Le marché immobilier en pays de Fayence:
un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande

Ce billet m'est inspiré par l'actualité: l'inflexion "social-libéral" du gouvernement, la réforme des collectivités locales, la réduction du mille feuilles administratif - communes, intercommunalités, départements, régions - et les multiples doublons de compétences. Après quatre décennies de laxisme dans la gouvernance, la France est au pied du mur: déficits publics et dette cumulée devenus insupportables (*), fiscalité étouffante pour les ménages et les entreprises qui produisent les richesses, système de protection sociale devenu trop lourd, chômage massif et persistant de l'ordre de 10% de la population active, appauvrissement des classes moyennes, multiplication des règlements et des lois...
(*) Depuis 1973, le déficit n'a plus été financé par la banque de France (et l'émission monétaire) mais par un appel aux marchés financiers avec intérêts. L'inflation causée par la croissance de la masse monétaire a été remplacée par la dette et sa croissance. C'est l'excès stucturel des dépenses par rapport aux recettes de l'état qui en est la cause (dernier budget en équilibre 1973).

Le pays de Fayence est situé aux confins est du Var, avec pour frontière administrative la limite ouest du département des Alpes Maritimes. Le chef lieu du Var est à Toulon à 120km. La sous-préfecture est à Draguignan à 35km par la RD562 route départementale sinueuse (trajet alternatif plus long par l'A8 jusqu'au Muy puis par Trans en Provence). Les villes de Saint-Raphaël et de Fréjus sont à 40km. Grasse est la ville la plus proche par la RD562 25km. Les villes de Mandelieu, Cannes, Sophia-Antipolis sont facilement accessibles par l'autoroute A8. Nice, devenue métropole depuis 2012, est à 45 minutes. On trouve à Nice et dans les intercommunalités à l'Ouest de la métropole, les établissements d'éducation universitaire supérieure, des centres de recherche, des emplois dans des entreprises performantes et de haute technologie, des hopitaux et un système de santé réputés, un aéroport international, des centres culturels, toutes les acivités nautiques et de tourisme liés à la mer, des sites de randonnée et des stations de sports d'hiver dans l'arrière pays tout proche; bref toutes les activités qui constituent la dynamique des villes entourant une métropole.

Le pôle d'attractivité du pays de Fayence est assurément l'ouest des AM et la métropole de Nice.

Ces caractéristiques expliquent l'attractivité du pays de Fayence depuis 30 ans lors de l'inversion du phénomène de dépopulation rurale qui eut lieu jusqu'à la fin des années 1960; le retour des citadins, retraités du nord de la France et de l'Europe à la recherche de soleil et de la proximité de la mer, actifs relativement fortunés des bassins d'emploi des AM à la recherche d'habitat à la campagne et moins cher que dans les AM où ils travaillent. Les causes de ce retour sont les années dites "les trente glorieuses" d'après la 2e guerre mondiale, de 1945 à 1975, la croissance soutenue de 4.5% par an durant ces trente années, et la prospérité qui bénéficia largement aux segments de la population les plus actifs et à même de profiter de cette expansion. Mais comme toujours au cours du temps, comme le montre l'histoire, l'état des choses évolue. La dynamique de croissance en pays de Fayence n'est plus la même.

Premier changement perceptible: les revenus et la capacité d'endettement des jeunes actifs - primo-accédants - d'aujourd'hui sont différents

Durant les années 1970-1980, le taux d'inflation était à deux chiffres 12-15%. Ceux qui avaient un bon emploi voyaient leurs salaires augmenter chaque année en proportion de l'inflation de l'année précédente. Les jeunes actifs d'alors achetaient un premier bien immobilier - primo-accédants - en empruntant au prix d'une location et très rapidement la mensualité de leur emprunt diminuait en proportion de leur salaire. Ils vendaient alors à un primo-accédant et rachetaient un bien, plus grand, mieux situé, et de valeur de marché plus élevée. Des opérations successives de ce type permettaient de devenir propriétaire d'un bien de valeur de marché élevée. Ces jeunes devenus retraités, et souvent héritant de leurs parents, ont pu ainsi acquérir des biens immobiliers à valeur de marché élevée. La conjugaison de l'offre et de la demande dans une économie en expansion a fait grimper les prix de l'immobilier.

Mais l'inflation s'est arrêtée dans les années 1990; les salaires ont commencé à stagner tandis que le niveau général des prix a continué d'augmenter avec une inflation plus faible de l'ordre de 2% (objectif de la BCE actuellement). Tout cela s'est aggravé avec le crise commencée fin 2007, puis en 2008 et 2009. La valeur de la monnaie a baissé, les salaires ont stagné, les prix de l'immobilier se sont envolés, l'offre de logements s'est réduite.

