris les impôts à payer à l'État, à votre commune, à la communauté de communes, au département et à la région... ouf! la TVA je n'en parle pas, elle passe inaperçue, sauf quand on doit payer un artisan qui vient faire des travaux chez vous. C'est alors qu'on tente de le payer en liquide.

Pour importer des produits de Chine et d'autres pays émergents, il est évident qu'il faut leur exporter des produits et services d'une valeur monétaire équivalente. Cela signifie qu'il faut leur vendre ce qu'ils ont envie d'acheter; des avions, des centrales nucléaires, des produits chimiques, des produits pharmaceutiques, des produits agro-alimentaires... Il suffit de consulter les statistiques du commerce extérieur des douanes pour le comprendre. Tous ceux qui fabriquent des produits analogues à ceux que nous achetons en Chine - pour raison de meilleur rapport qualité prix - sont alors contraints de s'adapter en augmentant leur rapport qualité/prix pour vendre à une clientèle plus riche et plus restreinte - exemple dans le luxe avec Hermes ou LVMH, ou de s'aligner et en délocalisant dans un pays à bas coûts de main d'oeuvre, ou sinon de végéter voire de disparaître; et dans ce dernier cas, ce sont des emplois perdus, du chômage et de l'indemnisation des chômeurs via les impôts.

Symétriquement, pour exporter, la Chine et les autres pays émergents doivent importer une quantité de produits et services de valeur monétaire équivalente. Les statistiques des douanes donnent les informations symétriques nécessaires. Mais ici on est confronté à l'euro et à l'Europe. Les Chinois achètent leurs produits et services en euros; ils ont donc le choix et ce choix ne porte pas forcément sur la France. L'euro est une monnaie imparfaite car l'intégration économique des pays membres de l'euro est incomplète. Chaque pays continue comme avant et l'Allemagne dicte sa loi à tous.

Tout cela signifie que la période pendant laquelle les pays occidentaux faisaient la loi sur la planète par la colonisation est révolue à jamais.

Le rôle de la presse et des médias

Le rôle de la presse et des médias influe de manière importante dans la formation de nos opinions.
Emmanuel Kant a dit que notre expérience dépend non seulement de la nature du monde extérieur mais aussi de notre appareil perceptif et de nos catégories mentales. Il y a le monde phénoménal, le monde tel qu’on en a l’expérience, et il y a le monde nouménal, le monde extérieur tel qu’il est en réalité, et que l’on ne peut jamais pleinement connaître. Le monde étant très vaste et infiniment complexe, il n’est pas possible d'assister en direct à tous les événements qui s’y déroulent. À la place on doit les découvrir par des intermédiaires, sous une forme condensée et modélisée. C’est parce qu’ils sont des intermédiaires qu’on les appelle des médias; ce sont des organisations avec des individus qui en sont les éléments. Mais avant de diffuser des informations, ces médias et les individus qui les constituent doivent en assimiler le contenu et la signification, puis décider de ce qui mérite d’être diffusé, quand comment et de quelle manière. Dans les régimes non démocratiques ou autoritaires, ce processus est soumis à une censure qui est souvent flagrante et parfois brutale, quand l'information nuit aux intérêts des puissants qui exercent le pouvoir.

Dans son livre "la stupidité institutionnelle" Noam Chomsky soutient que, dans les démocraties capitalistes aussi, la manière de diffuser les informations est façonnée par de puissants intérêts, quoiqu’ils s’y prennent de façon beaucoup moins visible. Dans Manufacturing Consent, Chomsky et Herman montrent que le choix et la présentation des nouvelles en Occident est soumise au passage de cinq “filtres”. Le premier est le propriétaire (les conglomérats géants qui à présent possèdent la plupart des médias du monde ont des intérêts commerciaux étendus et ont tendance à décourager le rapport de nouvelles qui nuiraient à ces intérêts). Le second est que les médias dépendent de la vente de placards publicitaires, et auront tendance à exclure les sujets qui entreraient en conflit avec les “humeurs d’achat”. Le troisième est que, étant donné les ressources éditoriales limitées, ils dépendent tous de nouvelles fournies par des organismes extérieurs, y compris les services de presse des gouvernements et des entités commerciales, et sont souvent peu disposés à s’aliéner ces sources. Le quatrième est qu’ils sont contenus par leur désir d’éviter d’être “descendus en flammes” par la critique, en d’autres termes d’éviter les réactions hostiles à leurs articles. Et le cinquième est qu’ils travaillent sous contrainte idéologique, dans le passé c’était l’anticommunisme, et maintenant c’est la guerre contre la terreur. Chomsky et Herman présentent aussi des analyses statistiques sur les différents sujets traités, afin de tester la validité de leur modèle. Si l’on prend pour argent comptant les nouvelles telles qu’elles sont écrites sans prendre en considération les forces qui les déterminent, on peut s’égarer. Si l’on comprend ces mécanismes, alors on peut aussi les prendre en compte et peut-être y gagner une compréhension plus claire du monde lui-même. On peut ajouter l'influence exercée par le lobbies.

L'internet et l'océan d'informations

J'entends souvent critiquer l'Internet par ses aspects négatifs. Là aussi je me réfère à Noam Chomsky et le cite.

En conclusion, j'évoquerai le concept de la démocratie participative. Une forme de la démocratie que je n'ai trouvée qu'en Angleterre et aux États-Unis, pays où la démocratie s'exerce de façon continue depuis 1688 et 1788 respectivement. En France la démocratie ne s'est exercée que de manière discontinue; la dernière incartade remonte au régime de Vichy entre 1940 et 1945. Dans la démocratie participative, les informations, les débats se déroulent "bottom to top" autant que "top to bottom". Chacun peut s'exprimer librement sans crainte d'être ridiculisé par les gens d'en haut qui savent et qui décident. Il est regrettable qu'en pays de Fayence, certains étant passés de bas en haut, n'admettent plus le processus "bottom to top" auxquels ils se référaient.

Références:

  1. articles de Var Matin
  2. rapports de la Cour des comptes
  3. données de l'Insee
  4. 2014 le déficit dérape de 10 milliards Ifrap
  5. Cour des Comptes Finances publiques rapport 2014
  6. Graphique recettes dépenses d'administrations publiques
  7. Rapport 20144 quatre pages significatives
  8. Salon Habitat Jardins 2015 à Montauroux
  9. Statistiques du commerce extérieur des douanes
  10. Noam Chomsky "la stupidité institutionnelle"
  11. L'esprit humain face à la crise écologique Al Gore
  12. La démocratie contre la croissance ? Démocratie versus authoritarisme Project Syndicate
  13. L’infestation de la politique occidentale Project Syndicate
  14. L’OCDE au chevet du développement Vrais problèmes et solutions en faux-semblants Jacques Sapir
  15. Euro: le beau spectacle d’une union monétaire en déroute… Eric Verhaeghe
  16. Faut-il sortir de l'euro?

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Mis en ligne le 29/05/2015 pratclif.com