Aujourd'hui les jeunes actifs - primo-accédants - employés des commerces, artisans, petits entrepreneurs, employés des services publics, ont du mal à se loger dans le canton; les logements offerts sont ceux de populations venues il y a 20-30 ans avec des revenus très supérieurs, ayant acquis en espaces naturels dispersés, de grandes maisons sur de grands terrains, achetés aux propriétaires fonciers à des prix de plus en plus élevés. Les vendeurs d'aujourd'hui veulent des prix élevés correspondant à la valeur historique d'acquisition de leur bien. Ces logements ne correspondent pas à la capacité d'emprunt de jeunes actifs primo-accédants du canton aujourd'hui. Selon les professionnels du marché immobilier, les exigences des vendeurs en pays de Fayence - sauf biens exceptionnels - sont telles que les prix sont devenus supérieurs à ceux des AM pour des biens équivalents. Les prix affichés en agences immobilières sont sur-évalués par les vendeurs de l'ordre de 10-20%.

Pour acquérir un bien de 250 000€ par un prêt sur 20 ans, un primo-accédant doit disposer d'un revenu mensuel net de 4500€/mois [cf. ce tableau] C'est le salaire d'un cadre moyen supérieur, ou deux salaires de cadres. Le salaire médian en France est de 1600€/mois. Il existe peu de biens offerts à ce prix en pays de Fayence. Considérant des prix typiques de l'ordre de 350-400k€, cela signifie des salaires de cadres supérieurs ou un apport initial de 40% provenant de la vente d'un bien précédant ou d'un héritage.

Voilà donc tout le problème. C'est ce qui explique pourquoi il y a dans le Var 70% des gens qui sont éligibles à un logement social. Cela explique aussi pourquoi le département est si actif dans la construction de logements sociaux à travers "Var Habitat" dont notre CG général François Cavallier est le président.

Toute cette problématique a fait l'objet des "Assises du logement social dans le Var" le 28 juin 2013 à Toulon. Voir détails en liens de droite.

Deuxième changement perceptible: le retour de l'intérêt d'être proche d'une grande ville.

Au cours des dernières décennies, dans l'ensemble de la France, la population a tendance à se regrouper autour de villes importantes où se concentrent les infrastructures, les services publics, l'habitat, les emplois, les systèmes de santé et d'éducation, les services culturels... Ce phénomène s'observe et se mesure à l'aune de la croissance de la population dans ces zones comme visible sur ce graphisme (*) [aires urbaines de plus de 250000 hab (1999)]. Les études récentes de l'INSEE confirment la tendance. Cela explique les nouvelles fractures territoriales et l'émergence de pôles d'attractivité et de compétitivité. Voir mes articles sur "Métropoles et Métropolisation" et "La France des territoires: ressources, production et emplois caractérisation en pays de Fayence".
(*)On observe bien notre appartenance à l'aire Grasse Cannes Antibes et à la métropole de Nice plutôt que Marseille Toulon.

Conclusion

Dans ce contexte nouveau, le pays de Fayence reste institutionnellement caractérisé par son économie résidentielle, avec des services publics restreints, des commerces de distribution à la population résidente, des artisans et des activités de construction liées aux besoins des habitants (construction et entretien), et des activités touristiques durant la période estivale de mi-juin à mi-août (un quasi doublement de la population résidente en cette période). L'afflux de retraités du nord et d'actifs des AM qui a contribué à la croissance de la population depuis le recensement de 1999, semble aujourd'hui ralentir. La commune de Callian a élaboré un PLU avec pour objectif une croissance de population de 1.1% au lieu des 2.4% de la décennie précédente. La Communauté de Communes, envisage une croissance moyenne de population de 1.34% au lieu de 2.8%. Si cette décroissance voulue traduit l'intention des habitants et de leurs élus de maîtriser le dévloppement urbain, cela ne doit pas conduire à du malthusianisme. Il faut donner priorité à la construction de logements pour actifs accessibles aux revenus d'aujourd'hui (habitat groupé, petits logements en lotissements). Voir l'introduction aux assises du logement dans le Var.

Je pense que le pays de Fayence doit s'accrocher davantage à l'ouest des AM; transports, emplois, logements, déchets du BTP, et lycée en seraient les points d'appui. Il s'agit de préparer l'avenir: tenir compte des réalités économiques et sociales du 21e siècle.


Partager |

Mis en ligne le 18/01/2014